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«Nous devons repenser la structure du gouvernement et la façon dont il est élu»

sala del parlamento
L'Assemblea federale ha riconfermato mercoledì i sette consiglieri federali. Keystone / Peter Klaunzer

L’échec de l’élection de la candidate écologiste au Conseil fédéral pourrait être considéré comme une décision qui ignore la volonté du peuple. Elle s'inscrit pourtant parfaitement dans l'histoire du gouvernement suisse, analyse le politologue Nenad Stojanović, pour qui un changement de système est nécessaire.

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Pas de surprise au Palais fédéral: les sept membres du gouvernement suisse ont été reconfirmés mercredi par l’Assemblée fédérale. Malgré les résultats des élections fédérales d’octobre, qui ont vu une nette avancée des écologistes au détriment des partis traditionnels, l’exécutif national poursuit sur la voie de la continuité, commente Nenad StojanovićLien externe, politologue et professeur au Département de science politique et relations internationales de l’Université de Genève.

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swissinfo.ch: Comme prévu, le gouvernement suisse a été reconfirmé dans son intégralité. L’élection a-t-elle toutefois réservé des surprises?

Nenad Stojanović:  Il s’est passé ce qui était prévu à la veille de l’élection. Si l’on considère ce qui s’est produit au cours des dernières décennies, ce sont peut-être les bons résultats des conseillers fédéraux sortants qui surprennent. On pouvait s’attendre à moins de soutien, même si on ne parle pas de chiffres très importants.

Les Verts ont été les grands gagnants des élections fédérales d’octobre. Leur candidate au Conseil fédéral Regula Rytz n’a cependant pas obtenu une majorité au Parlement et les écologistes restent donc exclus du gouvernement. Incohérence?

C’est assurément un résultat qui peut être interprété comme un manque de respect pour la volonté du peuple. Il ne va toutefois pas nécessairement à l’encontre de l’histoire de la concordance et des élections au gouvernement suisse.

L’histoire nous enseigne que ce qui sort des urnes ne se traduit pas automatiquement et immédiatement dans la composition du Conseil fédéral. Pensons au cas de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice): quelques années ont passé avant que l’Assemblée fédérale n’élise un second membre de l’UDC en votant pour Christoph Blocher, qui s’est d’ailleurs imposé pour quelques voix.

Le nouveau gouvernement suisse est le moins représentatif

Le Parlement a réélu mercredi le gouvernement le moins représentatif de la force électorale des partis depuis 1959, année de l’introduction de la formule magique. Près d’un tiers des citoyens ayant voté aux dernières élections fédérales n’ont pas de ministre de leur parti au Conseil fédéral.

13,2% des électeurs qui ont voté pour le Parti vert devront encore attendre de voir le premier conseiller fédéral en environnement. C’est la première fois depuis 1959 qu’un parti avec plus de 10% des voix n’est pas présent au Conseil fédéral.

Source: ATS

Ignazio Cassis, le seul représentant italophone au gouvernement fédéral, est le conseiller fédéral qui a été réélu avec le moins de voix. Fait-il les frais de sa façon souvent critiquée de faire de la politique?

Tout d’abord, il n’est pas surprenant qu’un conseiller fédéral obtienne peu de voix lors de sa première réélection. En 1999, un an après son élection, Pascal Couchepin a obtenu encore moins de voix qu’Ignazio Cassis aujourd’hui.

Cela dit, le résultat d’Ignazio Cassis n’est pas seulement dû au fait que son siège a été attaqué par les écologistes. Le ministre tessinois paie certainement pour ses décisions politiques et sa façon de communiquer, particulièrement peu appréciées à gauche, par exemple dans le cas de Glencore.

«En Suisse, les personnes comptent aussi, pas seulement les partis»

Le gouvernement suisse conserve une majorité de droite, tandis que le Parlement s’est déplacé vers la gauche. Cela peut-il constituer un frein au fonctionnement de la politique fédérale?

Je ne crois pas, non. Nous avons en Suisse un gouvernement qui n’a pas changé et un Parlement qui s’est un peu déplacé vers la gauche, mais dans lequel la gauche n’a pas la majorité. Au contraire, vu la manière dont le Parti démocrate-chrétien (PDC) vote, je dirais qu’il s’agit d’un Parlement de centre droit. Selon le sujet, les alliances au Parlement varient. Par exemple, nous avions une coalition de centre droit sur les avions de combat et une alliance inhabituelle entre l’UDC et les socialistes sur le budget de l’armée.

En Suisse, les personnes comptent aussi, pas seulement les partis. Lorsqu’il y avait Didier Burkhalter, un peu plus à gauche que son successeur Ignazio Cassis, on disait qu’il y avait une majorité du centre ou de gauche au gouvernement sur certaines questions, alors que la Chambre basse (Conseil national) avait une majorité bourgeoise.

À la lumière des résultats des élections au Parlement et au Conseil fédéral, la formule magique, selon laquelle les trois principaux partis disposent chacun de deux sièges gouvernementaux et le quatrième d’un seul, a-t-elle toujours une raison d’être?

La formule magique, telle que nous la connaissons depuis 1959, n’existe plus depuis 2003 déjà, lorsque le PDC a perdu son deuxième siège. Avec l’élection de Guy Parmelin en 2015, qui a stabilisé le deuxième siège de l’UDC, nous avons une nouvelle formule magique. Celle-ci a aujourd’hui résisté à l’attaque des écologistes, mais il est trop tôt pour dire si elle sera maintenue à l’avenir.

L’aspect le plus important de cette élection est toutefois autre: nous avons eu la confirmation que nous devons repenser la structure du gouvernement et la manière dont il est élu. Il y a ceux qui proposent de limiter les mandats à deux législatures, pour permettre plus de dynamisme, et ceux qui proposent de porter à neuf le nombre de conseillers fédéraux. Avec seulement sept membres, il est impossible de tenir compte à la fois des résultats des élections fédérales, de la représentation linguistique, géographique et féminine dans l’exécutif national.

Formule magique
Kai Reusser / swissinfo.ch

(Traduction de l’italien: Katy Romy)

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