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Genève l’internationale s’offre un ministre populiste

Enfant de l'imigration italienne, Mauro Poggia se présente comme «l'avocat des plus démunis». Keystone

Le Mouvement Citoyens genevois (MCG), parti d’opposition, a réussi dimanche à entrer au gouvernement cantonal. C’est le couronnement d’une campagne virulente contre les travailleurs frontaliers, les conditions de sécurité et de mobilité. Un «signal pour toute la Suisse», selon certains médias nationaux.

Créé en 2005, le MCG réussit à son troisième essai à accéder au gouvernement cantonal avec l’élection de l’avocat et conseiller national (député) Mauro Poggia. La grande vaincue est la gauche, qui perd un de ses trois sièges ministériels. Il y a cinq semaines, l’élection au Parlement cantonal avait déjà permis aux anti-frontaliers du MCG de rafler 20 sièges, un sur cinq.

Mauro Poggia, ancien libéral, ancien PDC, «a enfin trouvé son bonheur au MCG, parti qui s’est fait un nom avant tout avec sa campagne contre l’’invasion’ de Genève par les frontaliers français», relève la Neue Zürcher Zeitung (NZZ).

Pierre Maudet PLR) a recueilli 59’057 voix, devant François Lonchamp (PLR) avec 55’126 suffrages. Puis: Serge Dal Busco (Parti démocrate-chrétien, PDC) 49’941, Luc Barthassat (PDC) 46’301, Antonio Hodgers (Vert) 44’132, Anne Emery-Torracinta (Parti socialiste PS) 43’505 et Mauro Poggia (M MCG/UDC) 41’170.

Le taux de participation s’est élevé à 46,4%.

Non élus: Thierry Apothéloz (PS), Isabel Rochat (PLR sortante), Céline Amaudruz (Union démocratique du centre UDC), Eric Staufer (MCG).

Genève isolée du monde?

Le quotidien zurichois imagine que la France voisine a pris connaissance de la nouvelle «avec un certain malaise» mais, surtout, pointe du doigt le fait que Genève offre désormais un profil politique qui ressemble fort à un autre canton-frontière: le Tessin, dont le gouvernement compte, lui, deux ministres de la Ligue des Tessinois.

«Si précisément la Genève internationale choisit cette voie, commente la NZZ, cela ne manquera pas de lui attirer une attention particulière. Il ne devrait en effet pas être simple d’expliquer aux observateurs étrangers que cette élection démocratique ne représente pas un signe d’isolement de Genève à l’égard du monde extérieur.»

La plupart des commentateurs reconnaissent certes que Mauro Poggia, avocat des petites gens, adopte un style plutôt modéré par rapport au tribun bruyant du MCG Eric Stauffer (arrivé bon dernier dans l’élection de dimanche). Mais la NZZ avertit que «certains camarades ne considèrent Poggia que comme un ‘demi-ministre MCG’ et continuent malgré tout sur leur lancée de parti d’opposition».

Un «signe pour toute la Suisse»

Pour Le Temps, «même si c’est le membre le plus poli du MCG qui est élu ministre, difficile d’oublier que ce parti a fait sa place par ses critiques, non constructives le plus souvent, en dénonçant les ‘institutions pourries’». Et de relever que, «face aux frustrés de la croissance, aux laissés-pour compte de la libre circulation, l’alliance rose-verte n’a plus le même pouvoir de conviction».

Mais surtout, commente le quotidien lémanique, la victoire du MCG «doit sonner comme une alerte dans toute la Suisse». Elle consacre en effet «les progrès d’un nationalisme spécifique au moment même où des votations fédérales sensibles se profilent sur l’extention de la libre circulation à la Croatie, contre l’immigration massive et pour limiter la croissance démographique».

Le tout dans une région qui est «le deuxième pôle économique du pays, le plus dépendant de l’ouverture des frontières», conclut Le Temps.

C’est aussi l’opinion du Corriere del Ticino, qui fait le parallèle entre le MCG et la Ligue des Tessinois. «Pendant des années, nous avons entendu répéter, à Berne ou à Zurich, que l’arrivée au pouvoir au Tessin de la droite populiste était une exception, que tout allait pour le mieux dans notre pays et que la mauvaise humeur du canton frontière avec l’Italie n’était que faux prétextes.»

Cette fois, avec le cas de Genève, il faudra bien que la Berne fédérale comprenne le message, estime le quotidien italophone. «Un message très simple: les cantons-frontaliers sont en train de payer le prix très élevé de l’ouverture des frontières, qui crée un déséquilibre contraire à la solidarité confédérale.»

Le drame d’Adeline en toile de fond

«Un coup de sac historique frappe le gouvernement dans un climat sismique», lance la Tribune de Genève. «Des bleus, des bleus! Cela pourrait devenir l’interjection favorite des Genevois: de l’Exécutif sortant, seuls deux membres rempilent: les libéraux-radicaux (PLR) François Longchamp et Pierre Maudet. Les cinq autres élus n’ont aucune expérience du gouvernement», remarque le quotidien de la cité de Calvin.

Et de poursuivre: «Dans un climat sismique, le peuple a désavoué Isabel Rochat en saquant l’une de ses composantes traditionnelles, l’aile libérale du PLR.»

Pénalisée par les dossiers relatifs à la sécurité jusqu’à la reprise de son département par son collègue de parti Pierre Maudet, Isabel Rochat a souffert d’un déficit de communication durant tout son mandat.

Son mauvais résultat pourrait s’expliquer surtout, pour la Neue Luzerner Zeitung, par le meurtre de la jeune socio-thérapeute Adeline M.: «Alors que Pierre Maudet prenait les choses en mains en durcissant les conditions de détention, le bruit s’est répandu au cours des semaines précédant le deuxième tour de scrutin qu’Isabel Rochat n’avait pas réagi à un rapport d’enquête interne critique, quand elle était encore cheffe du Département de la justice.»

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