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Passages piétons: facteur de sécurité ou piège mortel?

Près de la moitié des passages piétons de Suisse pourraient être améliorés. Keystone

Les accidents se multiplient sur les passages pour piétons en Suisse et la Confédération prévoit une campagne de sensibilisation pour les automobilistes et les piétons. Les experts s’accordent sur un point: la qualité des passages est plus importante que leur quantité.

Pas une semaine sans que les médias annoncent des morts et des blessés graves sur l’un ou l’autre passage piétons du pays. Gianantonio Scaramuzza, du Bureau pour la prévention des accidents (bpa) ne parle pas pour autant de cumul et se demande «sérieusement s’il n’y a pas plutôt cumul d’articles dans les médias».

«Si l’on regarde les chiffres des 30 dernières années, on constante au contraire que la tendance est nettement à la diminution. Les accidents graves sur les passages pour piétons ont diminué de 75%», note l’expert en sécurité.

Ce qui n’empêche pas de compter toujours – et surtout en hiver – en moyenne un mort et neuf blessés graves par semaine, ce qui constitue encore «une situation grave».

L’erreur humaine

Comme l’explique Gianantonio Scaramuzza, les accidents sur les passages piétons s’expliquent par une combinaison de différents facteurs: «si l’on ne veut pas qu’il soit un piège ou qu’il offre une illusion de sécurité, un passage doit remplir certains critères architecturaux et fonctionnels. Et le conducteur doit être bien conscient qu’il n’y a pas de priorité sur un passage piétons. Certes, la loi donne clairement la priorité au piéton, mais pour sa propre sécurité, il a parfois intérêt à y renoncer».

Surtout quand on sait que dans plus de 85% des cas d’accidents, ce sont les conducteurs qui sont seuls responsables. Selon l’expert du bpa, «le piéton n’est seul responsable que dans 3% des cas».

Stephan Müller, porte-parole du Touring Club Suisse (TCS), confirme que les accidents sur les passages piétons sont le plus souvent dus à l’erreur humaine, «tant que les automobilistes et les piétons ne sont pas pleinement conscients du danger qui rôde». Et il note avec tristesse avoir vu récemment des cas de comportements «absolument irresponsables, où par exemple un conducteur ivre renverse un enfant».

Les récents accidents sur les passages piétons sont aussi un phénomène saisonnier, note Christine Steinmann, qui dirige le projet Sécurité du Trafic de l’Association transports et environnement (ATE): «les accidents de piétons sont hélas bien plus nombreux en hiver qu’en été, simplement parce qu’il fait sombre plus tôt et que les gens sont encore en route dans la nuit, où le trafic est de toute façon plus dangereux».

Trop, c’est trop

Quoi qu’il en soit, on meurt encore bien trop sur les passages piétons suisses. Dès l’année prochaine, la Confédération lance donc une vaste campagne de sensibilisation pour les automobilistes et pour les piétons, qui doit durer trois ans et qui sera financée à hauteur de six millions de francs par le Fonds de sécurité routière.

L’ATE a également réagi, en présentant début décembre la campagne «A pied, c’est sûr», pour une meilleure cohabitation sur le domaine routier. Et le TCS a testé une centaine de passages piétons, pour parvenir à la conclusion peu réjouissante que la moitié sont susceptibles d’améliorations.

La qualité avant la quantité

La Suisse compte entre 40’000 et 50’000 passages pour piétons, «un réseau dense», estime Gianantonio Scaramuzza, même si une grande partie n’offriraient qu’une sécurité factice. Ainsi, une moitié environ de ces passages seraient mal situés, superflus ou mal conçus. Pour en juger, il existe cinq critères essentiels qu’un bon passage piétons devrait remplir, énonce l’expert du bpa:

«L’îlot central: un arrêt protégé au milieu de la traversée fait baisser le risque d’accident. L’éclairage: de nombreux passages ne sont pas éclairés ou ne le sont pas correctement. Le bon éclairage doit créer un contraste entre le piéton et l’arrière-plan. La distance de visibilité: la vue de l’automobiliste ne doit pas être gênée par des murs, des palissades ou des buissons et le passage ne doit pas être placé à la sortie d’un virage. Nombre de voies de circulation: le piéton ne devrait pas avoir à en traverser plus de deux avant d’atteindre le trottoir d’en face ou l’îlot central. Quantité de piétons: plus un passage est fréquenté, plus il est sûr».

Classement honorable

Selon Gianantonio Scaramuzza, la Suisse se classe malgré tout honorablement en Europe au chapitre de la sécurité des piétons, «mais il y a des pays qui font mieux, comme l’Allemagne, l’Islande, les Pays-Bas, la Norvège ou la Suède».

Les chiffres sont toutefois difficiles à comparer d’un pays à l’autre. «On prend le nombre de piétons tués par rapport aux habitants du pays, mais on ne tient pas compte du nombre de piétons qui sont effectivement en route. Dans un pays où personne ne sortirait à pied, il n’y aurait pas d’accidents», relève l’expert du bpa.

«Or en Suisse ,ajoute Gianantonio Scaramuzza, les gens sortent beaucoup à pied. Et nous sommes classés honorablement, mais nous ne sommes pas à la première place».

Une expérience originale est menée depuis les mois d’août 2011 au centre la ville de Thoune, dans le canton de Berne, 160 mètres de rue (entre Guisanplatz et Sternenplatz) ont été mis en régime «traversée libre». Et deux passages piétons ont été supprimés.

Les automobilistes y gagnent. Selon les mesures effectuées, une voiture met en moyenne 40 secondes, et au maximum 60 secondes pour parcourir ces 160 mètres. Avant, avec les passages pour piétons, ce temps était de 55 secondes en moyenne et de 2 minutes au maximum.

Les piétons y gagnent aussi. Ils peuvent en moyenne traverser après seulement 2 secondes, soit presque aussi vite qu’avec les passages. Et personne n’attend plus de 6 secondes.

60 mesures pour améliorer sensiblement la sécurité sur les routes. Le programme «Via sicura» de la Confédération est encore en consultation. Il s’agit notamment de:

Mesures préventives, comme l’interdiction de consommer de l’alcool pour certaines catégories d’individus, l’obligation générale d’allumer ses phares le jour, la fixation de l’âge minimal à sept ans pour conduire un vélo sur la route et l’obligation de porter un casque pour les cyclistes jusqu’à quatorze ans.

Mesures visant une meilleure application des règles en vigueur, comme l’utilisation de l’alcotest aux fins d’établissement des preuves, l’interdiction d’annoncer les radars et les contrôles de police, la limitation de la durée de validité du permis de conduire.

Mesures répressives en cas de délits graves (comme ceux commis par des chauffards): confiscation et vente du véhicule, évaluation obligatoire de l’aptitude à conduire en cas de doutes, enregistreurs de données et éthylomètres anti-démarrage.

Mesures d’infrastructure, comme la suppression des points noirs et des endroits dangereux et l’examen des projets de construction routière sous l’angle de la sécurité.

Mesures d’optimisation de la statistique des accidents: représentation des accidents sur la carte nationale afin de déterminer les points noirs ou les endroits dangereux.

Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez

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