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Pietro Leeman, roi de la haute cuisine naturelle à Milan

Pietro Leeman, un Tessinois au coeur de Milan. Nicole della Pietra

Premier cuisinier végétarien d'Europe «étoilé» par le guide Michelin, le Tessinois Pietro Leemann a reçu sa première distinction en 1996.

Depuis, son établissement niché au cœur de Milan est l’une des meilleures tables de cuisine naturelle au monde.

Installé dans la métropole lombarde depuis la fin des années 80, Pietro Leemann dirige un temple de la gastronomie et un restaurant pas comme les autres.

Critiques culinaires du monde entier et clients sont unanimes: personne ne sait restituer le miracle de la nature dans une assiette, comme le fait le patron du «Joia».

Ses cuissons respectueuses des valeurs nutritives et des aliments, ses subtils mariages de saveurs et ses déclinaisons à l’infini d’un même légume de saison (et biologique) témoignent de son amour pour la nature, mais aussi d’une maîtrise technique hors du commun.

Architecture gastronomique

Pietro Leeman veut ainsi préserver le goût de chaque ingrédient (pas de fusion) afin de parvenir à une harmonie gustative globale.

Véritable «architecte» en cuisine, comme il se décrit lui-même, il aime donner au plat une forme esthétique (comme ses étonnants œufs carrés) qui rappelle que, pour naturelle qu’elle soit, la cuisine n’en est pas moins une création humaine.

«Je n’ai jamais cessé d’apprendre et de poursuivre mes recherches et mes explorations culinaires. Une formation continue qui m’a fait voyager sans discontinuer de 16 à 29 ans, en Suisse et dans le reste du monde », explique Pietro Leemann qui avoue aussi «cuisiner tout le temps.»

Se sentant trop à l’étroit dans le carcan gastro-culinaire qui caractérise la nouvelle cuisine européenne du milieu des années 80, le Tessinois, fasciné par les cultures orientales, prend le large et part pour l’Extrême-Orient en 1986.

Pas de retour en arrière

Après un séjour de deux ans en Chine et au Japon, et une immersion totale dans la culture locale, Pietro Leemann revient sur le Vieux Continent.

«Mais, je me sentais à l’étroit dans mon métier, tel qu’il était pratiqué à ce moment-là sous nos latitudes. J’ai vite compris que je n’avais plus ma place dans cette conception de la gastronomie. Je ne pouvais plus rentrer dans ce moule que j’avais quitté deux ans auparavant», se souvient le maestro.

Dès lors, un choix s’imposait: «ou je bifurquais vers une autre voie, en rentrant dans les ordres par exemple, confie sans ironie ce chrétien pratiquant, ou j’ouvrais mon propre établissement pour y mettre en œuvre une cuisine en cohérence avec ma philosophie et respectueuse des dons de la nature».

Un temple zen

Aussi tôt dit, aussitôt fait. Avec un groupe d’amis – qui ont quitté le navire après quelque temps – le Locarnais inaugure un temple zen de la haute cuisine naturelle et végétarienne dans le centre de Milan.

Mais, les débuts sont laborieux. La carte des menus proposée par le «Joia» détonne avec les canons gastronomiques du moment.

«Il faut s’imaginer que, lorsque nous avons ouvert, Milan ne comptait en tout et pour tout qu’un seul restaurant japonais. Aujourd’hui, il y en a 400! Sans compter une foule d’enseignes ethniques en tous genres… », se remémore le Tessinois.

Mais, Pietro Leemann s’accroche et poursuit sa croisade, celle d’une «alimentation bonne et saine, pour vivre mieux, dans son corps et dans son esprit».

Le temps finit par lui donner raison. Les mentalités évoluent et l’intérêt pour l’alimentation alternative comme pour la gastronomie végétarienne ne cesse de croître.

Un choix éthique et spirituel

Si la carte du «Joia» propose quelques rares mets à base de viande et de poisson, le grand chef a quant à lui définitivement tourné le dos à la chair animale, œufs compris. Au point que ce sont ses collaborateurs qui se chargent d’apprêter ces ingrédients.

Plus le temps passe et plus le besoin de vivre rigoureusement selon les préceptes végétariens se fait sentir. «Aujourd’hui, me trouver aux côtés de quelqu’un qui mord dans une cuisse de poulet ou déguste un morceau de viande, me met très mal à l’aise . C’est une question d’éthique et de philosophie», confie Pietro Leemann.

«La nourriture que l’on mange fait ce que nous sommes. La nourriture est dotée d’une charge énergétique incroyable, et je ne parle pas que de l’aspect nutritif. Certains aliments peuvent nous aider à élever notre degré de conscience spirituelle», ajoute le grand cuisinier.

«Mon plat préféré ? Une assiette de riz basmati mélangé à des lentilles, le tout parfumé de gingembre frais». Difficile de faire plus simple.

La frénésie de la grande ville

Mais, vivre en harmonie avec la nature et le plus sainement possible n’est pas toujours facile dans une ville aussi animée et frénétique que la métropole lombarde.

«C’est vrais, soupire Pietro Leemann, c’est une lutte au quotidien, je dois constamment me recentrer sur moi-même. C’est pourquoi, je m’impose chaque jour un rituel spirituel et une hygiène de vie rigoureux, dont je ne m’éloigne jamais.»

La rythme effréné, qui caractérise la vie milanaise a d’ailleurs poussé son épouse à revenir au Tessin, afin de permettre aux deux enfants du couple de grandir dans un environnement offrant une meilleure qualité de vie.

«Cela fait deux ans que je passe deux jours par semaine auprès de ma famille dans le Val Maggia», explique ce papa de deux fillettes.

Sous cet angle, le «Joia» représente un havre de paix et une sorte d’Eden au cœur de la ville. «C’est vrai, c’est un univers protégé. Mais c’est un choix, qui correspond à ma manière de fonctionner et de concevoir la vie.»

swissinfo, Nicole della Pietra à Milan

Naissance à Locarno le 24 juillet 1961.

Il a 15 ans lorsqu’il découvre sa vocation. Le grand cuisinier tessinois Angelo Conti-Rossini, ami de ses parents, lui fait goûter une charlotte royale.

Son diplôme de cuisinier en poche, il part dans d’autres régions de Suisse et à l’étranger pour parfaire ses connaissances professionnelles. Il travaillera aux côtés de plusieurs grandes toques comme Frédy Girardet et Gualtiero Marchesi en Italie.

Entre 1986 et 1988, il séjourne en Chine et au Japon. A son retour, il ouvre son propre établissement à Milan.

En 1996, c’est la consécration. Le prestigieux guide Michelin lui attribue la première étoile jamais décernée à un cuisinier végétarien en Europe.

Depuis 2006, il vit en pendulaire entre Milan et le Val Maggia, où vivent son épouse et leurs deux filles .

De plus en plus de Suisses s’installent à l’étranger. Le nombre de citoyens helvétiques recensés hors des frontières nationales a augmenté de 3,6 %. C’est la plus forte hausse de ces dernières années.

La plus grande partie (60,3%) vivent dans l’Union européenne.

La France accueille le plus gros contingent (176’723 personnes).

Elle est suivie de l’Allemagne (75’008), de l’Italie (47’953), de la Grande-Bretagne (28’288), de l’Espagne (23’324) et de l’Autriche (13’984).

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