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Ouverture en Suisse d’un procès historique pour crimes de guerre

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L’enfant-soldat, une des images emblématiques de la guerre civile qui a mis le Libéria à feu et à sang entre 1989 et 2003. Keystone / Nic Bothma

Jeudi s’est ouvert devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone le procès d’un ancien commandant d’un groupe armé qui a sévi durant la guerre civile au Liberia. Les juges diront ce vendredi si les débats peuvent se poursuivre sans la présence des plaignants.

Alieu Kosiah doit répondre du meurtre de 18 civils et de deux soldats désarmés, commis par lui-même ou les hommes qu’il avait sous ses ordres. Il est aussi accusé aussi d’avoir violé une femme et d’avoir profané le cadavre d’un civil en mangeant son cœur. Il aurait aussi forcé des civils à transporter des marchandises dans des conditions inhumaines. Durant ces trajets, des porteurs auraient été exécutés ou battus. Il lui est enfin reproché d’avoir utilisé un enfant soldat âgé de 12 ans.

Kosiah – 45 ans aujourd’hui – a été membre de la faction armée Ulimo entre 1993 et 1995. Entre 1989 et 1997, puis entre 1999 et 2003, le Liberia a traversé une guerre civile qui a fait plus de 300’000 victimes, civiles et militaires.

Selon l’accusation, Kosiah faisait partie de l’état-major de la milice et commandait le groupe «Zebra», actif au nord-ouest du pays, aux confins de la Guinée et de la Sierra Leone, une région où l’on trouve plusieurs gisements de diamants.

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Les preuves récoltées par le Ministère public de la Confédération (MPC) montreraient que les civils ont été maltraités par la milice et forcés à obéir. Par exemple, l’enfant soldat aurait suivi Kosiah par peur de voir sa sœur violée et son frère tué.

Le dossier du MPC mentionne également le «tabé», une forme de torture couramment pratiquée pendant ce conflit et dont le groupe «Zebra» se serait servi à plusieurs reprises. Elle consistait à attacher les poignets de la victime, puis ses coudes derrière son dos. En plus de la douleur extrême, cette torture peut provoquer une paralysie irréversible et, dans certains cas, la mort.

En prison depuis 2014

La procédure a été ouverte en août 2014, à la suite d’une plainte déposée par sept victimes. Alieu Kosiah, qui vivait alors à Berne depuis plusieurs années, a été arrêté le 10 novembre 2014 et gardé depuis en détention préventive. Il a toujours nié les accusations, arguant notamment qu’à l’époque des faits, il ne se trouvait pas dans la région où ceux-ci se sont déroulés.

«C’est un procès historique pour la Suisse et pour le Liberia», a commenté pour sa part Alain Werner, de l’ONG genevoise Civitas Maxima, qui a déposé la plainte au nom des victimes.

En outre, c’est la première fois qu’un procès de ce type se déroule devant un tribunal suisse ordinaire. Par le passé, un Rwandais avait été jugé pour génocide, mais le cas avait été traité par un tribunal militaire, qui l’avait condamné à 14 ans de réclusion pour violation des lois de la guerre.

En 2011, à la suite de changements dans la loi, la compétence pour les crimes internationaux – crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide – a été transférée de la justice militaire à la justice civile.

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Procès en deux parties

Initialement, le procès d’Alieu Kosiah aurait dû se tenir en avril. Il était prévu de faire venir en Suisse 14 personnes du Liberia, en qualité de témoins et plaignants. Mais à cause du coronavirus, les audiences ont dû être reportées.

Cette première journée a été consacrée aux questions préjudicielles sur lesquelles les juges trancheront vendredi matin. La Cour des affaires pénales devra notamment décider si les débats peuvent se poursuivre sans la présence des plaignants.

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