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Les malades du Covid-long se battent pour obtenir aide et reconnaissance

Épuisement et faiblesse musculaire sont les symptômes les plus fréquents des patients atteints du Covid-long. Credit: Mariia Boiko / Alamy Stock Photo

Les personnes infectées par le coronavirus peuvent subir des séquelles durables qualifiées de «Covid-long». Autorités et médecins n’y ont pas encore accordé une grande attention et les malades se sentent souvent très seuls. Même en Suisse, où le système de santé est coûteux et de bonne qualité.

Chantal Britt incarnait la robustesse physique et mentale: cette spécialiste en communication, âgée de 52 ans et mère de trois enfants, était une sportive accomplie. Elle avait pour habitude de participer chaque année à deux marathons.

Puis le coronavirus est arrivé. Début mars, Chantal Britt a participé à un événement choral avec 800 autres personnes. «Cinq jours plus tard, j’ai été brièvement malade», se souvient-elle. La sportive ne savait pas encore qu’elle avait contracté la Covid-19. Aujourd’hui, elle n’en a toujours pas l’absolue certitude. Mais cet épisode a été le début d’une période de souffrance qui n’a pas encore pris fin, près de dix mois après l’infection.

Elle qui s’est entraînée régulièrement sur des kilomètres le long de l’Aar est désormais à bout de force après quelques marches d’escalier. Au moindre effort, son pouls monte à 150 battements. «Depuis presque un an, la promenade est l’effort physique le plus intense que je peux atteindre. Ce n’est plus tout à fait moi», confie la marathonienne.

Chantal Britt sort de l’isolement et donne un visage à cette nouvelle maladie. SRF-SWI

Des résultats inquiétants

Début mai, le professeur à la Liverpool School of Tropical Medicine Paul Garner a été l’un des premiers à décrire les symptômes de la maladie du Covid-long. Dans un articleLien externe de blog, il décrit les séquelles prolongées de sa propre maladie Covid 19 comme un «tour de montagnes russes».

Les résultats de la plus grande étudeLien externe menée à ce jour sur les effets du Covid-long, publiés le 8 janvier dans la revue scientifique The Lancet, sont inquiétants. Un groupe de chercheurs chinois a examiné près de 2500 personnes hospitalisées au printemps après avoir contracté la Covid-19. Six mois plus tard: les trois quarts (76%) présentent encore un symptôme au moins, près des deux tiers (63%) souffrent d’épuisement et de faiblesse musculaire. Des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, de la dépression et une altération du fonctionnement des poumons sont également courants. 13% souffrent d’une défaillance des reins.

Le terme «Covid-long» n’a pas été inventé par les médecins, mais bien par les patients qui ont commencé à décrire les effets à long terme de leur infection au coronavirus. Les autorités et le corps médical peinent encore à prendre conscience de l’émergence de cette nouvelle maladie, car ils sont en pleine crise sanitaire et ne parviennent pas à contenir la propagation du virus.

Fatigue extrême

Toux prolongée

Faiblesse musculaire

Légère fièvre

Problèmes de concentration

Trous de mémoire

Sautes d’humeur, parfois dépression et autres problèmes psychiques

Troubles du sommeil

Maux de tête

Douleurs articulaires

Douleurs dans les bras et les jambes

Diarrhée et vomissements

Perte du goût et de l’odorat

Maux de gorge et difficultés à avaler

Apparition de diabète et d’hypertension

Éruptions cutanées

Essoufflement

Douleurs dans la poitrine

Palpitations

Perte des cheveux

Perte des dents

Source: WikipédiaLien externe

Certains pays font tout de même figure d’exceptions. Par exemple le Royaume-Uni, où les autorités sanitaires nationales ont décrit la maladie et élaboré des directives pour les traitements. La première clinique spécialisée pour les patients atteints du Covid-long a ouvert ses portes au mois de mai en Angleterre.

Aux États-Unis, le célèbre immunologiste Anthony Fauci estime que 25% à 35% des patients atteints de la Covid-19 garderont des symptômes sur le long terme. En Suisse, le Covid-long est encore une page vierge. Il manque aux personnes concernées des informations officielles de la part des autorités ainsi que des services de consultation, de traitement et de réadaptation spécifiques.

Les conséquences à long terme de la Covid-19 font néanmoins l’objet de trois projets de recherche lancés au mois d’août dans le cadre du programme national «Covid-19». Ils se concentrent sur les projections élaborées par l’intelligence artificielle ainsi que les effets neuropsychologiques tardifs. Plusieurs études sont également en cours dans les hôpitaux suisses, notamment à Berne et Zurich.

Premiers effets

Quelques semaines après son infection, Chantal Britt se rend à vélo au bureau pour récupérer ses affaires en vue de travailler à domicile pendant le semi-confinement. Elle souffre alors d’un accès de faiblesse: «Sur une légère pente, j’ai dû m’arrêter après quelques mètres, descendre du vélo et récupérer sur le trottoir. J’étais complètement épuisée, mon cœur battait la chamade et je ne pouvais presque plus respirer», se souvient-elle.

