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Paul Simon, le discret…

Paul Simon et son bassiste sud-africain Bakithi Kumalo. Keystone

Après Joan Baez et Leonard Cohen, c'est un autre grand 'songwriter', Paul Simon, qu'accueillait mercredi soir le Montreux Jazz Festival. Mélodies ciselées et quelques beaux temps forts étaient au rendez-vous.

Le ‘Miles Davis Hall’ accueillait mercredi une nouvelle cavalcade blues avec notamment le sémillant Robert Cray et l’increvable Buddy Guy (qui sera rejoint par Billy Gibbons de ZZ Top!).

Alors que de son côté, l’Auditorium Stravinsky se plongeait dans le répertoire d’un homme de notes et de mots, Paul Simon.

Paul Simon himself, soit la moitié la plus créative de Simon & Garfunkel, ce duo magnifique qui câlina vos oreilles – pour peu qu’elles aient l’âge requis – avec quelques classiques absolus de ce qu’on appelait, à l’époque, le folk.

Encore un chapeau

A l’instar de Cohen la veille, le New-Yorkais est affublé d’un chapeau mou. Mais lui ne l’enlève pas pour remercier le public… question de style.

Avec sa chemise jaune à manches courtes, il a un peu l’air d’un touriste qui ne se serait jamais vraiment remis de son voyage en Afrique du Sud, au point d’avoir ramené avec lui, en souvenir, des musiciens de là-bas et des orchestrations qui ne le quitteront plus. Mais ce serait prendre un raccourci: si le bassiste Bakithi Kumalo est bien sud-africain, le guitariste Vincent Nguini, lui, est camerounais, et les autres musiciens anglais ou américains.

Quoi qu’il en soit, l’Afrique a investi le répertoire de Paul Simon depuis longtemps, et le mbaqanga, qui mêle le swing américain aux percussions zouloues, a marqué à jamais son emprunte sur son répertoire.

Une large partie de l’album «Graceland» sera du spectacle, avec la chanson-titre bien évidemment, le très acclamé «Diamonds On The Soles Of Her Shoes» ou «The Boy In The Bubble». Mais le voyage passera aussi par le Brésil ou la Louisiane.

Le tout avec un groupe énergique, et un Paul Simon… très Paul Simon, c’est-à-dire quelque peu effacé, l’œil triste, et la parole rare: «Je continue de penser que je devrais parler davantage. Mais je crois que je n’ai rien à dire», lance-t-il entre deux chansons. Dont acte.

Pour les plus anciens

La machine à remonter le temps, néanmoins, fonctionne. La preuve: elle parvient parfois à aller au-delà des années 80 et à nous offrir quelques joyaux des années 70, le magnifique «Duncan» et son gimmick andin, ou «Sleep Sliding away».

Et puis… et puis, Paul Simon ne pouvant tout de même pas tirer un trait complet sur son passé, il interprétera «Mrs. Robinson», une version sobre et magnifique de «Sound of Silence», et en rappel, «The Boxer». Ainsi que «Bridge Over Troubled Water», sur lequel il sera rejoint par la chanteuse Patti Austin, avec malheureusement, une orchestration lourdingue et inutile.

Un concert sympathique – chaque génération a eu droit à quelques-uns de ses souvenirs – mais manquant un peu de flamme. Paul Simon dit de temps en temps son plaisir d’être là… on aimerait le croire.

Question de mythe

Le répertoire de Paul Simon contient quelques chefs d’œuvre, son sens de l’harmonie sophistiquée n’est plus à souligner, de même que ses talents de conteur du quotidien. Pourtant, il ne parviendra jamais à bénéficier de l’aura «mythique» qui accompagne un Dylan, une Joan Baez ou un Cohen.

Paul Simon, quels adjectifs, quels compléments lui accoler? Le petit homme aux très belles mélodies? Le timide à la voix haute et charmante? Le ‘nègre blanc’ en chemise jaune? Ça ne le fait pas, pour parler jeune.

Un mythe, dans la saga du rock au sens large, s’accompagne nécessairement de clichés simplificateurs, mais forts. Bob Dylan l’imprévisible, le rebelle éternel. Joan Baez, la diva idéaliste, estampillée Woodstock. Cohen, le poète mystérieux, le mélancolique à la voix grave. Ou encore la beauté de Morrison. La rage autodestructrice de Janis Joplin. Les riffs de Keith Richards… et la pureté des harmonies vocales de Simon & Garfunkel.

Paul Simon, ad aeternam, c’est dans le cadre de Simon & Garfunkel, ce miracle vocal permanent, qu’il aura atteint ces sommets-là. Cela doit être dur, parfois, d’avoir touché à la légende et d’avoir choisi de n’être plus ensuite «que» – j’insiste sur les guillemets – un excellent songwriter…

swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

Paul Simon est né en 1941 à New York.

Paul Simon fut connu d’abord pour sa collaboration avec Arthur Garfunkel, d’abord au sein du groupe Tom & Jerry à la fin des années cinquante, puis comme membre du duo Simon & Garfunkel, qui enregistra plusieurs albums importants entre 1964 et 1970, dont «Sounds of silence» (1966), la BO du film «The Graduate» (1967) et «Bridge over troubled water» (1970).

La carrière solo de Paul Simon démarre en 1972, et annonce immédiatement son intérêt pour les «musiques du monde». Après un essoufflement au début des années 80, la démarche de Paul Simon est couronnée en 1986 avec «Graceland», imprégné de culture sud-africaine.

«The Rythm Of The Saints » (1990), aux couleurs brésiliennes, «Songs From The Capeman» (1998), issu d’une comédie musicale, «You’re The One» (2000), ne recevront pas le même écho.

Paul Simon réapparaît en 2006 avec l’album «Surprise» (produit par Brian Eno).

La 42ème édition du MJF a lieu du 4 au 19 juillet.

Au total, les deux scènes voient défiler près de 90 groupes.

Une trentaine de concerts sont des exclusivités suisses, dont ceux de Sheryl Crow, Joan Baez, The Raconteurs, Leonard Cohen et Madness, Gnarls Barkley et Travis et les Babyshambles.

Maintes animations complètent la programmation, dont 250 concerts et DJ gratuits, des croisières sur le Léman et des voyages musicaux en train.

Les organisateurs disposent d’un budget de 18 millions de francs.

Le festival a été créé en 1967 par Claude Nobs, toujours aux commandes. De nombreux disques live y ont été enregistrés.

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