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Où l’on reparle des exportations d’armes suisses

Les munitions de Ruag se sont retrouvées en Libye. sf.tv

Des munitions de Ruag vendues au Qatar qui se retrouvent en Libye: l’affaire fait grand bruit. La législation suisse interdit en effet clairement la vente de matériel de guerre aux pays en conflit.

Ruag, ancienne fabrique fédérale d’armement, est désormais un groupe technologique international dont les activités vont des munitions au secteur spatial. Il est néanmoins resté aux mains de la Confédération.

Au Secrétariat d’Etat à l’Economie (Seco), on explique à swissinfo.ch que des mesures sont en place pour éviter les exportations de munitions qui passeraient par un pays tiers.

La loi sur le matériel de guerre et ses règlement associés «contiennent un catalogue complet des conditions à remplir pour l’approbation» des exportations, rappelle le Seco dans un communiqué. Et ajoute qu’il ne devrait pas y avoir de risque que ce matériel soit utilisé contre des civils.

Ces assurances n’ont toutefois pas suffi à convaincre la gauche politique, qui réclame un arrêt complet de l’exportation de matériel de guerre.

Garanties

Le Seco explique que les ventes de matériel de guerre à un gouvernement étranger ne peuvent, dans la règle, se faire que si le pays acheteur fournit la garantie que les armes ne seront pas passées à des pays tiers.

Et d’ajouter que pour cette année, deux permis ont été délivrés au Qatar, pour une valeur de 737’200 francs portant sur des accessoires d’armement. Aucune autre demande n’est pendante.

Selon la télévisions suisse, les rebelles libyens auraient utilisé des munitions sortant de l’usine Ammotec de Ruag à Thoune, au sud de Berne. On y produit des balles de petit calibre pour la chasse, le tir sportif et les agences militaires et gouvernementales. L’entreprise est également spécialisée dans la pyrotechnique industrielle.

Cette nouvelle a relancé la revendication de la gauche pour un arrêt total de l’exportation de matériel de guerre. Au centre et à droite par contre, on argue du fait qu’il s’agit là d’un cas isolé.

Selon le reportage, le Seco a autorisé les exportations vers le Qatar en 2009, mais ce pays n’a apparemment pas respecté sa promesse de ne pas passer le matériel à un pays tiers.

En conséquence, le Seco a décidé de ne plus autoriser d’exportations vers le Qatar. Et une enquête est ouverte sur les éventuelles livraisons en Libye.

Simon Plüss, chef des contrôles à l’exportation au Seco, a déclaré mercredi à la radio alémanique DRS qu’une visite d’inspection serait menée au Qatar pour s’assurer que les munitions livrées ne sont pas reparties vers un autre pays.

Arrêt total

Jo Lang, député vert et membre de la commission de politique de sécurité du Parlement fédéral, estime quant à lui que la suspension des permis d’exportation ne va pas assez loin.

Cette figure marquante du Groupe pour une Suisse sans Armée appelle à un arrêt total des exportations d’armes vers le Qatar, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.

Pour la socialiste Evi Allemann, stipuler que les acheteurs de matériel de guerre n’ont pas le droit de le faire passer dans un autre pays n’est que «de beaux mots sur le papier», car la chose est pratiquement impossible à vérifier.

Le démocrate-chrétien, Jakob Büchler, également membre de la commission de politique de sécurité est d’un autre avis. Pour lui, cette réexportation de matériel de guerre serait un cas «déplaisant et isolé». Selon lui, il faudrait quand même suspendre les exportations vers le Qatar jusqu’à ce que la lumière soit faite.

Au Seco, on précise que dans certains cas, des contrôles ont eu lieu après l’expédition du matériel. Mais dans le cas du Qatar, la question ne s’est pas posée. A l’époque où le permis a été délivré, il n’y avait aucune raison de croire que ce pays ne respecterait pas ses engagements.

Dans la plupart des cas, les acheteurs les respectent totalement et il n’y a pas le moindre problème.

Inconsistance

En 2009, une septantaine de professeurs de droit ont publié une lettre ouverte pour dénoncer les ventes d’armes suisses à l’Inde, au Pakistan et à l’Arabie Saoudite, qui selon eux illustraient l’inconsistance de la politique suisse.

Le Seco de son côté maintient qu’en comparaison internationale, la législation suisse sur les exportations d’armes est «très restrictive».

Ainsi, les statistiques montrent, toujours selon le Seco, que les pays qui ont connu ou connaissent des insurrections au Proche Orient, dans le Golfe et en Afrique du Nord n’ont pas acheté d’armes à la Suisse ou que des limitations leur ont été imposées.

En mars 2009, le gouvernement a refusé plusieurs demandes d’exportation en raison de «situations intérieures et situations des droits de l’homme insatisfaisantes dans les pays demandeurs, au nombre desquels le Pakistan et l’Arabie Saoudite».

Pour ces deux pays, aucune demande pour des systèmes d’armement n’a été approuvée depuis.

La situation de l’Inde a par contre été évaluée différemment. Selon le Seco, il n’y a pas dans ce pays de soupçons de violations «sévères et systématiques» des droits de l’homme.

Selon les chiffres officiels, les industries suisses ont fourni en 2009 des munitions au Qatar pour une valeur de 1,85 million de francs.

L’année dernière, la Suisse a encore vendu à ce pays des armes légères pour 500’000 francs.

Le Qatar ne représente qu’une petite part des exportations suisses de matériel militaire.

En novembre 2009, le peuple suisse a clairement rejeté en votation (par 68,5% de voix) une initiative populaire qui demandait l’interdiction des exportations d’armes.

Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez

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