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Coup de frein à l’accord avec les Etats-Unis sur UBS

L'accord d'entraide administrative avec les Etats-Unis concernant UBS a du plomb dans l'aile. AFP

On savait l’accord conclu entre la Suisse et les Etats-Unis sur l’affaire UBS menacé. La preuve en est désormais faite, puisque les députés l’ont refusé mardi, grâce aux voix conjuguées de la droite conservatrice et de la gauche. Mais le dossier n’est pas clos et les prochains jours promettent un jeu politique intense.

Cet accord, qui prévoit de livrer aux autorités américaines les données de 4450 clients d’UBS soupçonnés d’avoir fraudé le fisc de leur pays, ne suscite guère l’enthousiasme dans la classe politique suisse. Aux yeux du gouvernement et des partis de centre droit, il s’agit pourtant d’une sorte de mal nécessaire.

L’accord a certes pour effet de porter un sérieux coup de canif au sacro-saint secret bancaire helvétique. Il semble toutefois la seule issue possible pour trouver une solution dans le différend qui oppose la Suisse et les Etats-Unis dans le cadre de l’affaire UBS.

Durant le très long débat – près de cinq heures – consacré à ce dossier, les représentants du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit), du Parti bourgeois démocratique (PBD / droite) et du Parti libéral-radical (PLR / droite), n’ont eu de cesse de rappeler les conséquences économiques funestes qu’entraînerait un conflit avec les Etats-Unis.

«Cet accord ne nous plaît pas, a ainsi déclaré le radical Charles Favre. C’est un accord qui nous est imposé, en fonction d’une loi vieille comme le monde, à savoir la loi du plus fort. Pourtant nous l’accepterons, parce que nous le considérons comme absolument nécessaire à la reconstruction de relations normalisées avec les Etats-Unis. Il y a là des places de travail en jeu, en nombre considérable, et nous devons prendre nos responsabilités.»

La gauche veut des garanties

On savait les partis de gauche peu enclins à sauver une nouvelle fois UBS sans contrepartie. Pour prix de son assentiment, elle réclamait deux mesures: une plus forte taxation des salaires supérieurs à un million de francs et une augmentation des fonds propres des grands établissements bancaires.

C’est probablement en partie pour «amadouer» la gauche qu’en avril dernier, le gouvernement avait annoncé des mesures pour lutter contre les rémunérations abusives dans le secteur bancaire et sa volonté de légiférer rapidement pour limiter les risques liés aux méga entreprises susceptibles de mettre l’économie nationale en danger.

Mais de toute évidence, la gauche ne s’est contentée ni de bonnes intentions, ni de belles paroles. S’adressant aux partis de droite, le président du Parti socialiste Christian Levrat s’est ainsi exclamé: «C’est comme si vous mettiez trop d’énergie dans les journaux dominicaux à condamner la banque pour avoir encore la force le lundi de faire des règles efficaces. La droite préfère la rhétorique à l’action. Elle dénonce d’autant plus volontiers le comportement des banquiers qu’elle couvre leurs pires abus la semaine!»

Pour la gauche, tant que ces points n’auront pas été résolus, les abus des banques pourront continuer et se solder par un énième plan de sauvetage de la part de l’Etat, et donc du contribuable. Du coup, ses représentants ont refusé l’accord avec les Etats-Unis, d’autant que ce dernier pose selon eux un problème moral.

«Le gouvernement nous propose un accord international visant tout simplement à dédouaner UBS des activités criminelles dont elle s’est rendue coupable aux Etats-Unis, a expliqué Christian Levrat. C’est un peu comme si l’Italie de Berlusconi implorait la clémence pour les membres de la Camorra arrêtés sur territoire américain. La Suisse ne saurait s’humilier pour protéger des criminels, fussent-ils banquiers.»

Le jeu d’équilibriste de l’UDC

Entre les positions bien tranchées du centre droit et de la gauche, il revenait donc à l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), le plus grand parti de la Chambre basse, de faire pencher la balance. Ce qu’elle a finalement fait en se ralliant au camp des opposants à l’accord.

Il faut avouer que la position de l’UDC a été quelque peu «fluctuante» au fil du dossier. Dans un premier temps, le parti s’était opposé à l’accord, notamment pour protéger le secret bancaire. Puis, constatant que le gouvernement était prêt à faire des concessions à la gauche pour obtenir son soutien, il s’était finalement déclaré prêt à se rallier à l’accord à certaines conditions.

L’une de ces conditions était de voter, avant même le débat sur l’accord avec les Etats-Unis, sur une motion acceptée par la Chambre haute visant à imposer les boni des managers. Mais une majorité de députés, jugeant que la demande de l’UDC équivalait à du chantage, ont très nettement refusé de modifier l’ordre du jour.

N’ayant pu obtenir gain de cause pour tenter de faire capoter cette motion, l’UDC a donc finalement refusé l’accord.

Realpolitik

Accepté il y a quelques jours par les sénateurs et maintenant refusé par les députés, l’accord avec les Etats-Unis va maintenant faire une nouvelle fois la navette entre les deux Chambres du Parlement.

Le débat à la Chambre basse a permis aux élus du peuple de donner de la voix à un an et demi des prochaines élections fédérales. Il n’en reste pas moins qu’une question demeure: la Suisse, déjà confrontée à des différends fiscaux avec plusieurs pays européens, peut-elle se payer le luxe d’un conflit ouvert avec les Etats-Unis?

Nul doute que les parlementaires sont bien conscients de ce rapport de force totalement défavorable à la Suisse. Dans de telles conditions, il y a fort à parier que les élus redécouvriront très prochainement les vertus de la Realpolitik. Reste à voir maintenant au travers de quelles circonvolutions… Les négociations politiques promettent d’être intenses.

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

Pendant plusieurs années, la banque UBS a utilisé une véritable «système» pour aider des contribuables américains à frauder le fisc de leur pays.

Un ancien employé d’UBS aux Etats-Unis, Bradley Birkenfeld, dénonce l’affaire aux autorités américaines.

En février 2009, les autorités fiscales américaines (IRS) déposent une plainte pour tenter d’obliger UBS à fournir à la liste de 52’000 clients. Les autorités suisses menacent UBS de poursuites, car une telle divulgation est contraire au droit suisse.

Après d’intenses négociations entre le gouvernement suisse, le gouvernement américain et UBS, un accord est signé le 18 août 2009. La banque ne livrera finalement les données «que» de 4450 de ses clients.

Selon l’accord, la transmission de ces données doit se faire dans le délai maximal d’un an, soit jusqu’au 19 août 2010.

La Chambre basse a accepté par 97 voix contre 78 de soumettre l’accord avec les Etats-Unis au référendum facultatif.

Le gouvernement et la Chambre haute s’opposent à une telle clause, estimant que cet accord est une décision unique et limitée dans le temps et non une nouvelle norme applicable à l’avenir.

Si l’accord était effectivement soumis au référendum facultatif, il pourrait empêcher la Suisse de livrer les données d’ici la date impartie du 19 août. En effet, le gouvernement devrait attendre les 100 jours mis à disposition pour la récolte des 50’000 signatures nécessaires à l’aboutissement d’un référendum pour appliquer pleinement l’accord.

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