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Des ONG veulent faire passer le Credit Suisse à la caisse

En février dernier, des militants écologistes ont protesté devant le siège du Credit Suisse à Zurich. Keystone

La deuxième banque suisse doit payer 12 millions de francs aux populations de la forêt tropicale – soit les bénéfices tirés de l'entrée en bourse du producteur de bois Samling.

C’est l’exigence du Fonds Bruno Manser (BMF) et de la Société pour les peuples menacés (SPM), qui critiquent les relations d’affaires du Credit Suisse avec le groupe malais.

Samling détruit depuis des années les forêts tropicales dans lesquelles vivent ces peuples de Guyane, du Cambodge, de Malaisie et de Papouasie-Nouvelle-Guinée, ont dénoncé des représentants des indigènes, le BMF et la SPM, jeudi à Zurich.

Dans certaines régions, la société a souillé l’eau potable et les indigènes ne peuvent plus couper du bois dans leurs propres forêts. «Nous mourons lentement», déclare une représentante du peuple Pénan qui vit en Malaisie.

Rien qu’au Sarawak (Malaisie) et en Guyane, la société exploite 3,9 millions d’hectares. A titre de comparaison, les forêts suisses recouvrent 1,2 million d’hectares.

Samling, par sa filiale Barama, exploite légalement 23% de la forêt de Guyane et 7% illégalement, dénonce l’anthropologue Janette Bulkan. Selon elle, en 15 ans de présence dans le pays, cette société n’a jamais payé d’impôt, n’emploie qu’une centaine de Guyannais et leur verse un salaire de deux dollars par jour.

Des «erreurs»

Le BMF et la SPM reprochent au Credit Suisse de ne pas avoir respecté ses propres chartes de développement durable en acceptant de travailler pour le producteur de bois. Les associations attendent du nouveau patron du Credit Suisse, Brady Dougan, que la banque cesse de collaborer avec Samling.

Elles espèrent aussi que l’institut reconnaîtra ses erreurs et s’engagera à soutenir des programmes de protection durable des forêts.

«Nous exigeons aussi que le Credit Suisse restitue les bénéfices générés par l’entrée en Bourse – 10 millions de dollars (plus de 12 millions de francs) – aux peuples autochtones lésés par le groupe Samling», indique Lukas Straumann, directeur du BMF.

Selon le même Lukas Straumann, le BMF et le SPM ont rencontré des représentants du Credit Suisse le 23 février. Mais la discussion a été «infructueuse», selon lui.

Les lois respectées

Les deux associations ont donc décidé de prendre part à l’assemblée générale du Credit Suisse vendredi et d’y inviter des représentants des peuples indigènes concernés.

Samling a fait l’objet d’un examen minutieux de la part de la banque, rétorque Alex Biscaro, porte-parole du Credit Suisse. Et selon lui, le rapport montre que la société respecte les lois en vigueur.

La banque a par ailleurs décidé de s’engager de façon «constructive» à résoudre le différend entre Samling et le BMF. Elle a organisé jeudi après-midi une rencontre entre des représentants de l’association et des hauts dirigeants de la société.

Cette réunion est jugée positive par Lukas Straumann car elle a permis aux deux parties de se rencontrer et d’ouvrir le dialogue. L’aspect négatif est que le Credit Suisse campe sur ses positions, déclare le directeur du BMF. Le dialogue va se poursuivre, mais sans le Credit Suisse.

Des cadeaux à Noël

Samling elle-même a aussi réagit. La société rejette tous les reproches formulés par le BMF et le SPM. Le groupe montre au contraire beaucoup d’égard pour les populations locales, déclarent ses représentants.

Samling est conscient de ses responsabilités face aux peuples autochtones, assure sa porte-parole. Cheryl Yong ajoute que les Pénans ne sont pas représentatifs puisque de nombreux autres peuples indigènes vivent dans les forêts malaises exploitées par la compagnie.

«La société fait de son mieux pour aider les gens», ajoute Steward Haran, responsable des relations avec les populations locales. Cela va de construction de maisons et de routes, à l’assistance médicale, la scolarisation des enfants et des cadeaux à chaque Noël.

swissinfo et les agences

– Le Fonds Bruno Manser porte le nom de ce Suisse qui a vécu à Bornéo de 1984 à 1990, étudiant et enregistrant la langue, la culture et le mode de vie des Penans.

– En 1990, Bruno Manser quittait le Sarawak et proposait une série de conférence sur les Penans.

– En 1993, il mène une grève de la faim devant le Palais fédéral à Berne pour protester contre l’importation du bois tropical de Bornéo.

– Son combat non violent pour la défense de la forêt tropicale le rend indésirable aux yeux de l’industrie du bois et des autorités malaises.

– En 2000, il retourne au Sarawak malgré l’interdiction du gouvernement malais. Il ne donnera plus signe de vie.

– Cinq ans plus tard, Bruno Manser est officiellement déclaré mort par un tribunal de Bâle.

– Un film consacré au militant écologiste intitulé «Bruno Manser – Laki Penan» a été présenté lors de la dernière édition de Visions du réel à Nyon.

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