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Jaipur, ville suisse pendant une semaine

Les élèves de l'école Rudra Béjart en plein cours de lutte du sud de l'Inde. swissinfo.ch

Pendant une semaine, colloques, expositions, documentaires et spectacles de danse étaient au programme du festival des médias Nord-Sud. Rebaptisée Forum des médias Nord-Sud, cette formule délocalisée dans le nord de l'Inde devrait être reprise dans deux ans.

Il sort de la salle obscure, les yeux brillants de rêves. «Vous imaginez? Le jour où l’Inde aura accès à un avion solaire comme celui-ci, elle pourra économiser plein d’énergie et dépenser plus pour le développement du pays» Harsch Inaniya vient d’assister à la conférence sur «Solar Impulse».

L’étudiant en tourisme en a noirci son bloc-notes. Sur le papier: les détails du projet d’avion écologique de Bertrand Piccard, les dates des premiers vols, les enjeux… «L’écotourisme est devenu important pour les voyageurs. Si je peux leur parler de ce type de projets, ça va les intéresser».

La maquette de l’avion solaire n’est qu’une des nombreuses pièces suisses exposées cette semaine à Jaipur. L’idée du Forum des médias Nord-Sud, c’est la rencontre, le dialogue entre les cultures helvétique et indienne.

Le visage de Gandhi

On trouve donc les photos de marécages suisses prises par Ashvin Gatha – une commande du Conseil Fédéral que le photographe indien juge un honneur – dans la même pièce que les clichés du Rajasthan du Suisse Jean Mohr.

Ou encore, parmi, une exposition sur le travail de la Croix-Rouge en Inde, une image inattendue: une photo de groupe datant du début du 20ème siècle. Parmi ces volontaires du CICR en Afrique du Sud, on contemple un petit visage rond, celui de Gandhi.

«C’est tellement facile de voir les différences entre nos deux pays. J’espère qu’avec ces ‘rencontres de Jaipur’, les visiteurs apprendront à voir ce qui nous rapproche et que cela leur donnera envie de travailler ensemble», explique Jean-Philippe Rapp, l’un des fondateurs et directeur de l’événement. Toute la journée, il se promène de salle en salle, surveille que «son bébé» va bien, présente ses invités suisses à ses invités indiens.

Ne pas oublier l’astrologie indienne

Le forum a pris place dans le Jawahar Kala Kendra, un complexe souvent employé pour des événements culturels. L’ensemble est formé de bâtiments de couleur rouge, carrés, construits d’après les étoiles – comme la ville de Jaipur elle-même.

En Inde, il faut faire attention à la symbolique des astres: la salle qui représente la Mort a été choisie pour abriter les expositions historiques – après tout, le passé est décédé. Dans le bâtiment du Savoir, les responsables ont installé la bibliothèque.

La jeunesse de Jaipur connaît l’endroit. Les étudiants occupent les tables de la cafétéria pour un dîner bon marché ou pour réviser leurs cours. Sur le chemin, ils jettent un regard sur les films projetés: les combats de reine en Suisse, les divers sports pratiqués dans leur pays ou encore les scènes des films de Bollywood tournées dans les Alpes.

«Mais non c’est en Inde que ça se passe», insiste Manooch, têtu, «je reconnais l’endroit! C’est pas la Suisse, ça.» Le jeune homme donne raison aux producteurs indiens, qui ont justement choisi de filmer dans les Alpes pour leur ressemblance avec le Cachemire, trop dangereux depuis des années.

Saris et chaussons

Le clou de la semaine, c’est la venue des élèves de l’école Rudra Béjart de Lausanne. Des jeunes filles en collants et dos-nus, des adolescents en pointes, des corps européens dansant sur des rythmes indiens… Un spectacle inédit dans la cour intérieure du Jawahar Kala Kendra. En l’honneur des liens qui unissaient l’Inde et Maurice Béjart, le festival a invité les quarante jeunes à découvrir les danses locales et à s’entraîner dans ses murs.

Les séances d’entraînement sont ouvertes au public. Depuis neuf heures du matin, les spectateurs accourent. «Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’ils dansent mieux que les indiens», s’extasie Sunil. Son voisin n’est pas d’accord: «ils n’ont pas assez d’expérience. Leurs mouvements manquent encore de fluidité. Il faut des années pour maîtriser le Kalakshita (ndlr: une danse du sud-est de l’Inde, que Maurice Béjart enseignait à ses élèves).»

Les auditeurs restent assis des heures durant. Il faut dire que les hommes n’ont pas l’habitude de voir des jeunes filles aussi peu vêtues… ce qui explique en partie leur intérêt pour le spectacle.

Les danseurs de l’école Rudra Béjart n’en ont cure. Ces jeunes de 16 à 21 ans sont là pour apprendre et ils enchaînent les leçons: lutte du Karnataka, danse du Tamil Nadu, musique Rajasthanie… Presque pas le temps de visiter la ville.

Des animaux à foison

«Ce qui m’a le plus étonnée, c’est la quantité d’animaux qu’on voit partout», s’exclame Emi, «il y a des vaches, bien sûr, mais dans les rues, on voit aussi plein de singes, d’éléphants et de chameaux!»

Des nouvelles musiques, des contacts, des plats épicés… la centaine de suisses venue participer au festival rentrera la tête et le cœur pleins d’images. Et certains, comme Gisèle Rime, ne quittent pas Jaipur les mains vides. La dessinatrice rentre à Villars-sur-Glâne, avec un cadeau fait par un visiteur: des pinceaux à trois poils, typiques du Rajasthan et parfaits pour ses dessins de vaches et de renards suisses.

La 24ème édition, surnommée «rencontres de Jaipur», s’est déroulée du 15 au 20 novembre à Jaipur, dans le Rajasthan.

Le festival a présenté des films documentaires, des débats, des expositions de peinture ou de photographie et des spectacles de danse indienne et suisse.

Depuis 23 ans, le festival permettait au public genevois de découvrir des films venus de pays en voie de développement, en mettant l’accent chaque saison sur une région ou une thématique particulière.

Cette année, pour la première fois, le FIMNS a lieu hors de Suisse. Pour l’occasion, il a été renommé «forum» au lieu de «festival».

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