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Polémique autour d’une usine de Nestlé au Congo

La production de Nestlé en RDC se centrera sur les produits culinaires (bouillon-cubes) et le café. AFP

Malgré les guerres et l’instabilité politique, Nestlé va investir 40 millions de francs suisses dans une usine en République Démocratique du Congo. Mais l’octroi de généreux avantages fiscaux à la filiale congolaise de la firme suisse alimente la chronique dans les milieux d’affaires locaux.

Classé 182ème sur 183 pays pour la faiblesse de sa réglementation des affaires, selon le rapport Doing Business 2010 de la Banque Mondiale, la République Démocratique du Congo (RDC) n’a jamais été réellement attractive pour les investisseurs étrangers ces dernières décennies.

Mais, encouragé par le train de mesures prises par le gouvernement Kabila en matière d’amélioration du climat des affaires -nouvelle adhésion à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), par exemple-, Nestlé vient de franchir le pas: depuis deux mois, le géant suisse de l’agroalimentaire a démarré la construction d’une usine de production de produits culinaires (bouillon-cubes) et de café dans la zone industrielle de Kinshasa, pour un coût global de 40 millions de francs suisses.

Un investissement qui va «faciliter la disponibilité et l’adaptation de sa gamme de produits pour quelque 70 millions de consommateurs Congolais, soit un énorme marché en Afrique», souligne Philip Bassem, directeur général de Nestlé Congo.

Pas de plus-value réelle pour l’Etat

L’usine devrait livrer sa première production d’ici fin 2010. Mais son processus de mise en œuvre, qui se limitera d’abord à un conditionnement des matières premières, le café et les produits servants à la fabrication des bouillon-cubes étant importés avant d’être produits localement en 2011, suscite une vaste polémique.

Les milieux d’affaires estiment que cet investissement n’apportera pas de réelles retombées financières au pays. Et certains affiliés de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) -l’organisation professionnelle des employeurs- de dénoncer la largesse du gouvernement qui autorise Nestlé à bénéficier du régime unique du Code des investissements, malgré l’absence apparente de garantie d’une valeur ajoutée supérieure à 35% nécessaire pour être éligible. Ainsi, la firme veveysane sera exonérée d’impôts, de droits et de taxes à l’importation des matières premières pendant trois ans.

Des faveurs perçues comme d’autant plus «discriminatoires et non méritées» par de nombreux industriels, que le gouvernement envisage de renoncer totalement aux avantages fiscaux qui ruinent le Trésor public, car accordés à tout-va alors que seul le Ministère des Finances en a la compétence et prétend l’utiliser avec parcimonie.

Mais certain de pouvoir prétendre à cet abattement fiscal sans pour autant préciser le montant de sa valeur ajoutée, Philip Bassem assure que «ce placement va générer plus de 230 nouveaux emplois d’ici 2012, quand une seconde usine sera implantée et permettra d’exporter une partie de la production en République du Congo voisine. A terme, plus de 300 personnes seront employées par la filiale congolaise, en plus des 70 salariés déjà actifs aux sièges de Kinshasa, Lubumbashi et Goma».

Craintes de l’appropriation de terres arables

Par ailleurs, si cet investissement correspond au principe de «création de valeur partagée» qui prévaut chez Nestlé, à travers le recours aux matières premières locales et la contribution au développement du pays-cible, les nouvelles ambitions du leader mondial de l’agroalimentaire font craindre son appropriation de terres arables, surtout des cultures de café, au détriment des paysans locaux. Des appréhensions qui se fondent sur les expériences d’agriculteurs dans d’autres pays, et sur ce qu’ils entendent à la tv ou la radio. Mais cette intention a été démentie par Philip Bassem, via une interview produite par le groupe et publiée dans les journaux kinois.

Contactée par InfoSud pour répondre directement sur ces deux points, la délégation du groupe à Kinshasa n’a pas donné suite. Pour le moment, Nestlé Congo soutient un projet social baptisé «Nouvel Horizon», axé sur le renforcement des compétences des femmes sans revenu, qui gagnent leur vie en revendant les produits Nestlé, tels que Nescafé, Nido ou Cerelac.

Mais les Congolais espèrent surtout que cet investissement favorisera, à terme, l’émergence d’une classe moyenne de façon plus directe et l’amélioration des conditions de vie de milliers de petits producteurs.

Godefroid Bwiti Lumisa à Kinshasa, InfoSud/swissinfo.ch

Lors de la réception organisée dans le jardin de l’ambassade de Suisse à Kinshasa, la capitale, à l’occasion de la fête nationale de la Confédération suisse, Linus von Castelmur s’est montré positif quant à la situation de la République Démocratique du Congo (RDC).

Selon l’ambassadeur suisse, la récente atteinte par la RDC du point d’achèvement du Programme pour les pays pauvres très endettés (PPTE) témoigne d’un «encourageant début de stabilisation macro-économique », avec une annulation supérieure à 90 % de la dette extérieure, estimée à près de 14 milliards de dollars US.

«La Suisse s’intéresse à l’Afrique et à la RDC», a assuré von Castelmur, en écho aux propos de la ministre helvétique des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, lors de sa visite en février dernier à Kinshasa. Chaque année la Suisse contribue pour une trentaine de millions de dollars US, sous forme d’assistance humanitaire, de coopération au développement et de soutien à la stabilisation.

Ce projet fait partie d’un investissement de 150 millions CHF de Nestlé en Afrique équatoriale, sur les 3 prochaines années.

Cette zone contient 400 millions de consommateurs potentiels. Et d’ici 2012, Nestlé compte créer 750 emplois dans la région.

Des usines similaires à la RDC seront construites en Angola -25 millions CHF- pour supplanter les importations du Brésil et du Portugal, de même qu’au Mozambique -30 millions CHF- pour soutenir la demande croissante nationale et dans les pays voisins.

Le groupe étendra les capacités des installations existantes au Zimbabwe -25 millions CHF- et au Kenya -30 millions CHF- en inaugurant une ligne de production pour appuyer Nestlé Professional, sa nouvelle division de services alimentaires.

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