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Polémique sur l’argent de Carlos Menem en Suisse

Carlos Menem, 70 ans, est candidat à l'élection présidentielle en Argentine en 2003. Keystone Archive

L'origine de l'argent de l'ex-président argentin fait débat. Provient-il d'un trafic d'armes vers la Croatie ou d'un pot-de-vin de l'Iran?

Le New York Times a relancé récemment une rumeur vieille de quatre ans mettant en cause l’ancien président Carlos Menem, 70 ans, candidat à l’élection présidentielle en Argentine en 2003.

De quoi s’agit-il? Il aurait perçu 10 millions de dollars pour que l’Iran ne soit pas tenue responsable de deux sanglants attentats anti-juifs.

En 1992, un attentat contre l’ambassade d’Israël à Buenos Aires fait 28 morts. Deux ans plus tard, un autre attentat, cette fois contre l’association mutuelle israélite argentine (AMIA), tue 85 personnes. Les coupables n’ont jamais été retrouvés.

Depuis plusieurs années, un «témoin» iranien, du nom d’Abolghasem Mesbahi, domicilié en Allemagne, assure que l’Iran a versé 10 millions de dollars à la banque du Luxembourg à Genève, située à 200 mètres de l’hôtel du Rhône, sur un compte appartenant à Carlos Menem.

Trafic d’armes vers la Croatie

Le président argentin aurait été chargé d’étouffer l’affaire, afin que l’Iran ne soit pas mis en cause.

Seul petit problème dans ce témoignage d’un ancien des services secrets iraniens, il n’y a pas de banque du Luxembourg à l’adresse indiquée. Téhéran comme Carlos Menem ont toujours démenti ce témoignage.

Depuis 1999, la justice argentine adresse des commissions rogatoires en Suisse afin de mettre la main sur le trésor de guerre de Carlos Menem.

A cette époque, l’ancien président n’était pas soupçonné de percevoir des pots-de-vin de l’Iran, mais d’avoir participé à un trafic d’armes.

Entre 1991 et 1995, 6500 tonnes d’armes auraient été acheminées depuis l’Argentine vers la Croatie, pays alors en guerre, et 75 tonnes en direction de l’Equateur, alors en conflit avec le Pérou.

Deux comptes suspects

C’est dans le cadre de cette enquête que la justice suisse a mis la main sur deux comptes. L’un, ouvert au nom de Zulema Yoma, l’ancienne épouse de Carlos Menem et de sa fille Zulemita, en 1986, contenait 650’000 dollars.

L’autre appartient à une société, et indirectement à Ramon Hernandez, l’ancien secrétaire privé du président argentin. Il serait riche d’un peu moins de 6 millions de dollars.

Pour les deux comptes, il s’agit «d’un montant total inférieur à 10 millions de dollars», note Claude Wenger, le premier juge en charge du dossier.

Pourtant, la justice argentine a retenu la somme de 10 millions de dollars. «Il y a deux choses qui coïncident: la découverte des dépôts bancaires et ce qu’à dit l’ex-agent des services de renseignement iranien», soulignait en début d’année Eamon Mullen, le procureur argentin chargé de l’enquête sur les attentats contre l’association juive AMIA.

Trois juges successifs

Carlos Menem a longtemps nié posséder un compte en Suisse, avant de reconnaître le 22 juillet dernier son existence.

Il y aurait versé 200’000 dollars en 1986, montant qui correspond à une indemnisation de l’Etat argentin pour sa détention durant la dictature militaire. Pascal Maurer, son avocat genevois, n’a pas souhaité s’exprimer sur ce dossier.

Même si l’ancien président argentin n’est pas un enfant de chœur, les cheminements de la justice de Buenos Aires manquent parfois de lisibilité, ce qui peut expliquer les compléments d’informations souvent réclamés par Berne. L’argent provient-il d’un trafic d’armes, d’un pot-de-vin, ou des deux?

Autre handicap dans ce dossier, trois juges d’instruction s’y sont succédés. Claude Wenger a rapidement cédé sa place à Paul Perraudin, en charge des enquêtes complexes. Nommé magistrat fédéral à Berne, il a laissé à son tour l’affaire à Christine Junod.

swissinfo/Ian Hamel

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