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Russie: «La Suisse continue de faire de l’équilibrisme»

Les Russian Knights ne participeront pas au meeting aérien Air14 en septembre à Payerne. Keystone


La presse suisse se montre plutôt positive face à la décision de Berne de ne pas suivre les sanctions européennes contre Moscou dans le dossier ukrainien. Non sans quelques critiques.

C’est «absurde dans une certaine mesure» que Berne ne prenne toujours pas de sanctions contre la Russie, commente l’«Aargauer Zeitung». «En Suisse, beaucoup de gens jugent cette attitude obséquieuse. Cette politique se cache derrière une interprétation puriste de la neutralité (…), alors que, justement, un petit Etat ne devrait pas laisser impunies des atteintes au droit international aussi pratiquées à la chaîne par Vladimir Poutine».

Au contraire, la «Basler Zeitung» estime «crédible cette politique de neutralité qui ne se fait influencer ni par l’une ni par l’autre partie»: «le Conseil fédéral reste sur sa position et renonce au concert bruyant d’indignation feinte offert par Bruxelles ou Washington (avec) par exemple la France qui livrera tout de même du matériel de guerre à la Russie, ‘parce qu’il est déjà payé’».

En continuant de s’abstenir de suivre les sanctions financières européennes, «la Suisse reste fidèle à sa ligne, poursuit le quotidien bâlois. Ce n’est pas très favorable pour son image internationale et, face aux critiques, elle ne s’y trompe pas: le département fédérale de l’Economie a donc été chargé d’élaborer ‘rapidement’ d’autres mesures concrètes pour éviter de devenir la petite porte des contournements de l’embargo.».

Eviter une escalade

Déçus par l’attitude de la Suisse, certains dirigeants européens l’accusent en effet de ne pas suivre les sanctions pour en faire profiter sa place financière. Critiques rejetées notamment par la «Wochenzeitung», hebdomadaire de gauche qui attribue cependant des bons points au président de la Confédération, estimant que «c’est la place financière qui a joué avec la crédibilité de la Suisse».

«Didier Burkhalter a fondé sa décision sur la volonté de la Suisse, qui préside l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de garder la porte ouverte à la voie des négociations pour résoudre le conflit russo-ukrainien. Certes Vladimir Poutine est un président autoritaire et a ranimé le nationalisme agressif russe du XIXeme siècle, mais l’UE et l’OTAN ont contribué à envenimer le conflit. Les sanctions sont un bourrage de crâne qui creuse dangereusement le fossé».

Le «Tages Anzeiger» remarque qu’on pourrait taxer le gouvernement suisse d’«opportuniste» mais que sa décision d’invoquer la neutralité contre les sanctions est «raisonnable». «Utiliser la seule option dure des sanctions pourrait faire dégénérer la situation, alors que le dialogue doit aussi permettre d’enrayer une escalade de la violence. Après tout, le problème de la minorité russophone demeurera même en cas de défaite militaire des séparatistes ukrainiens.». Conclusion du quotidien zurichois: «la Suisse est plus importante dans cette voie du dialogue que comme trentième membre dans le front des sanctions.»

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Une voie «de plus en plus étriquée»

L’extension annoncée mercredi par Berne de l’interdiction d’exportation de matériel de guerre à la Russie aux «biens militaires spécifiques» qui ne sont pas des armes ou d’autres moyens de combat suscite aussi des réactions. «La Suisse continue de faire de l’équilibrisme», remarque «Le Temps». Il estime que «la voie choisie par la Suisse devient de plus en plus étriquée: plus le nombre et le genre de sanctions internationales sont élevés, plus il est difficile de contrôler qu’elles ne sont pas contournées via la Suisse».

Annulation de la visite du président de la Douma

Le président de la Chambre basse Ruedi Lustenberger a renoncé à accueillir son homologue russe Sergueï Narychkine les 23 et 24 septembre pour célébrer le bicentenaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la Russie.

L’annulation de la rencontre enlève une épine du pied du Conseil fédéral. Le président de la Douma figure en effet sur la liste noire de l’Union européenne (UE) de personnalités interdites dans les Etats membres de l’Union et en Suisse.

Sergueï Narychkine n’a pas caché sa mauvaise humeur vendredi, estimant que la neutralité suisse devrait permettre le maintien d’une position «calme et objective» et d’une «capacité d’écoute de tous les points de vue au sujet de thèmes complexes». Et d’attribuer ce geste à «des pressions extérieures» et qui «ne fait pas honneur aux parlementaires suisses».

(Sources: ATS et Ria Novosti)

Mais le quotidien roman n’exclut pas «que la Suisse s’éloigne de la voie médiane et prudente choisie et décide prochainement de reprendre une partie des sanctions internationales». Et ce pour deux raisons: «Le Conseil fédéral invoque volontiers la prudence qu’exige l’exercice simultané de la présidence de l’OSCE. Mais la présidence tournante passera en d’autres mains en 2015, il s’agit donc de s’y préparer. D’autre part, les obligations relevant de cette présidence n’ont  pas été évoquées mardi, lorsque le Département de la défense a annoncé qu’il renonçait à faire participer la patrouille des Russian Knights au meeting aérien Air14 dans deux semaines à Payerne (Vaud).»

Une «épine diplomatique»

«La Tribune de Genève/24Heures» revient sur les sanctions suivies par la Suisse à l’encontre de 87 personnalités russes jugées non grata, dont le président de la Chambre basse russe, Sergueï Narychkine. Le problème, c’est qu’il a été convié en visite officielle le 23 septembre par les Chambres fédérales pour célébrer le bicentenaire des relations diplomatiques helvético-russes. Le quotidien francophone a consulté divers parlementaires à propos de cette «épine diplomatique»: «Faut-il maintenir cette visite en vertu de la séparation des pouvoirs? Durant une rencontre mardi entre la commission sénatoriale de politique extérieure et le président Burkhalter sur l’Ukraine, ce dernier s’est bien gardé  d’émettre un avis officiel sur cette invitation.»

«Périlleuse mission du CICR»

«Le Temps» évoque enfin la «périlleuse mission du CICR» qui doit se prononcer à propos du convoi humanitaire envoyé vers l’Ukraine par la Russie qui, «une nouvelle fois, a pris tout le monde de vitesse. Ce qui, en temps normal, serait salué comme une extraordinaire capacité de réaction, suscite au contraire l’inquiétude. C’est sur ce terrain miné que le CICR est appelé à jouer les arbitres en tant qu’opérateur de l’aide humanitaire et gardien du droit».

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