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Ouverture possible sur l’agriculture d’ici l’automne

La tenue d'une conférence ministérielle à Genève en juillet est «tout à fait plausible», estime Luzius Wasescha. Keystone

Le cycle de Doha de l'Organisation mondiale du commerce ne sera pas finalisé avant la fin 2009, estime Luzius Wasescha. Mais le négociateur en chef de la Suisse croit possible d'ici à l'automne un accord crucial sur les modalités dans le dossier agricole.

«Depuis septembre, nous travaillons sur la base de textes des présidents [de groupes de négociation], ce qui a conduit à de petits progrès, estime le délégué du gouvernement. Mais à chaque question, le constat est qu’il nous faut beaucoup plus de temps que prévu pour arriver à un consensus.»

Depuis six ans et demi maintenant, les 151 Etats-membres de l’OMC planchent sur un accord qui réglementerait et étendrait davantage la libéralisation du commerce mondial. De combien? Bien malin qui peut le dire.

Seule certitude, l’impatience est réelle dans les milieux de l’exportation notamment. Luzius Wasescha estime qu’un accord avant l’automne est possible sur les modalités (manières non-chiffrées de réduire les aides) dans le droit industriel mais aussi dans le dossier agricole. Le dossier qui coince depuis le début.

«Si on parvenait à s’entendre sur les modalités, cela permettrait aux pays-membres d’établir leur liste d’engagements [taux de droits de douane, engagements sur les soutiens internes, etc]. Suivrait une procédure de vérification, qui peut durer entre six mois et une année.»

Etape qui doit permettre de s’entendre au plus haut niveau, Luzius Wasescha estime la tenue d’une conférence ministérielle à Genève «tout à fait plausible pour le mois de juillet. C’est trop juste pour le mois de mai. En juin, il y a des problèmes de sécurité liés à l’Euro 2008».

Mais le fait est clair. Un accord final sur le cycle de Doha est possible «au plus tôt à la fin de 2009. (…) Nous avons fait entre 30 et 50% du chemin vers un accord», juge le chef négociateur suisse.

Des acquis en poche

Des résultats concrets, qui feront partie de l’accord final, sont déjà du domaine de l’acquis. Les Etats-membres sont, par exemple, d’accord depuis 2005 pour éliminer les subventions à l’exportation dans l’agriculture au plus tard en 2013.

En matière de soutiens internes à l’agriculture, la Suisse peut se montrer satisfaite, elle pourra poursuivre ses paiements directs (boîte verte). Mais sur l’essentiel des autres sujets, «les résultats sont, hélas, extrêmement minces», constate Luzius Wasescha.

Pour un accord sur les modalités, les fronts devront évoluer. L’Union européenne continuera à bouger [vers plus de libéralisme agricole], estime le négociateur suisse. «Mais il faut que les Américains, les Indiens, les Brésiliens et tous les autres bougent également [en matière d’ouverture des marchés industriels notamment] pour pouvoir parler de convergence.»

L’inconnue européenne

Actuellement, l’UE est divisée sur les concessions à faire sur le dossier agricole. Or, l’UE, protectionniste elle aussi, fait un peu office de paravent pour la Suisse et les autres pays du G-10.

Ces pays du G-10, importateurs agricoles net, risquent donc d’être lésés si l’UE va trop loin. «Une inquiétude», ne cache pas Luzius Wasescha, qui laisse planer la menace d’un blocage.

«Il est essentiel de ne pas sous-estimer la capacité de résistance des pays de petite et moyenne dimension, avertit plus largement le Suisse. Les grands font toujours l’erreur de penser qu’une fois d’accord entre eux, les autres vont suivre. Ça ne marche pas comme ça. Ils doivent faire davantage d’efforts pour soigner les liens avec les moyens et les petits.»

La crise alimentaire

Face à l’urgence de la crise alimentaire actuelle, certaines voix extérieures à la négociation proposent un accord séparé sur l’agriculture. Cet accord permettrait aux pays du sud d’accéder plus facilement et plus rapidement aux marchés du nord.

«Les effets des négociations à l’OMC se font sentir à moyen terme, rétorque Luzius Wasescha. La définition des règles qui permettent aux politiques agricoles nationales d’évoluer vers l’ouverture du marché et une plus grande sécurité juridique ne permet pas d’envisager le court terme.» Autrement dit, un accord séparé sur l’agriculture «ne serait pas une solution» pour traiter l’urgence de la crise et n’obtiendrait pas l’aval de la Suisse.

Pour Luzius Wasescha, l’élimination des subventions à l’exportation et la diminution des soutiens internes conduisent notamment à une stabilisation de la production agricole dans le pays en développement. La libéralisation sera donc bénéfique.

Actions protectionnistes

Ceci dit, la crise alimentaire induit des comportements protectionnistes chez les plus fermes adeptes du libéralisme agricole. Des pays comme l’Inde, le Brésil ou l’Argentine imposent des restrictions à l’exportation pour assurer la sécurité alimentaire de leur population.

«Nous comprenons que ces gouvernements soient sous pression et qu’ils doivent agir. Mais à quoi bon une amélioration de l’accès au marché si, ensuite, les fournisseurs ne peuvent pas livrer?»

Techniquement, l’OMC reconnaît le droit de taxer les exportations, mais elle interdit les restrictions et les contingents à l’exportation. A la suite du Japon (proposition déposée le 30 avril à l’OMC), la Suisse demande une plus grande discipline dans ce domaine.

swissinfo, Pierre-François Besson

Les 151 Etats-membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) négocient depuis six ans et demi une plus grande libéralisation des échanges commerciaux dans le cadre du «Cycle de Doha». Agriculture et produits industriels sont les deux dossiers qui occupent actuellement les négociateurs à Genève.

Dans le domaine agricole, les Etats doivent encore s’entendre sur des points-clés comme les réductions tarifaires, la diminution des soutiens internes ou le traitement des produits sensibles (produits qui bénéficieront d’exemptions par rapport à la formule générale de baisse des droits de douanes).

Mieux intégrer les pays en développement dans le commerce mondial et susciter l’essor du commerce sud-sud sont des objectifs avoués de ce cycle, assimilé à un «round» du développement.

Dans le cadre des négociations du cycle de Doha, la Suisse préside un groupe de pays appelé G 10, qui comprend aussi le Japon, la Corée, Taiwan, Israël, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et Maurice.

Ces pays importateurs nets de produits agricoles veulent une libéralisation progressive du commerce agricole en tenant compte de considérations de type écologique, socio-économique et identitaire.

Défensive sur le dossier agricole, la Suisse milite pour une libéralisation des services et une diminution des taxes douanières sur les produits industriels.

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