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Vincent Perez et ses identités multiples

Vincent Perez s'est intéressé à l'univers de la sapologie, un courant artistique né à Kinshasa dans les années 1960. Vincent Perez

Il est une vedette du grand écran, on le sait. Ce qu’on sait moins en revanche, c’est que Vincent Perez est également photographe. L’artiste suisse établi à Paris expose jusqu’au 26 janvier, au Camera Museum de Vevey, une série de portraits qu’il a réalisés. Devant son objectif, femmes et hommes congolais et russes. Atmosphère exotique.  

Bien qu’il ne possède que le passeport suisse, Vincent Perez a de multiples identités, endossées au cours de sa longue carrière d’acteur. Une cinquantaine de films à ce jour l’ont mené d’un personnage à un autre, ont ouvert son horizon qu’il élargit aujourd’hui en proposant une multitude d’«Identités», à découvrir au Camera Museum de Vevey.

Ces identités-là, il ne les campe pas, il les a créées il y a environ trois ans avec son appareil photo, mais y a mis beaucoup de lui-même, de cette curiosité passionnée qu’il revendique. Elles donnent à l’exposition son titre, et s’incarnent en des portraits grand-format présentés dans deux salles du musée. L’acteur les a réalisés au cours de plusieurs périples en Russie et d’un «voyage» dans un magasin de vêtements congolais, à Paris.

Le photographe suisse a saisi une Russie théâtrale et romanesque. Vincent Perez

Côte à côte, le Congo et la Russie donc. Une composition en contrepoint saisissante, tant les femmes et hommes captés par la caméra offrent, d’une salle à l’autre, le visage de deux pays, si proches dans cet espace restreint, si distants socialement et culturellement.

Ici, le pays congolais épouse les dimensions d’une boutique parisienne, située dans le XVIIIe arrondissement. Son nom? «Sape & Co». La Sape, c’est l’art de s’habiller. Un dandysme à l’africaine, dénué de snobisme, tissé de fils aux couleurs éclatantes, gaies, qui font de la vie une épiphanie des sens.

La peinture kinoise

«C’est une vieille connaissance qui m’a emmené dans cette boutique dont les clients sont congolais. Lorsque je l’ai découverte, je n’ai plus voulu la lâcher, j’étais fasciné par cet univers de la sapologie. J’y ai traîné pendant longtemps avant de me faire accepter du milieu des sapeurs, ces hommes à l’élégance festive, qui ont fini par m’inviter aux mariages congolais. J’y suis allé à plusieurs reprises, muni de ma caméra. C’est là, mais également dans la boutique, que j’ai réalisé les portraits. J’en ai des dizaines, ce que vous voyez au musée ne représente pas le quart des clichés que je possède», raconte Vincent Perez. Avant d’ajouter ce mot qu’un sapeur lui a soufflé un jour: «La Sape, c’est aussi l’art de s’aimer».  

«Faire des photos, c’est raconter une histoire, offrir une représentation du monde, comme dans un livre ou un film»
Vincent Peres

Ecrite avec des majuscules, la SAPE renvoie de fait à un courant artistique né à Kinshasa dans les années 1960. Traduction du sigle: Société des ambianceurs et des personnes élégantes. Parmi ses tenants, les peintres Ambroise Ngaimoko et JP Mika qui capturent l’allure et l’énergie de la jeunesse kinoise. Nous avions vu leurs oeuvres à Paris, il y a 4 ans. Les photos de Vincent Perez rappellent incroyablement le travail de ces artistes. «Je ne les connais pas, avoue l’acteur, mais je suis fier d’être associé à eux».

Le roman russe

Autre ambiance que celle saisie dans les photos réalisées en Russie: des étendues blanches, l’intérieur défraîchi d’une datcha, des officiers de l’armée soviétique aux vestes alourdies par les médailles, des saltimbanques échappés d’une tente de cirque… Un univers qui évoque Gogol et Fiodor Abramov. Une Russie théâtrale et romanesque, en somme. «J’y suis allé cinq fois pour faire ces photos. Le projet est né grâce à une commande de Vera Michalski [éditrice suisse et directrice de la Fondation Michalski à Montricher, dans le canton de Vaud]. Elle et moi cultivons le même intérêt pour l’Europe de l’Est», confie Vincent Perez. 

DR

Le cinéma et la photo entretiennent des liens de cousinage. «Faire des photos, c’est raconter une histoire, offrir une représentation du monde, comme dans un livre ou un film», affirme-t-il. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, ce n’est pas le cinéma qui a mené Perez vers la photographie, qu’il commence à pratiquer à l’adolescence, avant de quitter la Suisse.

Fier de son succès

A 15 ans donc, il fait son apprentissage chez un portraitiste à Lausanne et complète sa pratique en suivant des cours à l’école de photographie de Vevey. Attiré par le théâtre, il rejoint par la suite Paris et entre au prestigieux Conservatoire d’art dramatique. La suite confirme son talent pour la scène, et plus tard son succès auprès des plus grands créateurs, à commencer par Patrice Chéreau qui lui confie des rôles aussi bien au théâtre qu’au cinéma. Et la liste est grande des réalisateurs pour lesquels il a tourné, dont Roman Polanski, auteur du film «J’accuse» (actuellement sur les écrans de Suisse romande) dans lequel il joue.

Depuis plusieurs années maintenant, Vincent Perez réalise et produit des films, écrit des scénarios, crée des espaces de réflexion pour le cinéma, comme les Rencontres 7e Art, Lausanne, dont la troisième édition se tient en mars prochain. Narcissique comme toute vedette, il est fier de ses réussites et ne s’en cache pas: «J’ai une vie foisonnante et j’en suis fort heureux!»

Contenu externe

Le Festival Images, biennale des arts visuels de Vevey, publie, en co-édition avec Koenig Books London, un dictionnaire d’expériences visuelles. Paru en anglais et en français, «Le Livre d’Images» (c’est son titre) retrace sur 400 pages une décennie d’histoire du festival, de 2008 à 2018.

Recourant à l’ordre alphabétique, comme tout dictionnaire, cet ouvrage imposant présente les artistes qui ont participé à la biennale durant la période indiquée. Le lecteur (re)découvre les installations monumentales réalisées sur le lac Léman, dans des jardins, des églises, sur des façades d’édifices… Bref, des lieux inattendus que Stefano Stoll, curateur et directeur du festival, nous montre, bien fier.

En sa compagnie nous feuilletons le livre. Arrêt sur image. «Regardez, dit-il, cette installation sur le toit d’un immeuble. C’était en 2014. Les visiteurs munis alors de lunettes d’immersion observaient des images prises par un drone. Un projet conçu avec Swiss international Airlines». Il faut dire que le festival a des collaborateurs de taille: l’ECAL (Ecole cantonale d’art de Lausanne), la Tate Modern à Londres, les Rencontres d’Arles, en France… De quoi nourrir les ambitions! 

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