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Les banques refusent un second accord «à la UBS»

Claude-Alain Margelisch et Patrick Odier refusent de plier face à l’attaque des Etats-Unis sur le secret bancaire suisse. Keystone

L’ultimatum lancé à la Suisse par les Etats-Unis sur la livraison de noms de clients américains de banques suisses soupçonnés d’évasion fiscale échoit ce mardi. Mais les banquiers suisses ont déjà indiqué ne pas vouloir d’un accord comparable à celui conclu dans l’affaire UBS.

Il y a deux ans, le deal passé entre les Etats-Unis et la Suisse dans l’affaire UBS a exigé de passer outre les règles du secret bancaire suisse. Au final, la Suisse a fourni 4450 noms de clients américains.

Mais plutôt que d’enterrer la question une fois pour toutes, ce succès américain a encouragé l’Oncle Sam à poursuivre d’autres banques. Certaines auraient d’ailleurs illégalement ouvert leurs portes à des clients d’UBS une fois la première banque suisse prise la main dans le sac.

Représentante de la branche, l’Association suisse des banquiers (ASB) met tout en œuvre pour éviter aux autres banques une situation à la UBS et appellent les négociateurs à trouver une solution qui préserve la législation suisse sur le secret bancaire.

Dans le respect de la législation

Président de l’ASB, Patrick Odier réclame un traité contraignant applicable à tous les pays en lieu et place d’accords particuliers entre la Suisse et d’autres Etats. «La solution doit être globalement applicable, définitive, dans le respect des lois suisses actuelles», a indiqué Patrick Odier lors de la conférence annuelle de l’ASB, lundi à Zurich.

Patrick Odier accepte l’idée que les banques suisses ayant violé les lois étrangères doivent payer une pénalité. Mais il dénonce les dernières exigences de l’attorney général américain James Cole en les qualifiant de «trop dures».

«Les Etats-Unis doivent reconnaître que la sécurité juridique [du secret bancaire] est quelque chose que la Suisse doit garantir, a-t-il indiqué. Un pays ne peut pas ne pas respecter les lois d’un autre pays.»

L’ASB considère les récents accords signés avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne comme des modèles envisageables. Selon ces accords, qui doivent encore être officialisés, les banques paieraient un impôt forfaitaire sur les rendements et bénéfices passés et futurs des avoirs des titulaires de comptes en Suisse.

Il faut savoir en outre que la Suisse a négocié avec les Etats-Unis un nouvel accord de double imposition qui doit encore obtenir l’aval des autorités américaines.

L’accord UBS, solution unique

«Je suis très confiant, nous pouvons trouver une solution commune qui soit dans l’intérêt des banques suisses et des Etats-Unis», indique à swissinfo.ch Claude-Alain Margelisch, CEO de l’ASB.

«Nous avons résolu le cas UBS et j’espère que nous trouverons une solution globale et définitive pour toutes les banques suisses. Nous devons nous assurer que nous n’aurons pas à être confrontés au même problème une troisième fois.»

Le même Claude-Alain Margelisch rejette l’option d’une solution «à la UBS». Même si un paragraphe de l’accord en question prévoyait la possibilité de forcer d’autres banques suisses à livrer des données de clients en cas de violation similaire des lois américaines.

«Le cas UBS était particulier car il impliquait une seule banque, dans un contexte qui n’est pas comparable», indique le représentant de l’ASB. «Je ne peux pas imaginer que le Parlement suisse soit disposé à accepter un nouvel accord pour le reste de la communauté bancaire en pleine année électorale.»

Reste que les derniers signaux en provenance des Etats-Unis donnent à penser que le Département de justice (DoJ) n’est pas disposé au compromis. Les investigations ont été élargies à une dizaine de banques suisses et Credit Suisse s’est récemment vu signifier par avis officiel qu’il se trouvait sous enquête.

Les Etats-Unis ne bluffent pas

A lire les médias US, il apparaît aussi que les négociateurs américains sont en train de perdre patience à l’égard de leurs partenaires suisses. La prise de position publique du numéro deux du DoJ James Cole fait dire à l’avocat fiscaliste américain Scott Michel qu’il est peu probable de voir les Etats-Unis retirer leurs demandes sur les nouvelles données de clients.

«C’est une erreur de croire que lorsque de le DoJ fait ces demandes, il bluffe, assure l’avocat fiscaliste. Il y a apparemment un sentiment de frustration face aux preuves que d’autres banques suisses aident des citoyens américains à cacher leur argent, deux ans après le cas UBS.»

Scott Michel ajoute que «le DoJ ne demande même pas un échange d’informations – un long processus qui implique un examen au cas par cas. Ils veulent une grande quantité d’informations sur les clients des banques suisses et ils les veulent maintenant.»

Selon Scott Michel, les autorités américaines sont apparemment en train de mettre en place une base légale destinée à imposer aux banques suisse des «pénalités financières draconiennes» qui pourraient largement dépasser l’amende de 780 millions de dollars exigée d’UBS.

Les médias suisses répercutent aussi l’idée que les Etats-Unis seraient prêts à lancer des procédures pénales à l’encontre des banques qui ne respecteraient pas leurs revendications.

La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a indiqué à la télévision alémanique qu’il n’était pas question de recourir au droit d’urgence en livrant les données sous le coup d’un ultimatum.

«Je suis contre les ultimatums», a-t-elle affirmé, estimant que ce n’est pas une façon de négocier entre Etats. Il existe des solutions et elles sont discutées avec les Américains depuis des mois. Il s’agit selon Eveline Widmer-Schlumpf de l’accord sur la double imposition ou du modèle d’accord signé dernièrement avec l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Le secret bancaire suisse subit de constantes attaques depuis la crise de 2008. Endettés, les pays développés cherchent à remplir leurs caisses en réprimant l’évasion fiscale, qui est devenue une priorité.

En 2009, la Suisse a dû se résoudre à un accroissement de l’échange d’informations bancaires. Elle a renégocié une série d’accords de double imposition afin de sortir de la liste noire de l’OCDE.

La même année, UBS a admis avoir aidé des contribuables américains à frauder le fisc de leur pays, amende à la clé. Le gouvernement suisse s’est ensuite vu contraint de livrer les noms de 4450 clients américains au fisc US.

En 2009 et 2010, plusieurs pays parmi lesquels la Grande-Bretagne, l’Italie, les Etats-Unis et l’Allemagne ont offert à leurs contribuables de se mettre au net sur le plan fiscal par le biais d’amnisties fiscales.

La vente illégale de données bancaires a encore accru le nombre de fraudeurs du fisc identifiés. L’Allemagne et la France ont été les principaux acquéreurs des CD controversés, mais les informations qu’ils contenaient ont diffusé dans d’autres pays.

Les Etats-Unis poursuivent actuellement leur travail d’enquête. Credit Suisse en a été informé officiellement. D’autres banques, dont des banques cantonales, seraient également dans la ligne de mire des autorités US.

Selon les médias, l’attorney général James Cole a exigé à fin août la livraison de nouveaux noms de clients de banques suisses, avec menace d’amendes et de procédures légales si la Suisse n’obtempère pas.

(Traduction de l’anglais: Pierre-François Besson)

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