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Pas de naturalisation par le peuple

La procédure de naturalisation doit, notamment, respecter le droit d'être entendu. Keystone Archive

La première cour de droit public du Tribunal fédéral (TF) juge anticonstitutionnelles les naturalisations soumises au suffrage populaire.

Ce verdict concerne une initiative communale zurichoise de l’UDC. Mais il a déjà des conséquences au plan national. La preuve avec l’affaire d’Emmen.

C’est «une décision révolutionnaire», a confié à l’agence de presse AP l’un des cinq juges du Tribunal fédéral (TF) qui était chargé de trancher pour la première fois cette question controversée.

Un verdict qualifié en susbstance de raisonnable par les socialistes, de juste par les radicaux et d’éminemment politique par les démocrates du centre de la Ville de Zurich.

L’Union démocratique du centre (UDC) zurichoise ne s’avoue pas battue pour autant. Elle a d’ailleurs l’intention de remonter au filet. Cette fois, de concert avec l’UDC nationale.

Une initiative recalée à Zurich

En octobre 1999, l’UDC de la Ville de Zurich avait lancé une initiative populaire communale demandant que les naturalisations soient désormais soumises au vote populaire («Einbuegerung vors Volk»).

En janvier 2001, les autorités communales zurichoises avaient décrété cette initiative anticonstitutionnelle. Et, en novembre 2002, le gouvernement cantonal zurichois allait dans le même sens, en rejetant le recours des démocrates du centre.

Enfin, mercredi, à Lausanne, c’est à l’unanimité que la première cour de droit public du Tribunal fédéral a jugé que cette initiative violait la Constitution fédérale.

En rejetant le recours de l’UDC de la Ville de Zurich, les juges ont expressément précisé que leur décision ne concernait que les naturalisations soumises au vote populaire.

Autrement dit, elle ne touche pas celles qui sont prononcées par une assemblée communale.

Garanties juridiques indispensables

Les juges fédéraux expliquent que la procédure de naturalisation ne peut se faire sans garantie juridique. Et que, par conséquent, le droit constitutionnel doit être respecté.

Parmi ces garanties figurent, entre autres, le droit d’être entendu et le droit d’obtenir une décision motivée.

Or, selon le jugement du TF, le système de la votation populaire ne permet pas à la collectivité publique de prendre une décision assortie d’une motivation répondant aux exigences du droit constitutionnel.

De plus la rédaction d’une motivation par un organe élu par la collectivité ne serait pas propre à réparer ce vice.

Protection de la sphère privée

Par ailleurs, les juges fédéraux estiment qu’il existe une contradiction irréductible entre le droit des citoyens à une information complète et le droit des candidats à la naturalisation à une protection de leur sphère privée.

«La naturalisation ne doit pas être soumise à la règle de la majorité parce qu’elle touche les droits humains individuels», renchérit Hans Geser, sociologue à l’université de Zurich.

Et, sur ce point, les juges de Lausanne comme le professeur de Zurich partagent complètement le point de vue du gouvernement zurichois.

Le verdict de Lausanne est très clair. Et il dépasse les frontières de la Ville de Zurich. En d’autres termes, il concerne tout le territoire suisse.

Ainsi, dans un arrêt publié mercredi en fin de journée, le TF estime que cinq des demandes de naturalisation refusées en mars 2000 par les citoyens d’Emmen (LU) devront être réexaminées par les autorités.

Le tribunal a jugé que ces cinq ressortissants d’ex-Yougoslavie avaient été victimes de discrimination et que leurs droits constitutionnels avaient été violés.

Remplacer la votation populaire

Le 12 mars 2000, les citoyens de cette commune lucernoise avaient approuvé la naturalisation des huit candidats originaires d’Italie. Mais ils avaient refusé toutes les autres demandes, présentées en majorité par des ressortissants d’ex-Yougoslavie.

Certains candidats malheureux avaient alors recouru auprès du gouvernement lucernois. Mais en vain.

Ils avaient ensuite saisi le Tribunal fédéral par le biais d’un recours de droit public.

Dans son arrêt, le TF constate que ces candidats à la naturalisation ont été désavantagés «à cause de leur origine».

Et d’ajouter que «cette différence de traitement ne pouvant être justifiée objectivement, ils ont été victimes d’une discrimination prohibée par l’article 8 alinéa 2 de la Constitution fédérale».

La décision du gouvernement lucernois est donc annulée. Et les autorités compétentes (commune et canton) devront organiser la suite de la procédure de naturalisation.

En clair, elles devront remplacer la votation populaire par un autre système conforme à la Constitution fédérale.

swissinfo et les agences

– 1999: la section de la Ville de Zurich de l’UDC lance une initiative communale pour que les naturalisations soient soumises au vote populaire.

– 2001: les autorités municipales zurichoises jugent l’initiative contraire à la Constitution.

– 2002: suite à un recours, le gouvernement cantonal zurichois juge à son tour que l’initiative est anticonstitutionnelle.

– 2003: le Tribunal fédéral statue sur le recours de droit public de l’UDC de la Ville de Zurich.

– Les magistrats jugent que l’initiative viole la Constitution fédérale en ne respectant pas certains droits fondamentaux (droit d’être entendu et droit d’obtenir une décision motivée).

– Dans la foulée, le TF estime que cinq des demandes de naturalisation refusées en mars 2000 par les citoyens d’Emmen devront être réexaminées par les autorités lucernoises.

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