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Prises de bec sur l’avenir de l’armée

Keystone

Démission du chef sur fond de scandale, refus du programme d'armement, pressions sur le ministre de la part de ses anciens camarades de l'UDC (droite nationaliste): la Chambre basse a tenu ce mercredi un débat urgent sur l'armée. Pour aboutir à quoi ?

A pas grand-chose, semble-t-il. «Ces discussions sur l’état de l’armée n’ont pas contribué à éclaircir la situation, estime le démocrate-chrétien Pius Segmüller. Ce n’était de toute façon pas ce qui intéressait les partis qui ont voulu ce débat. Seul le ton était plus impératif que dans les précédents débats sur l’armée».

Du côté socialiste, Werner Marti juge aussi que le débat n’a guère apporté d’éclaircissements. En fait, «les partis campent sur les mêmes positions qu’avant».

Les deux députés se retrouvent également dans la conviction qu’une démission du ministre de la défense Samuel Schmid ne résoudrait pas le blocage du programme d’armement 2008, refusé la semaine dernière par les voix conjuguées de la gauche et de l’UDC.

«Politiquement, cela servirait certes à débloquer la situation auprès de l’UDC, mais un nouveau ministre aurait exactement les mêmes problèmes à résoudre que M. Schmid», estime Werner Marti.

«Samuel Schmid est inclus dans les objectifs du Parlement. Le cadre financier ne changerait pas avec un autre ministre. D’ailleurs, l’UDC sait bien pourquoi elle ne se précipite pas pour prendre le ministère de la Défense», ajoute Pius Segmüller.

Menace d’effondrement

Jusqu’ici, l’armée «a bien rempli ses tâches. Maintenant, nous devons prendre le temps de définir à nouveau clairement sa mission et voir ce qu’elle va coûter», poursuit le député démocrate-chrétien. Et de rappeler que le Gouvernement a promis pour l’année prochaine un rapport au Parlement sur la politique de sécurité.

Aujourd’hui, plus personne n’imagine que l’armée suisse doive un jour défendre les frontières du pays. Par contre, elle serait utile pour la protection de la population et des infrastructures.

Les partis bourgeois se refusent à poser les questions de fond sur le sens, le but et la mission d’une armée en des temps «où aucun ennemi n’est en vue», critique Werner Marti.

«Si cela continue, le sentiment d’insécurité au sein de l’armée ne va faire qu’augmenter et tôt ou tard, on arrivera à un effondrement, avertit le député socialiste. Le ministre de la Défense et le Gouvernement doivent réagir à temps pour éviter cela».

Redonner du sens

«Réagir», pour la gauche cela veut dire supprimer la mission de défense générale de l’armée et la réduire à 50’000 hommes, au lieu des 200’000 actuels. Comme le parti socialiste l’a rappelé au cours du débat, cela permettrait de réduire les coûts de la défense d’un bon tiers.

Chez les Verts également, on juge que l’armée a besoin de redonner un sens à ses missions. Et que cela ne se résoudra pas en changeant de ministre. Selon le député Josef Lang, il serait bien plus avisé de «marquer une pause», sous forme de moratoire financier.

Toute autre est la vision des nationalistes de l’UDC. Pour eux, l’armée n’est simplement pas opérationnelle. Avec «les structures de conduite actuelles», elle ne serait pas en mesure de «faire face à une situation de crise exceptionnelle», assène le député Alexander Baumann.

Et de dénoncer au passage les règlements et les standards «copiés sur ceux de l’OTAN» avant de conclure que face «au feu qui fait rage à tous les étages» du ministère de la Défense, l’armée a besoin «d’une chimiothérapie».

«Mobbing sans précédent»

Au nom des radicaux (droite), le président du parti Fulvio Pelli rappelle qu’en 2004, le peuple a approuvé la réforme Armée XXI. «Ce que veut l’UDC, c’est une armée de musée», dénonce le député, fustigeant également le «mobbing sans précédent» auquel les nationalistes soumettent leur ancien ministre.

Samuel Schmid pour sa part a su contrer avec sérénité les attaques de l’UDC. Et se dire «disposé et prêt à apprendre», en particulier des «critiques constructives» des partis bourgeois.

Le ministre est également prêt à discuter de la stratégie du parti socialiste, même si elle n’est pas la sienne. «A droite, en revanche, je ne sais pas si tous en ont vraiment une», a-t-il dit en lorgnant vers les bancs de l’UDC.

En s’impliquant de la sorte dans un débat qu’il dit avoir «beaucoup aimé», Samuel Schmid a donc douché les espoirs de ceux qui le voyaient démissionner sur-le-champ.

swissinfo, Andreas Keiser à Berne
(Traduction et adaptation de l’allemand: Marc-André Miserez)

C’est à la demande de la gauche, des Verts et de l’UDC que le Conseil national (Chambre basse) a tenu ce mercredi un débat urgent sur l’armée.

Pour les socialistes et les Verts, l’armée traverse une crise liée à la perte du sens de son action. Les raisons de l’UDC sont différentes: le parti nationaliste veut avant tout la tête de son ancien ministre Samuel Schmid, qu’il accuse de ne plus être capable de remplir sa tâche.

Concrètement, le débat a consisté en l’examen d’une trentaine d’interventions parlementaires de toutes sortes. La Chambre n’en a adopté que quatre, dont deux contre l’avis du gouvernement.

Celles-ci demandent le réexamen du concept de stationnement des Forces aériennes et l’abandon des missions de surveillance des ambassades par les soldats.

Suisse
Soldats: environ 220’000
Budget 2007: 3,7 milliards de francs
Dépenses par tête: 490 francs
Soldats à l’étranger: 274

Autriche
Soldats: environ 106’000
Budget 2007: 2,8 milliards de francs
Dépenses par tête: 347 francs
Soldats à l’étranger: 1236

Irlande
Soldats: environ 23’500
Budget 2007: 1,2 milliards de francs
Dépenses par tête: 295 francs
Soldats à l’étranger: 798

La popularité du ministre de la défense dégringole: il ne recueille plus que 33% de la faveur populaire, contre 80% il y a un an, selon un sondage publié mercredi par l’hebdomadaire romand L’Illustré.

Pour la première fois depuis 2002, l’actuel président de la Confédération Pascal Couchepin cède la dernière place du classement des sept membres du gouvernement. Nouvelle lanterne rouge, Samuel Schmid paie le prix des affaires qui secouent l’armée, surtout de la gestion de l’affaire Nef, dévoilée l’été dernier.

Doris Leuthard (Economie) reste bonne première avec 87% de suffrages favorables. Elle est suivie d’Eveline Widmer-Schlumpf (Justice et Police), de Hans-Rudolf Merz (Finances) et de Moritz Leuenberger (Infrastructures et Environnement).

Les trois derniers sont Micheline Calmy-Rey (Affaires étrangères), Pascal Couchepin et Samuel Schmid.

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