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Avec Macron, la France deviendra-t-elle plus «suisse»?

Image du Palais Bourbon à Paris
Il y aura beaucoup de nouveaux visages au Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale française. AFP

Un grand nombre de non professionnels de la politique va peupler l’Assemblée nationale. Au gouvernement, le nouveau président adopte une démarche transpartisane. Une révolution «à la suisse»? 

Pompier professionnel, Jean-Marie Fievet est arrivé largement en tête au premier tour des élections législatives, dans le département des Deux-Sèvres. Sauf surprise, il siégera au Palais Bourbon, dans le «saint des saints» de la République. Aux côtés d’Aude Amadou, ancienne joueuse professionnelle de handball, de Michel Delpon, négociant en vin en Dordogne, du mathématicien Cédric Villani. Ou encore de l’ancienne torera Marie Sara, si elle passe l’épreuve du second tour. 

La «société civile» va faire une entrée fracassante à l’Assemblée nationale, dans des proportions jamais atteintes par le passé. Les non professionnels de la politique représentent environ 35% des candidats de La République en MarcheLien externe, le mouvement fondé par le nouveau président français Emmanuel Macron. A l’Assemblée, ils seront sans doute entre 150 et 200 (sur 577) à n’avoir jamais exercé de fonction politique. 

«La politique ne doit plus être un métier, plaide sur la radio France Inter Aurore Bergé, 30 ans, candidate de La République en Marche en région parisienne. Cinq ans ou dix ans d’une vie, mais pas quarante.» 

Peut-on, pour autant, parler à propos de la future Assemblée d’un «parlement de milice» à la suisse (encore que ce dernier soit toujours plus professionnalisé)? Pas vraiment: les futurs députés d’En Marche se sont engagés à se consacrer entièrement à leur nouvelle vie d’«élus de la nation». 

Mais le changement est important. L’Assemblée est profondément renouvelée, mais aussi diversifiée. Entrent au parlement des profils différents, plus représentatifs de la société française. La France Insoumise, le parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, enverra aussi au parlement des non professionnels de la politique.

Contenu externe

Un gouvernement trans-partis? 

Dimanche, au soir du second tour, Emmanuel Macron pourrait être tenté de constituer un gouvernement à sa botte, 100% En Marche. La très nette majorité «macronienne» qui se dessine à l’Assemblée lui évite de devoir composer avec la droite ou la gauche. Pas besoin d’aller chercher des soutiens chez les Républicains ou les socialistes: les premiers sortent sonnés des législatives, les seconds laminés. 

Pourtant, Macron et son Premier ministre Edouard Philippe ne changeront sans doute pas fondamentalement le gouvernement. L’équipe formée à la mi-mai combine centre, droite et gauche: quelques poids lourds socialistes, de jeunes figures des Républicains (droite classique) et des membres du MoDem (centre) de François Bayrou. 

La «formule magique» à la Macron 

«Une rupture fondamentale», estime le journaliste franco-suisse François Hauter dans un article publié par Le Temps. Fini les anciennes alternances entre droite et gauche. Macron adopte «une démarche ‘à la suisse’, écrit l’ancien reporter du Figaro, où des responsables de tous les partis doivent apprendre à s’entendre et à faire des concessions pour faire aboutir des projets d’intérêt national». 

Macron, apôtre du consensus helvétique, voire de la «formule magique»? «N’oublions pas que cette politique de rassemblement tient entièrement à la volonté du président français, «monarque républicain», nuance François Nordmann, ancien ambassadeur de Suisse et Paris. Tandis qu’en Suisse, les pratiques de consensus gouvernemental sont le reflet de l’équilibre des forces au parlement.» 

Le diplomate rappelle aussi que cette expérience française d’un gouvernement transpartisan n’est pas totalement nouvelle: en 1945 (Libération), en 1958 (instauration de la Ve République) voire en 1988 (réélection de François Mitterrand) et en 2007 (élection de Nicolas Sarkozy), les gouvernements étaient plus ou moins élargis au camp d’en face. 

Macron le Girondin 

«Je suis girondin», clame le Emmanuel Macron. Girondin comme ceux qui, sous la Révolution française, s’opposaient aux Jacobins férus de centralisation parisienne. Plus de deux cents plus tard, le terme est un peu passe-partout. Il signifie à la fois «modéré» et attaché à la diversité française. 

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Décoloniser les provincesLien externe, par Michel Onfray. Editions de l’Observatoire.

«Emmanuel Macron accepte clairement l’idée d’une décentralisation différenciée, autrement dit qu’il n’est pas pertinent d’appliquer la même organisation à tous les territoires», résume l’écologiste François de Rugy dans le Huffington Post. 

Sur la question des rythmes scolaires par exemple, le président souhaite laisser aux communes le choix d’appliquer ou non la réforme des rythmes mise en place par le gouvernement socialiste. Une liberté assez rare dans la France jacobine. 

Sur l’organisation de l’Hexagone, Macron propose de supprimer un quart des départements, ceux qui abritent une métropole, pour fusionner les deux structures. Le président appelle ça un «pacte girondin entre l’Etat et les collectivités». 

On est loin toutefois de l’idée girondine ressuscitée par le philosophe Michel Onfray dans son dernier ouvrage, «Décoloniser les provinces». Fustigeant le jacobinisme et vantant la «très ancienne tradition communaliste» suisse, ce dernier propose une révolution girondine: «Confédérer les provinces dans un Etat girondin garantissant le caractère fédéral des décisions populaires; instituer un contre-pouvoir avec l’aide des cellules politiques de la commune à la région», etc. 

Si Emmanuel Macron est girondin, c’est de façon limitée…

La vague en marche

Le parti La République en Marche (LREM) d’Emmanuel Macron a dominé le premier tour des élections législatives avec 32,32% des suffrages exprimés devant Les Républicains (21,56%) et le Front national (13.2%). Le Parti socialiste n’obtient que 9,5% des voix, derrière La France insoumise (11%). L’abstention culmine à 51,29%.

Selon les projections, La République en Marche et son allié MoDem devraient obtenir entre 400 et 440 sièges dans la future Assemblée (sur 577), contre une centaine à la droite, entre 15 et 25 au parti socialiste, environ le même nombre à la France Insoumise et entre 2 et 5 au Front national.

Joachim Son-Forget, le candidat LREM, a remporté le premier tour pour le siège de député des Français de Suisse et du Liechtenstein. Le jeune homme de 34 ans a récolté 64,93% des voix. Il devance largement la députée sortante Les Républicains Claudine Schmid, qui obtient 15,93%. Le candidat d’Europe Ecologie Les Verts, Jean Rossiaud, arrive en troisième position (7,74%).

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