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Que faire face à la généralisation du viol de guerre?

Une fillette victime d un viol et sa mère à Monrovia Liberia (2009)
Une fillette victime d'un viol et sa mère à Monrovia Liberia (2009) UN Photos

Dans la plupart des conflits actuels, le viol est utilisé comme arme de guerre pour terroriser l’ensemble d’une communauté. Soutenue par la diplomatie suisse, l’organisation non gouvernementale suisse Trial International se bat pour mettre fin à l’impunité qui couvre leurs auteurs, comme en Syrie, en Birmanie, en République démocratique du Congo ou en Libye.

«Aujourd’hui, il n’y a pas un seul conflit dans le monde où le viol n’est pas utilisé. C’est une arme de guerre extrêmement efficace, à déflagrations multiples, qui frappe la victime, sa famille et sa communauté. Et elle est d’autant plus utilisée que l’impunité reste la règle pour les auteurs de ces atrocités.» C’est le constat que dresse Céline BardetLien externe, fondatrice de l’organisation non gouvernementale (ONG) «We are not weapons of war».

Avec une cinquantaine d’autres activistes, elle participait à une rencontreLien externe organisée par TRIAL International les 18 et 19 juin derniers à Genève à l’occasion des 15 ans d’existence de l’ONG suisse. Susannah SirkinLien externe, de l’ONG Physisians for human rights, abonde dans ce sens: «La première chose à faire, c’est de la prévention. Et l’une des voies à suivre consiste à mettre fin à l’impunité de ceux qui commettent ces crimes et ceux qui organisent ces campagnes de violences sexuelles. Si l’impunité est totale, comme en Syrie ou en Birmanie, cela encourage les violeurs, y compris dans les autres pays en guerre.»

Si les personnes présentes à Genève se sont accordées à dire que les violences sexuelles tendent à se généraliser dans les guerres, aucune étude internationale ne permet de prendre la mesure exacte de ce fléau. On estime cependant que plus de 20’000 femmes ont été violées durant les guerres en ex-Yougoslavie (1992-1995). Et plus d’un million de femmes l’ont été en République démocratique du Congo depuis le milieu des années 1990, au cours des guerres à répétition dans plusieurs régions de cet immense pays. Rien qu’en 2017, l’ONU rapporte 5783 cas en RDC, les chiffres réels étant probablement bien plus élevés.

Les viols à l’encontre des hommes

Mais c’est la Libye qui présente la situation la plus sérieuse. «Ce qui exceptionnel en Libye, c’est que le viol a été utilisé de manière quasi systématique à différentes périodes: pendant le règne de Kadhafi, pendant la révolution et actuellement, où le viol est utilisé de façon systématique dans les prisons. C’est devenu un moyen de revanche pratiqué par toutes les parties et qui vise surtout les hommes», témoigne Céline Bardet.  

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Mais que sait-on au juste des motivations des auteurs de ces crimes? «Les nombreux témoignages recueillis évoquent les menaces proférées par les auteurs, que ce soit des chefs de milice ou de forces armées. S’en dégage la volonté de détruire un groupe en changeant l’identité de la prochaine génération», souligne Susannah Sirkin. Au nord de l’Irak, les victimes de la minorité des Yazidis ont ainsi expliqué que pendant leur esclavage, les gens de Daech leur disaient qu’ils allaient leur faire un bébé Daech pour détruire leur communauté, illustrant le caractère génocidaire de ces viols.

En Bosnie également, les tortionnaires serbes disaient aux femmes bosniaques qu’ils allaient leur faire un bébé serbe. Cette manière de vouloir transformer l’ensemble d’un groupe par des grossesses forcées a pu également être documentée au Soudan, dans la région du Darfour. «Mais dans la majorité des cas tels que nous les connaissons, le viol est utilisé pour terroriser et faire fuir une population entière. Et ce dans le cadre d’une opération de nettoyage ethnique», poursuit Susannah Sirkin.

Mais voilà. La prise de conscience face à ces particulières atrocités n’en est qu’à ses débuts. «Jusqu’en 1945, on considérait les viols en temps de guerre comme des dommages collatéraux, non comme véritablement des crimes», explique Lucie CanalLien externe, conseillère juridique sur les violences sexuelles auprès TRIAL International.

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De trop rares procès

La première mention explicite du viol remonte à la 4e ConventionLien externe de Genève (1949), sans être toutefois considéré comme un grave crime de guerre. Ce sont les tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda qui ont permis de définir plus précisément ces crimes dans le droit international. Et c’est avec le Statut de RomeLien externe (1998) définissant le rôle de la Cour pénale internationale qu’on a pu établir une définition des éléments constituant le crime de viol et de violences sexuelles en temps de guerre ou de répressions violentes. Ce qui inclut par exemple la prostitution forcée, les grossesses forcées ou l’esclavage sexuel.

Si les tribunaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ont condamné des criminels de guerre pour viols systématiques, la Cour pénale internationale n’a pu condamner quiconque pour de tels crimes, le premier procès de cette juridiction contenant des plaintes pour viol à l’encontre du congolais Jean-Pierre BembaLien externe ayant été perdu en appel au début du mois.

Reste le recours aux justices nationales dotées du principe de compétence universelle. Mais les cas instruits sont encore rares. Raison pour laquelle TRIAL International compte développer les idées et les rencontres démarrées le mois dernier à Genève pour mieux protéger et aider les victimes de violences sexuelles à se soigner et obtenir justice.

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