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Béglé parti, reste le défi de l’avenir de La Poste

Claude Béglé est resté neuf mois à la présidence de La Poste. Reuters

Au lendemain de la démission du président du Conseil d'administration de La Poste, les éditorialistes alémaniques et romands divergent sur la lecture de l’événement. La presse suisse est cependant unanime à constater que la question de l’avenir du géant jaune reste entière.

Après neuf mois passés à la tête de La Poste, Claude Béglé a annoncé mardi soir avoir remis sa démission avec effet immédiat au Conseil fédéral (gouvernement). Une décision «prévisible», voire «attendue», relèvent mercredi la plupart des commentateurs.

Mais ils divergent sur l’interprétation de la «campagne de diffamation» que le Vaudois a dénoncée pour expliquer son retrait. En Suisse romande, nombre d’éditorialistes vont ainsi dans son sens et recourent au vocabulaire du complot, évoquant un «lynchage», une «cabale».

«Face à la cabale menée depuis l’intérieur de l’administration par des rivaux aux desseins contrariés, le Conseil fédéral, malgré les timides protestations du ministre de tutelle, a laissé son homme aux hyènes. Sans réseau – et pour cause, il n’est pas du sérail –, Claude Béglé a vite succombé à la sournoiserie si bien orchestrée des attaques personnelles», critique le quotidien vaudois 24 heures.

Une analyse que l’on retrouve sous la plume du commentateur de la Tribune de Genève. «La presse dominicale alémanique peut sabrer le champagne. Sa campagne de dénigrement à l’encontre du patron de la Poste a fini par payer», écrit-il.

Les défauts de Béglé

La presse alémanique en revanche, si elle reconnaît qu’«intrigues» il y a eu, à l’image du Bund de Berne et du Tages Anzeiger de Zurich, met l’accent ailleurs et insiste sur le fait que le choix de nommer Claude Béglé à la présidence de La Poste n’était pas le bon.

A Zurich, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) rappelle les démissions successives à la tête du géant jaune et pointe ainsi du doigt une «escalade de problèmes» depuis l’arrivée de Claude Béglé.

«Avec sa manière de faire énergique, il ne s’est jamais adapté à la culture de La Poste. Avec sa communication confuse, il a créé plus d’incertitude que d’envie d’innover. Avec son double mandat et ses relations opaques, il a dépassé la mesure de ce que peut se permettre le président d’une entreprise étatique», résument le Bund et Tages Anzeiger.

Loin de nier les «fautes» de Claude Béglé – un «visionnaire incompris» titre le journal économique l’Agefi – certains éditorialistes romands les soulignent. «Ses déclarations intempestives et sa manie de vouloir se mettre en évidence alors qu’il n’avait encore rien prouvé l’ont mis d’emblée en péril», estime Le Temps. «Le Vaudois a été victime de son goût du pouvoir qui l’a conduit à négliger la culture suisse du consensus», renchérissent les journaux régionaux L’Express, L’Impartial, Le Nouvelliste et la Liberté dans un éditorial commun.

Mais, à l’instar de la Tribune de Genève, ils se demandent «A qui profite le crime?» Et d’y répondre: «En Suisse romande, les milieux politiques désignent du doigt la vieille garde de La Poste et invoquent une collusion anti-romande. Ce n’est qu’une partie de l’explication. […] Il a aussi été l’instrument d’une campagne déguisée contre Moritz Leuenberger.»

Leuenberger dans le viseur

Une campagne dont on retrouve précisément les échos dans les éditoriaux alémaniques. Taxant Claude Béglé de «prophète de la globalisation égocentrique et fougueux», le Bund et le Tages Anzeiger jugent que Moritz Leuenberger s’est laissé «éblouir» par le Vaudois.

«Béglé et La Poste étaient dès le début deux choses qui ne pouvaient pas aller ensemble», soutient la Berner Zeitung, qui critique la «volonté de tout contrôler personnellement» et le «manque de sensibilité» à la chose publique de Claude Béglé.

«Leuenberger doit se demander s’il a eu suffisamment d’éclaircissements sur les intentions de l’homme qu’il a engagé et s’il n’a pas soutenu trop longtemps son président du conseil d’administration», relève par ailleurs la Basler Zeitung. Pour elle, le ministre de tutelle doit aujourd’hui s’expliquer sur les raisons de son choix.

Quel avenir pour La Poste ?

Au-delà de leurs divergences, les commentateurs suisses se rejoignent sur un constat formulé par Le Temps: «Ce n’est pas en démissionnant Claude Béglé que l’on a réglé l’essentiel». Car la question du futur de La Poste reste posée.

«Comment va-t-on financer le service de base de la Poste alors que les gens envoient moins de lettres et se rendent moins souvent au guichet? Par une expansion risquée à l’étranger? Peu probable. Et qui décidera? On ne sait plus très bien en effet qui dirige la Poste. Le Conseil fédéral? Le parlement? Les chefs ou les gorges profondes du géant jaune?», s’interroge la Tribune de Genève, qui réclame «une clarification des rôles».

Quant au quotidien bâlois, il regarde aussi vers l’avenir. «Le nouveau président de La Poste doit être une personnalité intègre, qui doit réussir à faire le grand écart entre la politique et le business et qui doit être acceptée par les syndicats». Car, rappelle la Basler Zeitung, la priorité des priorités est désormais de «ramener le calme».

Carole Wälti, swissinfo.ch

Peter Hasler reprend avec effet immédiat la présidence du conseil d’administration de La Poste.

Le gouvernement a nommé mercredi l’ancien directeur de l’Union patronale suisse, âgé de 63 ans, en remplacement de Claude Béglé.

Le 25 juin 2008, le Conseil fédéral a nommé Claude Béglé à la présidence du conseil d’administration de La Poste suisse. Celui-ci fait savoir qu’il est favorable à une stratégie d’expansion à l’étranger.

Le 15 décembre 2008, Michel Kunz est nommé directeur de La Poste en remplacement d’Ulrich Gygi. On parle alors déjà d’une rivalité.

Tous deux prennent leurs nouvelles fonctions en avril 2009.

Claude Béglé plaide en faveur d’une licence bancaire pour La Poste, mais le gouvernement, contre l’avis de Moritz Leuenberger, refuse.

De son côté, Michel Kunz parle début décembre d’une taxe sur le courrier, pour créer de nouvelles rentrées dans le secteur des lettres. Il est désavoué par Claude Béglé et Moritz Leuenberger.

Le 14 décembre 2009, Michel Kunz tire sa révérence. Il est suivi par Rudolf Hug et Wolfgang Werlé, deux membres du conseil d’administration. Les critiques fusent du côté des syndicats et des politiciens.

Le ministre de tutelle Moritz Leuenberger soutient Claude Béglé, mais demande aussi d’examiner ces départs et d’évaluer le renouvellement du conseil d’administration.

Avant d’être nommé à la tête du conseil d’administration de La Poste suisse, Claude Béglé a effectué un long parcours professionnel international.

Après avoir travaillé au Comité international de la Coix-Rouge (CICR), chez Nestlé et chez Philip Morris, le Vaudois s’est tourné en 1997 vers le secteur de la poste et de la logistique.

Il a d’abord travaillé pour le hollandais TNT Express Worldwide, puis dès 1999 auprès de la poste française avant de passer à la poste allemande en octobre 2005.

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