Chantal Britt ne peut pas présenter de test positif au coronavirus, car les personnes sans symptômes ne pouvaient pas se faire tester au mois de mars. Cependant, son médecin de famille prend son témoignage au sérieux et l’envoie chez un spécialiste des poumons. Celui-ci découvre qu’elle présente à ce moment-là la capacité pulmonaire d’une «femme âgée et en surpoids» qui n’a jamais fait d’exercice, raconte Chantal Britt. «Mes poumons entraînés pour le marathon réagissent comme si j’avais fumé deux paquets de cigarettes le soir d’avant.»

Son légendaire optimisme fait place à l’angoisse: un cardiologue lui diagnostique une inflammation du muscle cardiaque et elle craint que ses poumons et son cœur ne s’en remettent jamais complètement. Elle a peur de ne plus jamais pouvoir courir et de devoir passer le reste de sa vie sans véritable activité physique.

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Manque d’informations

Au début, cette ancienne journaliste cherche des informations pour pouvoir évaluer sa situation et entrer en contact avec d’autres malades. Mais elle ne trouve presque rien. Du coup, elle crée sur Facebook avec Florence Isler, mère de famille de 43 ans souffrant d’une forme particulièrement sévère de Covid-long, le groupe d’entraideLien externeLong Covid Schweiz ainsi qu’un site internet, longcovidch.infoLien externe.

Les deux femmes veulent ainsi offrir un soutien aux personnes touchées et sensibiliser l’opinion publique à cette nouvelle maladie. Les principales requêtes qui leur parviennent sont de reconnaître le Covid-long en tant que maladie, d’améliorer le diagnostic, le traitement et la prévention. De nombreuses personnes souhaitent également disposer de périodes de consultation spécifiques et d’un soutien sur le long terme, même en l’absence de test positif.

Le groupe Facebook compte près de 350 membres âgés de 17 à 58 ans. En se basant sur des estimations du Royaume-Uni, selon lesquelles une personne infectée sur dix n’a pas retrouvé sa pleine santé plusieurs mois après l’infection, Chantal Britt suppose qu’environ 50’000 personnes en Suisse souffrent ou ont souffert de symptômes plus ou moins graves depuis la première vague. Le fait que la personne n’ait eu que des symptômes légers ou ait été placée en coma artificiel aux soins intensifs ne semble jouer aucun rôle.

Chantal Britt, Florence Isler et un nombre croissant d’autres malades reprochent aux autorités sanitaires suisses de ne pas fournir d’informations et de traitements aux patients atteints de Covid-long un an après le début de la pandémie. Alors que le système de santé est l’un des plus chers du monde. «Sur la page d’accueil de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les personnes concernées cherchent encore en vain des informations sur le Covid-long», relève la marathonienne.

Face à ces reproches, un porte-parole de l’OFSP indique à swissinfo.ch qu’une informationLien externe sur les conséquences à long terme de la Covid-19 a été publiée par le groupe de travail scientifique de la Confédération et que diverses études à ce sujet sont en cours.

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Restrictions des assurances maladie

Au lieu d’être reconnues et aidées, les victimes subissent même des pressions de la part des assureurs maladie. «Les caisses s’efforcent déjà d’exclure les effets à long terme de la Covid-19 de la couverture par l’assurance complémentaire», déclare Chantal Britt. Car la palette actuelle de traitements, comme la physiothérapie, ne serait pas destinée aux affections de longue durée.

Le manque de soutien, l’insécurité et l’isolement ont un impact négatif sur la santé mentale déjà bien affectée des malades du Covid-long. Aux symptômes physiques tels que l’épuisement, les douleurs, l’essoufflement et l’intolérance au stress s’ajoutent des problèmes psychologiques tels que la dépression, l’anxiété et les troubles du sommeil.

Chantal Britt est très critique envers le gouvernement suisse, car il n’a pas voulu confiner la population. «Dans les sondages de la deuxième vague, une majorité de la population s’est prononcée en faveur de mesures plus strictes. Si le Conseil fédéral n’en tient pas compte, il n’agit pas de manière démocratique», soutient-elle. En effet, lors de la cinquième enquête sur le coronavirus mandatée par la Société suisse de radiodiffusion (SSR, dont fait partie swissinfo.ch) et publiée début novembre, 54 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables à un confinement de courte durée.

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En rouvrant les commerces, les écoles et les stations de ski, le gouvernement fait courir de grands risques à la population, estime Chantal Britt. Les personnes contaminées peuvent être affaiblies durant des mois et voir leur santé durablement atteinte, prévient-elle. «Cela n’est pas digne d’un pays riche comme la Suisse». Tant que les effets à long terme de la Covid-19 ne sont pas mieux connus, Chantal Britt considère qu’il n’y a qu’une seule solution: faire baisser le nombre de cas.

Dans le groupe Facebook Covid-long, les membres échangent aussi de bonnes nouvelles: même les personnes qui ont passé la plupart du temps allongées ou en fauteuil roulant depuis le printemps dernier en raison de troubles musculaires et neurologiques rapportent de lentes améliorations. Ces témoignages donnent l’espoir que ce groupe de soutien ne sera bientôt plus nécessaire.

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