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«Comment peut-on ne pas faire de politique?»

Sandrine Salerno est maire de Genève depuis le 1er juin dernier. Keystone

Depuis début juin, Sandrine Salerno est maire de Genève. Pour cette socialiste, la politique signifie s’intéresser à son prochain de manière active et responsable. Interview.

Elue au Conseil municipal en 2007, ex-présidente de la section de Genève-Ville du Parti socialiste, Sandrine Salerno, qui possède les passeports suisse, français et italien, est responsable du Département des finances et du logement.

Depuis le 1er juin et pour la première fois depuis quatorze ans, c’est une femme qui endosse pour une année la charge tournante de maire de Genève.

swissinfo.ch: D’où vous vient votre passion pour la politique?

Sandrine Salerno: La vie collective me tient à cœur et le sort des autres ne m’est pas indifférent. Faisant partie de la société, j’ai une opinion sur les divers thèmes qui la concernent. A mon avis, faire de la politique signifie exercer ses droits de citoyen. Quand on a cette chance, ce privilège, je ne vois pas comment il est possible de faire autrement.

Je dirais même que je ne comprends pas comment on peut ne pas faire de politique, ne pas avoir d’opinion, ne pas voter, à moins d’être un ermite qui vit dans une grotte.

swissinfo.ch: Femme, mère, Suisse de la deuxième génération, jeune et maire d’une des villes les plus importantes de Suisse, vous êtes une sorte de miracle?

S.S.: Je ne dirais pas un miracle, mais c’est certainement une petite merveille de la démocratie suisse qui permet à quelqu’un de très éloigné des sphères traditionnelles du pouvoir d’accéder à des fonctions importantes. D’autant plus que cela ne signifie pas, heureusement, qu’on les occupe pendant toute sa vie, comme cela arrive dans d’autres pays.

swissinfo.ch: Vous êtes socialiste et vous dirigez un département plutôt technique et «masculin», celui des finances. (En 2009, les comptes ont bouclé sur un excédent de 161 millions de francs.) Quelle a été votre approche?

S.S.: En premier lieu, j’ai pu bénéficier de collaborateurs compétents. Ensuite, c’est la stratégie la plus risquée, qui consistait à réaliser des investissements à court terme qui s’est révélée la meilleure: en raison de la crise, nous avons pu négocier nos prestations de manière avantageuse.

Pour ce qui est d’être femme et socialiste, les gens se demandent souvent s’il ne serait pas plus logique de s’occuper de société, de culture, de consacrer l’argent aux dépenses indispensables. Mais je réponds à cela que, souvent, les socialistes gèrent les finances précisément pour pouvoir appliquer une politique qui favorise les citoyens. Pour en avoir les moyens, il faut pratiquer une gestion financière rigoureuse.

De manière plus générale, j’observe qu’on tend à demander plus à une femme active en politique qu’à un homme. Elle doit connaître ses dossiers à la perfection, mais elle est en outre jugée sur la forme. Sur sa manière par exemple de s’exprimer, sur son apparence et son habillement.

swissinfo.ch: Le Mouvement des citoyens genevois a obtenu un succès électoral en utilisant le débat de la criminalité et les frontaliers. Est-ce de la démagogie ou les problèmes sont-ils réels mais délaissés par la gauche?

S.S.: Ce sont de vrais problèmes, ou plutôt les peurs de la population sont réelles. Mais elles sont accompagnées d’une bonne dose de démagogie, surtout en ce qui concerne les solutions proposées: par exemple, la promesse de nettoyer la ville de ses trafiquants en 45 jours.

Aujourd’hui, à Genève, les deux principales préoccupations des citoyens sont le logement et les différences salariales croissantes entre ceux qui ont de gros salaires et ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Ce n’est pas le risque d’être agressé dans la rue.

La gauche, qui n’est pas majoritaire au niveau cantonal, propose des solutions à ces questions. Nous verrons comment le peuple s’exprimera lors de la votation sur la révision de la loi sur le chômage.

swissinfo.ch: En ce qui concerne l’affaire Kadhafi, de nombreux commentateurs ont souligné que la Suisse s’est comportée de manière naïve et inadéquate. Cela vaut-il aussi pour Genève qui, en tant que ville internationale, devrait avoir l’habitude de ce genre de situation?

S.S.: En attendant les conclusions des organes compétents (tribunal arbitral, commission de gestion du Parlement), je rappellerai que Genève s’est trouvée dans une situation plutôt délicate.

D’un côté, il s’agissait d’une situation délicate du point de vue des relations internationales, avec l’implication de personnes qui représentaient l’Etat libyen. Mais, de l’autre, il ne faut pas oublier que cette ville (dépositaire des Conventions de Genève) est aussi le siège des Nations Unies et du Conseil des droits de l’homme. Et qu’à l’origine de toute cette affaire, il y avait un couple de domestiques maltraités, une situation sur laquelle il était exclu de fermer les yeux.

swissinfo.ch: Quelles sont vos priorités durant votre mandat de maire?

S.S.: La rencontre sous toutes ses formes. La population – surtout en ces temps d’insécurité et de crise – doit sentir la proximité des personnes qu’elle a élues pour la représenter. Pendant toute cette année, nous lancerons donc des projets visant à favoriser l’échange, la communication: par exemple, nous avons déjà créé un site internet pour que jeunes et moins jeunes puissent dialoguer, se confronter et transmettre leurs impressions.

Andrea Clementi, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

D’origine franco-italienne, Sandrine Salerno est née à Genève en 1971, où elle a obtenu une licence en sciences politiques et un diplôme d’administration publique.

Elle a travaillé comme adjointe du responsable du programme «Droits de l’homme» de l’Association Centre Europe-Tiers Monde; puis comme coordinatrice au Centre de contact Suisse – Immigrés. Elle a été collaboratrice scientifique à l’Université de Genève et s’est occupée de questions universitaires au Département de l’instruction publique.

Au niveau politique, Sandrine Salerno a fait partie du Conseil municipal de Genève de 1999 à 2007 et, depuis là, du Conseil administratif de la Ville, où elle dirige le Département des finances et du logement. Depuis le 1er juin 2010, elle est en outre maire de Genève.

Elle est mère de deux enfants.

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