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Rueil-Malmaison la Suissesse

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La petite ville de l'ouest de Paris abrite depuis 1999 un 'Musée Franco-Suisse', sous-titré 'Des Gardes Suisses... à la Légion Etrangère'.

Un lieu voulu par la commune de Rueil, en hommage à la généalogie très helvétique de nombre de ses habitants.

De Rueil, petite cité à l’ouest de Paris, juste après Nanterre, on connaît surtout la Malmaison.

Cet élégant domaine que Joséphine, née Rose Tascher de la Pagerie en Martinique, veuve du général Beauharnais et épouse du général Bonaparte, acheta en 1799 en l’absence de son futur empereur de mari, parti guerroyer en Egypte.

Tous les Suisses ont déjà entendu parler de la Malmaison… Mais du Musée Franco-Suisse de Rueil, sans doute pas. Pour le trouver, il faut se diriger vers la caserne aujourd’hui appelée Guynemer.

C’est en 1754 que Louis XV fait construire à Rueil une caserne pour loger 800 gardes du 2e bataillon du régiment des Gardes Suisses, qui auparavant étaient logés chez l’habitant. Les Gardes Suisses, ce régiment d’élite (parmi les 12 régiments de soldats suisses au service de la France) chargés à l’origine, de la garde des châteaux du roi.

Parallèlement, il en fait construire une à Saint-Denis, une autre à Courbevoie. Ces deux dernières seront détruites au cours des années soixante, alors que celle de Rueil sera classée monument historique en 1974.

Le Musée Franco-Suisse de Rueil-Malmaison est installé dans l’ancien poste de garde de la caserne, un modeste bâtiment tout blanc.

Des Schneider aux Chenidre

Rueil, la ville la plus suisse de France? «Oui», répond Liliane Kalenitchenko, conservatrice du Musée d’histoire locale de Rueil-Malmaison. «S’ils cherchent un peu, les anciens Ruellois retrouvent de nombreux Suisses dans leur généalogie».

Mais les noms se sont francisés, d’où une certaine difficulté à établir les filiations. Ainsi derrière les Boux faut-il voir des Buchs. Derrière les Hurle, des Hurler. Derrière les Pacquement, des Bachmann. Quant aux Schneider, ce sont des Chenidre qu’il faut chercher aujourd’hui.

Une évolution linguistique qui dit bien l’implantation des Suisses dans le tissu urbain ruellois. Les Suisses se marient à Rueil, ou s’y installent parfois avec leur famille, ouvrent des commerces, travaillent et s’intègrent donc dans la société locale.

C’est d’ailleurs l’interrogation généalogique et sociale qui est à l’origine d’un colloque intitulé «Les Gardes Suisses et leurs familles», qui se tient en 1988 et est lui-même à l’origine de la création du Musée Franco-Suisse, en 1999.

Pour ce colloque, «on s’est attelé à nos registres de catholicité surtout – pour les protestants, c’est évidemment plus difficile – et on s’est aperçu de l’importance qu’avaient les Suisses dans l’histoire de Rueil», explique Liliane Kalenitchenko. Une recherche sur «nos origines, les gens qui ont constitué notre ville et notre passé», retranscrite d’ailleurs dans un ouvrage très complet que l’on peut se procurer au musée.

Si les trois casernes «des Suisses» ont été construites en 1754, le corps d’élite des Gardes Suisses a été créé en 1616 déjà, et c’est dès 1646 que les premiers ressortissants helvétiques s’intègrent à la population ruelloise.

«A Rueil, avant l’existence de la caserne, il y avait 800 Suisses à loger chez l’habitant. C’est surtout à cette époque d’ailleurs qu’il y a eu des descendances», constate Liliane Kalenitchenko.

«Je ne compte plus sur les Suisses»

Un musée consacré aux Gardes-Suisses en France? On pourrait imaginer que la Confédération encourage financièrement la démarche. «Pas du tout !» constate Liliane Kalenitchenko. «Même pour notre association, ‘Les Amis du Musée franco-suisse’, qui vise à soutenir le musée, nous n’avons aucun appui de la Suisse… et même des Suisses en général».

Et si l’ambassadeur Bénédict de Tscharner a été un fidèle du musée, qu’il a inauguré, il n’en va pas de même avec tous les représentants de la Suisse: «Cela dépend des ambassadeurs. Certains ne semblent pas intéressés par ce passé», constate la conservatrice, qui avoue une certaine déception.

«En 1988, on a eu beaucoup de répondant en Suisse. Certains historiens étaient très contents qu’on se soit occupé de cela. J’ai l’impression que les générations suivantes sont moins concernées.» Et ce n’est manifestement pas le jumelage avec Fribourg qui change la donne.

On pourrait chercher encore une autre explication… Après le massacre du 10 août 1792, la fin des Gardes Suisses et la dissolution – momentanée – des troupes suisses en France, les soldats helvétiques de retour au pays ne furent pas toujours bien accueillis. «Un peu comme nos Pieds-noirs de retour d’Algérie», constate Liliane Kalenitchenko.

Un malaise qui, peut-être, subsiste aujourd’hui encore. Aux Tuileries, en tuant les Gardes Suisses, ce sont les symboles de la monarchie autoritaire opposée à la République en marche que le peuple parisien a détruit. Un souvenir peut-être en peu encombrant pour un pays qui se veut champion de la démocratie.

swissinfo, Bernard Léchot à Paris

Musée Franco-Suisse et Centre de documentation militaire des Suisses au Service de France, 5 Place du Général Leclerc, 92500 Rueil-Malmaison.
Ouvert le jeudi après-midi de 14h30 à 18h00, et sur rendez-vous au (0)1.47.32.66.50.

Organisé sur trois niveaux, le petit musée permet de découvrir quelques uniformes, des figurines, des peintures, des gravures, des documents, écrits de la main de Gardes Suisses.

Sous-sol: l’histoire détaillée des douze régiments suisses.

Rez-de-chaussée: L’histoire des Suisses au Service de la France dès Charles VII et jusqu’à la fin du 18e siècle.

1er étage: La fin des Gardes Suisses, les troupes suisses après 1792 et la création de la Légion étrangère par Louis-Philippe, sur la base des régiments suisses, en 1831.

C’est à la Malmaison que Bonaparte rédigea notamment l’«Acte de Médiation», largement fondateur de la Suisse moderne.

La Malmaison, où Joséphine s’éteindra en 1814 et que l’empereur Napoléon III rachètera en 1861.

Après la débâcle du 1er Empire, les Bonaparte avaient été bannis de France. Louis-Napoléon, fils d’Hortense de Beauharnais (fille de Joséphine) et de Louis Bonaparte (frère de Napoléon 1er) passe une large partie de sa jeunesse en Suisse, à Arenenberg, en Thurgovie.

Louis-Napoléon Bonaparte, citoyen suisse dès 1832, capitaine d’artillerie de l’armée suisse en 1834, sera empereur des Français sous le nom de Napoléon III de 1852 à 1871.

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