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Orange et Sunrise interdits de fusion

Ensemble, les deux opérateurs auraient contrôlé 38% du marché suisse de la téléphonie mobile. Reuters

La Commission de la concurrence (Comco) interdit la concentration prévue des deux opérateurs de téléphonie mobile. Une mesure rare et qui surprend. Avec Swisscom, cette fusion aurait créé une position dominante collective sur le marché, estime-t-elle.

Selon Walter Stoffel, président de la Commission de la concurrence (Comco), ce projet de concentration aurait constitué «un cas d’école».

Suite à la formation de ce duopole, le marché aurait en effet été rendu «étanche» à toute nouvelle entrée, a-t-il justifié lors d’une conférence de presse jeudi à Berne au cours de laquelle il a expliqué la décision de la Comco de refuser l’intégration de Sunrise dans France Télécom (Orange).

Cette entité – qui aurait détenu près de 40% du marché suisse – et Swisscom n’auraient été confrontés à «aucune incitation à se faire concurrence», a-t-il déclaré. Au contraire, les deux forces en présence auraient visé «un maintien de leur position», selon Walter Stoffel.

Mieux vaut trois que deux

Il leur aurait en effet été plus avantageux de maintenir un niveau de prix élevé que de s’attaquer chacune à sa concurrente dans le but de lui prendre des parts de marché, a relevé le patron de la Comco. A ses yeux, la fusion aurait donc «renforcé la position dominante de Swisscom».

«Contrairement à celui du commerce de détail, dont les barrières économiques sont moins élevées, la spécificité du secteur de la téléphonie mobile rend peu probable l’entrée sur le marché d’un nouveau concurrent», a en outre argumenté Walter Stoffel.

Et de conclure que le marché de la téléphonie aurait été «bloqué» par la fusion et que la présence de trois opérateurs permettait de garder une concurrence dynamique. «Le marché est ainsi ouvert pour les innovations».

Négatif pour le consommateur?

De leur côté, les maisons mères des opérateurs France Telecom (Orange) et le groupe danois TDC (Sunrise) se disent «déçus et surpris» par cette décision. «En l’absence de cette opération, la position dominante de Swisscom sur le marché suisse des télécommunications est pérennisée», critiquent-ils.

Les deux entreprises examinent d’éventuelles suites à donner à cette décision. Elles peuvent faire recours au Tribunal administratif fédéral (TAF), comme dans l’épisode récent d’une amende de Swisscom cassée par les juges.

Interrogé par les médias, le ministre suisse de la Communication Moritz Leuenberger a lui-même reconnu que la décision de la Comco, qui a créé la surprise en Suisse, n’était peut-être pas le mot de la fin.

«Dans le passé, plusieurs décisions courageuses de la Comco ont été finalement corrigées par le Tribunal administratif fédéral (TAF)», a-t-il rappelé. Pour l’heure, France Telecom et TDC se sont contentés de dénoncer une «décision négative pour le consommateur suisse».

Positif, estime la FRC

Un avis que ne partage pas la Fédération romande des consommateurs (FRC), qui s’est dite «très heureusement surprise» et qui a salué une «victoire sensationnelle». La FRC est d’autant plus satisfaite que son argument central a été retenu, à savoir «la position dominante collective» qu’auraient eu les deux acteurs du marché à l’issue d’une telle fusion.

Pour son secrétaire général Mathieu Fleury, il s’agit là d’un progrès important puisque cela montre qu’il faudra désormais considérer la position qu’auront ensemble les acteurs d’un secteur pour se prononcer sur les fusions en son sein. «C’est très intéressant et porteur d’espoir pour les combats futurs», a-t-il relevé.

Les associations romande, alémanique et tessinoise de défense des consommateurs ont par ailleurs souligné qu’il restait du pain sur la planche dans les télécoms, même avec trois acteurs. Pour elles, la complexité des offres rend par exemple difficile la comparaison entre les formules d’abonnement.

38% du marché suisse

Annoncé en novembre dernier, le rachat de Sunrise par Orange aurait dû être finalisé en février. Selon les chiffres communiqués alors, la transaction aurait porté sur un montant de 1,5 milliard d’euros (2,26 milliards de francs).

Après la fusion, l’entité combinée Sunrise-Orange aurait totalisé un chiffre d’affaires cumulé de 3,1 milliards de francs pour l’année 2008. Ce qui l’aurait placée loin derrière les 12 milliards de chiffre d’affaires de Swisscom.

Au niveau du marché, le nouveau groupe aurait représenté 3,4 millions de clients. L’intégration des deux marques aurait permis des synergies estimées à 3,2 milliards de francs. A l’époque, le syndicat de la communication avait fait part de son inquiétude pour l’emploi si cette fusion venait à se réaliser.

swissinfo.ch et les agences

Le marché suisse des télécoms a été libéralisé en 1998.

Depuis, l’opérateur historique Swisscom, dont l’actionnaire majoritaire est la Confédération, a réussi à maintenir sa position de numéro un sur le marché.

En 2006, un projet de privatisation a échoué devant le Parlement.

La libéralisation a incité d’autres opérateurs à faire leur entrée sur le marché helvétique des télécoms.

Numéro deux après Swisscom, Sunrise, en main de TDC (Tele Danmark Switzerland), est présent en Suisse depuis 1997.

En 2000, Sunrise a repris l’opérateur Diax, crée par les entreprises électriques suisses, ainsi que l’opérateur suédois Tele2 en 2008.

Quant au groupe Orange, racheté en 2000 aux sociétés britannique Vodafone et allemande Mannesman par France Télécom, il est présent en Suisse depuis la fin des années 1990.

Le marché suisse de la téléphonie mobile est dominé par le géant bleu Swisscom, opérateur historique.

En 2009, Swisscom a réalisé un chiffre d’affaires de 12 milliards de francs, soit 1,6% de moins qu’en 2008.

De son côté, Orange a enregistré un chiffre d’affaires de 1,296 milliards de francs en Suisse en 2009, contre 1,308 milliard lors de l’exercice précédent.

A la fin de l’année, la filiale de France Telecom comptait 1,558 millions de clients, soit 15’000 de plus qu’un an auparavant.

Enfin Sunrise a réalisé un chiffre d’affaires de 2 milliards en 2009 (+7,8%), avec 2,85 millions de clients (-0,1%).

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