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«Le passeport biométrique menace la liberté individuelle»

Les députés Marie-Therese Weber-Gobet, Margret Kiener Nellen, Daniel Vischer et Carlo Sommaruga, au front contre le passeport biométrique. Keystone

Non à une nouvelle tentative de ficher les citoyens, oui à la liberté individuelle. Tels sont les arguments-choc du comité interpartis (essentiellement de gauche) qui a lancé jeudi la campagne contre le passeport biométrique, en votation le 17 mai.

«Ce projet est une tentative d’étrangler la protection des données personnelles et la liberté de voyager. Une tentative d’étendre le surveillance que l’Etat peut exercer sur les citoyens à une dimension internationale», martèle le député vert Daniel Vischer.

Outre son parti, le comité regroupe également les socialistes et les chrétiens sociaux. Il s’oppose à l’introduction du nouveau passeport biométrique, voulu par le gouvernement et la majorité du parlement et qui devrait devenir obligatoire pour les Suisses à partir de 2010.

C’est toutefois le peuple qui aura le dernier mot, puisque le comité, appuyé par quelques forces de la droite, a réussi à réunir les 50’000 signatures nécessaires (et même 66’000) pour que l’objet soit soumis au verdict des urnes.

La banque de données qui fâche

Selon les autorités, le nouveau document de voyage est nettement mieux protégé contre toute tentative de falsification. Chaque année, 13’000 passeports suisses sont perdus ou volés.

Le passeport biométrique contiendra une puce électronique, où seront enregistrées les donnes personnelles, parmi lesquelles une photo du visage et deux empreintes digitales.

De plus, le nouveau document permettra à la Suisse de satisfaire aux normes de l’espace Schengen, auquel le pays a adhéré en décembre 2008. La réglementation européenne impose en effet à la Confédération d’adopter le passeport biométrique d’ici au 1er mars 2010.

Ce qui fâche le plus les opposants, c’est la décision du gouvernement et du parlement d’archiver toutes les données que porteront les puces dans une banque de données centralisée. Et ceci alors que Bruxelles a renoncé à cette option, rejetée par le Parlement européen au nom de la protection de la sphère privée des citoyens.

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Fichage systématique des citoyens

«Cette banque de données permettra bientôt aux autorité de ficher les 6,7 millions de Suisses. Schengen ne peut en aucun cas servir de prétexte pour renforcer la surveillance des citoyens de la part de l’Etat», souligne la députée socialiste Margret Kiener Nellen, rappelant que la réglementation européenne ne prévoit pas de banques de données centralisées.

«Le projet suisse va bien au-delà de ce qui est nécessaire dans les pays européens, ajoute son camarade de parti Carlo Sommaruga. Nous pouvons donc refuser le nouveau passeport biométrique sans remettre en cause notre politique européenne».

Selon le député en effet, un refus populaire le 17 mai ne signifiera pas l’exclusion automatique de la Suisse de l’espace Schengen, contrairement à ce que prétend le gouvernement.

«Dans un cas pareil, l’accord de Schengen prévoit la convocation d’une commission mixte, chargée d’examiner d’autres solutions. Ce qui laisserait au Conseil fédéral (gouvernement) la possibilité d’élaborer un nouveau projet de loi, sans banque de données centralisée».

Qui croire?

«En Suisse, nous avons eu le scandale des fiches dans les années 80. A l’époque, personne n’aurait imaginé que plus de 20 ans plus tard, nous serions confrontés à un projet des autorités visant à ficher tous les Suisses dans une banque de données centralisée», s’indigne Daniel Vischer.

«Le Conseil fédéral affirme que cette banque de données ne sera pas utilisée pour des enquêtes de police. Mais les mêmes conseillers fédéraux ne sont pas toujours au courant de l’usage qui sera fait de ces données. A l’époque du scandale des fiches, le gouvernement a prétendu qu’il ne savait rien, afin de ne pas avoir à assumer ses responsabilités», martèle encore le député écologiste.

Sécurité «rudimentaire»

Avec l’aide de deux spécialistes, le comité interpartis a cherché à démonter les garanties de sécurité du nouveau passeport mises en avant par le Conseil fédéral. «Ce document présente des faiblesses qui peuvent compromettre sérieusement la sphère privée des citoyens», affirme Michel Paschalidès, expert en sécurité informatique.

Selon lui, la technologie RFID (Radio Frequency Identification), utilisée pour lire les données biométriques, permettrait de suivre tous les déplacements du détenteur du passeport, de la même manière que l’on peut suivre un téléphone portable. En outre, la clé cryptographique et les autres mécanismes de protection des données choisis par les autorités seraient «rudimentaires» et «insuffisants».

«Avec les programmes disponibles sur Internet, il n’y a même pas besoin d’être un expert pour décoder le contenu de la puce et accéder aux donnes personnelles. C’est un peu comme se protéger derrière une porte blindée, et ensuite distribuer partout le moule pour se fabriquer les clés d’accès», affirme Michel Paschalidès

swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien, Marc-André Miserez)

Idée américaine. L’idée du passeport biométrique a été lancée après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington. Depuis le 25 octobre 2006, les Etats-Unis exigent de toute personne entrant sur leur territoire un passeport biométrique (contenant une puce électronique où sont enregistrées les données personnelles, la photo et deux empreints digitales). Ceux qui n’en ont pas doivent se faire délivrer un visa.

Grand nombre de pays. A l’heure actuelle, une cinquantaine de pays ont adopté ce système (dont tous ceux de l’espace Schengen). Leur nombre devrait passer à 90 d’ici la fin de l’année.

Carte d’identité. En Suisse, si le peuple dit «Oui», le passeport biométrique devrait être introduit dès le 1er mai 2010. Concernant la carte d’identité, la loi permettrait d’y inclure une puce, mais rien n’est encore décidé.

Prix. Le nouveau passeport devrait coûter 140 francs pour les adultes et 60 pour les enfants. Les passeports actuels gardent leur validité jusqu’à leur date de péremption.

Depuis septembre 2006, la Suisse mène un test avec des passeports biométriques, dont la puce contient les données personnelles et la photo. Les expériences ainsi récoltées doivent servir à l’introduction définitive du passeport biométrique.

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