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Pas de «Managed Care» sans les hôpitaux

Les services d'urgence des hôpitaux sont de plus en plus sollicités. Keystone

Alors que le Parlement s’apprête à empoigner une révision de la Loi sur l’assurance-maladie, les hôpitaux suisses donnent de la voix. «Favoriser les soins en réseau, c’est bien, mais n’oubliez pas le rôle central que nous y jouons», ont-il dit jeudi aux médias.

Les patients alités à l’hôpital, les patients en traitement ambulatoire chez un généraliste ou un spécialiste de cabinet. L’image a la vie dure, bien qu’elle colle de moins en moins à la réalité. Et H+, l’association faîtière des hôpitaux et des cliniques de Suisse entend bien la casser.

«Autant dans le débat politique que dans l’image qu’on se fait d’un système de Managed Care, on oublie que les hôpitaux fournissent de plus en plus de prestations ambulatoires», note Charles Favre, député libéral-radical (droite) et président de H+.

A sa session de juin, la Chambre basse du Parlement entamera l’examen d’une révision législative qui vise à favoriser les réseaux de type Managed Care. Et même si la loi n’entre pas dans le détail de qui fait quoi, les hôpitaux ont voulu en profiter pour faire passer leur message.

On dort de moins en moins à l’hôpital

Dans les faits, 40% des traitements ambulatoires se font déjà à l’hôpital. Et la tendance est à la hausse. Entre 2004 et 2008, le nombre des traitements ambulatoires hospitaliers a crû de 3,7%, soit plus que la moyenne des traitements toutes catégories confondues. Pour les urgences, la croissance est même de plus de 20%.

Cette dernière tendance découle d’une évolution des demandes des patients, qui aujourd’hui veulent pouvoir consulter en tous temps et s’adressent directement aux services des urgences des hôpitaux plutôt que de passer d’abord par un généraliste.

Mais il y a plus. «On hospitalise les patients dans des lits de moins en moins longtemps, ce qui signifie qu’ils doivent être pris en charge de manière ambulatoire sur des pathologies complexes. Et ceci se fait souvent en hôpital», explique Charles Favre.

Ainsi, le nombre des opérations de la cataracte pratiquées en hôpital de jour est-il en hausse de 27% sur quatre ans. Plus spectaculaire encore, les chimiothérapies ambulatoires, en hausse de 57%. Dans ces cas, les patients apprécient de pouvoir regagner rapidement leur domicile.

Gérer les malades, pas les bien portants

Toujours dans le souci d’améliorer la qualité et l’efficience des soins, H+ demande également que les réformes se focalisent sur les patients atteints de maladies graves ou chroniques.

«20% des assurés occasionnent 80% des dépenses, rappelle le président de H+. C’est là qu’il faut agir, car il n’y a pas grand chose à gagner à modifier les modèles d’assurance pour les bien portants».

D’où l’importance d’un bon système de compensation des risques, sans lequel, selon H+, il n’y a pas de Managed Care possible. Depuis plusieurs années, il existe un fonds commun, alimenté par l’ensemble des caisses maladie, qui sert à dédommager celles qui ont le plus de patients «lourds».

«Ce système est destiné à éviter que les caisses sélectionnent les risques et ne prennent que les bons cas, qui ne coûtent pas cher. Mais il ne fonctionne pas à 100%, note Charles Favre. Il y a donc toujours un intérêt pour les caisses à prendre plutôt les bons risques que les mauvais».

Un seul payeur

Autre élément central pour les hôpitaux: le financement moniste. H+ le préconise depuis des années, plusieurs interventions parlementaires sont pendantes dans ce sens et le rapport 2006 de l’OCDE sur le système de santé en Suisse le recommandait déjà.

Actuellement, les séjours et les soins à l’hôpital sont payés essentiellement par les cantons et les soins ambulatoires essentiellement par les caisses maladie. L’idée serait de ne plus avoir qu’un seul payeur, ce qui supposerait évidemment une mise en commun des ressources des uns et des autres.

Selon les économistes de la santé, ce système inciterait à plus d’efficacité et à une meilleure prise de conscience du facteur coûts. Et plus personne ne le conteste vraiment. Le seul problème, c’est de choisir qui sera le moniste. Soit le payeur.

«Les cantons refusent que ce soit les caisses, et on les comprend, parce qu’ils dépensent des milliards dans la santé. Et les caisses, qui dépensent l’argent des assurés, disent que c’est à elles de diriger le système. C’est donc une lutte de pouvoir entre les deux», constate Charles Favre.

Une lutte que le président des hôpitaux suisses ne juge «plus acceptable». D’où la demande de H+ que les partenaires s’assoient à une table et se mettent d’accord, au lieu de «se renvoyer systématiquement la balle».




370 établissements, de l’hôpital universitaire à la clinique spécialisée (psychiatrie, réadaptation, autres). 60% d’institutions publiques, 40% de privés.

Emploi. 177’000 personnes travaillent dans les hôpitaux, soit près de 4% de la population active du pays.

Coûts. Le système hospitalier suisse coûte quelque 20 milliards de francs par année, sur une facture globale de la santé de 60 milliards.

Managed care, ou gestion des soins. Ce modèle venu d’Amérique du Nord fait son chemin en Europe, surtout du nord. Les fournisseurs de prestations médicales (médecins de famille et spécialistes, hôpitaux, pharmaciens) se regroupent pour coordonner les soins et garantir la qualité la plus élevée. Les coûts peuvent ainsi baisser de 10 à 20%.

En Suisse, la loi n’autorise les réseaux de soins que depuis 1996. Il en existe environ 80 à ce jour et la révision en cours de la Loi sur l’assurance-maladie vise à les encourager, avant tout par des incitations financières.

Ambulatoire. Les traitements qui ne nécessitent pas un lit d’hôpital ne sont de loin plus l’apanage exclusif des médecins de cabinet. Aujourd’hui, les hôpitaux fournissent 40% du total des traitements ambulatoires.

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