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Pas d’imprescriptibilité des actes de pédocriminalité

La majorité des députés refuse de mettre les pédocriminels dans le même sac que les criminels de guerre.

Le Conseil national (Chambre basse) repousse l'idée de rendre imprescriptibles les violences sexuelles contre les enfants. Il a refusé jeudi une initiative populaire dans ce sens.

Les députés lui ont préféré un contre-projet qui prévoit que les victimes de tels actes auraient plus de temps pour déposer plainte. Concrètement, jusqu’à leurs 33 ans.

L’initiative populaire de Marche blanche a été écartée par 137 voix contre 40. L’association veut inscrire dans la Constitution que les actes d’ordre sexuel ou pornographique sur un enfant impubère sont imprescriptibles.

Le Conseil des Etats (Chambre haute) doit encore se prononcer, mais au final, c’est le peuple qui aura le dernier mot.

Pas comparable à un génocide

Rendre imprescriptibles les atteintes à l’intégrité sexuelle des enfants au même titre que les génocides et les crimes de guerre est disproportionné, a argué le député socialiste Carlo Sommaruga, au nom de la commission.

De plus, traiter ces affaires longtemps après leur déroulement rend difficile l’établissement des faits, avec un risque d’erreurs judiciaires ou d’acquittements selon le principe que le doute profite à l’accusé, ont noté plusieurs intervenants.

Le fait que le texte des initiants ne distingue pas les auteurs de délits qui sont mineurs au moment des faits des auteurs qui sont majeurs pose aussi problème, a expliqué quant à elle la nouvelle ministre de Justice et Police Eveline Widmer-Schlumpf.

En revanche, le contre-projet du Gouvernement a rallié une majorité constituée des groupes radical (droite), démocrate-chrétien (centre droit), socialiste et vert. Ce texte prévoit d’accorder un délai plus long aux personnes agressées pour saisir la justice.

La prescription de 15 ans ne commencerait à courir qu’à la majorité de la victime, ce qui lui permettrait de déposer plainte jusqu’à ses 33 ans. Le délai échoit actuellement entre les 25 et les 31 ans de la victime, selon les cas.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Les nationalistes plus stricts

Suivant la minorité de la commission, le groupe UDC (droite nationaliste) a tenté en vain de faire partir le délai de prescription de 15 ans dès l’âge de 25 ans.

Cette proposition ayant été rejetée, une partie du groupe UDC a voté en faveur de l’initiative, car ce type d’actes ne peut être ni «oublié, ni pardonné», selon le député Pirmin Schwander.

Une position qui tranche avec celle de l’écologiste Alec von Graffenried. «Dans notre société, il existe le droit au pardon, à l’oubli, au deuil. C’est pour cela que la prescription existe», a-t-il argué.

«Elle a aussi pour but de permettre la réinsertion», a souligné Eveline Widmer-Schlumpf, même si elle admet que le Gouvernement «a été sensible aux arguments des initiants».

Durcissement

Dans la foulée, le Conseil national a décidé de donner suite à deux initiatives parlementaires pour prévenir la pédocriminalité.

Celle de la démocrate-chrétienne Chiara Simoneschi propose que les personnes qui ont une activité en lien avec des enfants soient tenues de produire un extrait de casier judiciaire.

«Tout cas que l’on peut prévenir, c’est un enfant abusé en moins», a plaidé la députée. Et d’ajouter que dans son canton, on exige un extrait de casier judiciaire pour obtenir un permis de pêche… mais pas pour travailler avec des enfants. Elle a été suivie par 97 voix contre 79.

Autre proposition démocrate-chrétienne, celle de Christophe Darbellay d’interdire aux pédocriminels condamnés de travailler avec des enfants pendant dix ans, l’a emporté par 94 voix contre 86.

En revanche, le texte de l’UDC Oskar Freysinger de ne pas radier du casier judiciaire une condamnation pour pédophilie a été écarté par 94 voix contre 83.

swissinfo et les agences

L’association demande l’inscription dans la Constitution fédérale de l’imprescriptibilité de l’action pénale et de la peine pour les auteurs d’actes d’ordre sexuel ou pornographique sur des enfants.

Marche blanche revendique également un nombre suffisant d’agents fédéraux luttant contre la pédocriminalité et des statistiques sur les crimes sexuels commis sur des enfants. Elle demande aussi la création d’un Office fédéral de la famille.

Apolitique et non confessionnelle, l’association a été créée en 2001 par un groupe de parents, sur le modèle de ce qui s’est fait en Belgique dans le sillage de l’affaire Dutroux. Elle organise régulièrement des marches silencieuses dans différentes villes de Suisse.

Le terme vient de deux mots grecs (pais – l’enfant et philos – qui aime). Il désigne une orientation sexuelle envers des enfants qui n’ont pas atteint la puberté. Cet intérêt sexuel peut se focaliser aussi bien sur des garçons que sur des filles.

Le terme pédophilie a été créé et défini en 1886 par le psychiatre viennois Richard von Krafft-Ebing. De nos jours, on préfère utiliser les termes «pédosexualité» ou «pédocriminalité», notamment parce que le suffixe «-philie» prête à confusion.

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