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Feu vert du Parlement, mais sans enthousiasme

En mars dernier, le ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter (à gauche) s'était rendu à Berlin pour applanir les difficultés. Keystone

Après la Chambre haute mardi, la Chambre basse a accepté mercredi les accords fiscaux conclus avec l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume-Uni. Mais le dossier n’est pas clos. Tant en Suisse qu’à l’étranger, des oppositions risquent de tout remettre en question.

Dans les deux Chambres, les résultats du vote (voir ci-contre) montrent que les élus n’ont pas témoigné un grand enthousiasme pour accepter les trois accords qui leur étaient proposés. Mais une majorité d’entre eux s’y sont résignés, afin de calmer un peu la situation au niveau international. «Ces accords sont indispensables pour éteindre l’incendie allumé par les banques», a notamment estimé le député démocrate-chrétien Dominique de Buman.

La Suisse est en effet depuis plusieurs années en délicatesse avec les Etats-Unis et plusieurs Etats européens. Ceux-ci reprochent à la place financière helvétique d’accueillir – voire même d’attirer – l’argent des contribuables qui fraudent le fisc. Et en cette période de crise où l’argent, justement, se fait rare pour bon nombre de pays, la pilule passe mal.

Solution de compromis

C’est donc pour faire diminuer la pression que la Suisse a conclu de nouveaux accords fiscaux, accords qui ménagent un peu la chèvre et le chou. D’un côté, ils permettent de faire un pas en direction des autres pays en leur rétrocédant une partie des impôts soustraits. De l’autre, ils préservent le secret bancaire suisse en évitant l’échange automatique des données concernant les contribuables, une solution que préconise l’Union européenne mais dont la Suisse ne veut pas entendre parler.

Les accords conclus avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Autriche visent d’abord à régulariser les fonds placés «au noir» dans les coffres suisses. Le contribuable a le choix: soit il déclare ses avoirs au fisc, soit l’argent qu’il a déposé en Suisse est taxé de manière anonyme et reversé à l’Etat concerné. Le taux d’imposition peut varier en fonction de la durée du placement, de son montant et de l’Etat concerné. Cette imposition de la fortune placée va d’un minimum de 15% à un maximum de 41%.

Les accords règlent ensuite la taxation des intérêts produits par les sommes placées en Suisse. Cette imposition des intérêts correspond plus ou moins aux barèmes en vigueur dans les trois pays, allant d’un minimum de 15% en Autriche à un maximum de 48% au Royaume-Uni. Les accords avec Berlin et Londres touchent aussi les successions avec une imposition de respectivement 50 et 40%.

A noter enfin que Londres et Berlin pourront demander l’aide de la Suisse pour contrôler les données d’un contribuable. Mais le nombre de ces demandes sera dans un premier temps limité à 1300 sur deux ans pour l’Allemagne et à 500 par an pour le Royaume-Uni. Là aussi il s’agit d’une solution de compromis, car la Suisse évite des recherches indéterminées de preuves, une pratique mieux connue sous son terme anglais de fishing expedition.

Double opposition

Au Parlement, ces trois accords se sont heurtés à une double opposition. D’abord de l’Union démocratique du centre. Le parti de la droite conservatrice estime que Berne a fait trop de concessions à Londres et à Berlin. Il demandait donc que le dossier soit renvoyé et que le gouvernement renégocie les termes des accords.

L’autre opposition est venue des rangs de la gauche, mais pour des raisons totalement opposées. Elle estime en effet que ces accords ne vont pas assez loin.

Dans les médias, le président du Parti socialiste suisse, Christian Levrat, a expliqué que l’échange automatique des données deviendrait tôt ou tard la règle. Dans de telles conditions, il aurait été préférable pour la Suisse de proposer directement cet échange automatique dans le cadre des accords, et de peut-être obtenir quelques compensations, que d’y être tôt ou tard contrainte et forcée.

Mathématiquement, l’Union démocratique du centre et le Parti socialiste auraient pu faire capoter les accords. Ensemble, les deux partis disposent de la majorité absolue à la Chambre basse. Mais au final, une partie des socialistes se sont ralliés au projet du gouvernement.

Menace de référendum

L’écueil du Parlement suisse est donc désormais franchi. Il n’est toutefois pas exclu que le peuple soit invité à se prononcer. Dans un communiqué, les Jeunes socialistes évoquent en effet la possibilité de lancer un référendum. Egalement par voie de communiqué, l’Action pour une Suisse indépendante et neutre, mouvement apolitique mais néanmoins très proche de l’Union démocratique du centre, fait de même.

Mais la menace la plus immédiate qui pèse sur ces accords provient des trois pays concernés, où ils doivent encore être ratifiés par le parlement. Or l’opposition est particulièrement vive en Allemagne où la gauche, majoritaire à la Chambre haute (Bundesrat), s’y est déclarée hostile, considérant qu’ils «favorisaient les fraudeurs».

A la Chambre haute:

Accord avec l’Allemagne: 31 voix contre 5 et 5 abstentions

Accord avec le Royaume-Uni: 30 voix contre 6 et 4 abstentions

Accord avec l’Autriche: 34 voix contre 3 et 4 abstentions

A la Chambre basse:

Accord avec l’Allemagne: 108 voix contre 81 et 2 abstentions

Accord avec le Royaume-Uni: 109 voix contre 81 et 1 abstention

Accord avec l’Autriche: 138 voix contre 51 et 2 abstentions

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