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Paroles en liberté

Anne Benoît met en scène et joue ces écritures «en délire». SP

En collaboration avec la Collection de l'Art Brut à Lausanne qui présente l'exposition «Ecriture en délire», deux spectacles, traitant de ce même thème, ont été programmés en Suisse romande.

Après «A Ma Personnagitée» donné à Genève, voici «La Demoiselle dite chien sale», à Lausanne.

En ce printemps, les «Ecrits bruts» sont sur tous les fronts. Il y eut, début mai, «A Ma Personnagitée», le très touchant spectacle de la Lausannoise Geneviève Pasquier, donné à Genève. Et voici maintenant «La Demoiselle dite chien sale», un solo monté et interprété par la Française Anne Benoît.

L’un et l’autre spectacle ont été conçus en collaboration avec la Collection de l’Art Brut à Lausanne, qui propose jusqu’au 5 septembre une exposition intitulée «Ecriture en délire».

Les «incompris de la société»

On peut y découvrir des textes épistoliers, des plaidoyers, des grimoires. Et aussi des dessins, des peintures, des broderies. Le tout réalisé par des pensionnaires d’asiles psychiatriques.

Mais d’abord, qu’est-ce que les «Ecrits bruts»? Ce sont justement des paroles de fous, d’êtres marginaux qu’Antonin Artaud préférait appeler les «incompris de la société». Paroles couchées sur du papier, toujours indomptables car refusant toute soumission aux normes grammaticales, syntaxiques, logiques.

Mais peut-on parler de logique lorsqu’il s’agit de folie? Certes non, avait démontré Geneviève Pasquier qui proposait comme décor pour son spectacle trois cadres imaginés comme les trois pages d’un cahier.

Toute parole proférée par les comédiens ne prenait alors son sens que parce qu’elle tentait d’échapper à ces cadres, carcans insupportables pour une pensée insurrectionnelle.

Malaise

Anne Benoît, elle aussi, a choisi de travailler sur le langage des aliénés, sur ses débordements et ses incontinences. Mais au-delà des mots, la comédienne cherche à montrer dans, «La Demoiselle dite chien sale», le malaise des personnes démentes. Avec, au bout du compte, cette question lancinante: quelle différence entre les fous et nous?

«Ce qui m’intéresse, confie-t-elle, ce n’est pas d’incarner la folie mais de faire passer sur scène des états humains qui nous sont communs à tous: l’amour, la haine, la colère, l’angoisse…»

Présenté d’abord à la Collection de l’Art Brut (du 1er au 6 juin), puis à Vidy (du 8 au 20 juin), le spectacle puise sa matière dans un livre paru sous le titre «Textes sans sépultures». Y sont réunis des écrits d’hommes – et de femmes surtout – ayant été enfermés à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne, en France.

Le titre du recueil laisse songeur. Il fait penser à «corps sans sépultures» et induit l’idée de profanation. Mais Anne Benoît y a vu plutôt une dénonciation de l’anonymat. «Ces textes, dit-elle, sont comme des tombes sans noms, sans croix.»

En effet, ils ne sont pas signés. Aucune indication n’est donnée sur la vie de leurs auteurs; pire, une ambiguïté plane sur l’identité sexuelle de ces derniers. Anne Benoît n’a pas pour autant l’intention de réhabiliter leur mémoire. Ce qu’elle souhaite, c’est donner à leurs paroles une liberté.

swissinfo, Ghania Adamo

L’exposition «Ecriture en délire» est à voir à la Collection de l’Art Brut, Lausanne, jusqu’au 5 septembre.
«La Demoiselle dite chien sale», à découvrir à la Collection de l’Art Brut, du 1er au 6 juin puis au Théâtre de Vidy-Lausanne, du 8 au 20 juin.

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