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Elections en Russie: triomphe terni pour Poutine

Dimanche, le taux de participation a atteint 60,2%, en baisse de 3% depuis 2007 et de 5% depuis 2003. Keystone

Le parti Russie unie a sauvé sa majorité absolue à la chambre basse du Parlement. A l’issue du scrutin controversé de dimanche, le parti de Vladimir Poutine paie le mécontentement de la population. Il perd 15 points, au profit notamment des communistes. Avis de deux experts suisses.

«Le résultat de dimanche est très douloureux pour le parti Russie unie, qui ne s’attendait pas du tout à ce résultat, relève Peter Gysling, correspondant suisse à Moscou. En 2007, il avait raflé les deux tiers des voix et, cette fois-ci, ce n’est même pas la moitié.»

En vertu d’un système complexe de répartition des sièges lié au mode de scrutin, Russie unie a obtenu dimanche 238 mandats sur 450 (49,5%) , soit 12 sièges de plus que la majorité absolue. Le parti pourra poursuivre son règne sans partage et former le gouvernement sans devoir nouer d’alliances, certes. Mais dans plusieurs régions, notamment aux extrémités du territoire russe, il a parfois à peine dépassé 30% des voix.

Lassitude de la population

Ce score est donc peu reluisant pour le mouvement dirigé par Vladimir Poutine et dont la liste aux législatives était présidée par le chef de l’Etat russe, Dimitri Medvedev. Cette perte de 15 points, ajoutée à la baisse du taux de participation à de 3% à 60,2% depuis 2007 (-5% depuis 2003) traduit une certaine lassitude de l’électorat, selon Peter Gysling.

«L’insatisfaction s’aggrave au sein de la population, qui est confrontées à de graves problèmes dans les domaines de la santé, des retraites, de la formation, des études ainsi que des infrastructures. Et puis les gens en ont assez du clientélisme du parti de Poutine qui contrôle les rouages de l’Etat», a analysé le journaliste sur les ondes de la radio suisse alémanique.

Avis partagé par Eric Hoesli, spécialiste de la Russie: «Le scrutin montre que, cette fois, ce n’est plus seulement la question des oligarques qui fâche la population, mais l’administration, où la corruption ne fait que croître.»

Ironie du sort, ajoute le journaliste à swissinfo.ch, «c’est le parti communiste qui en profite, alors que Russie unie s’est donné beaucoup de mal depuis douze ans pour le faire disparaître». Vingt ans après la chute de l’Union soviétique, le PC reste en effet la principale force d’opposition. Avec 19,1% des suffrages, il obtient 92 sièges contre 57 précédemment.

Autre gagnant, Russie Juste, parti créé par le pouvoir pour recueillir les voix du centre-gauche, remporte 64 sièges (38 en 2007). «Russie juste s’est beaucoup distancé du pouvoir durant la campagne électorale et le résultat du scrutin montre qu’il a gagné en popularité», analyse Eric Hoesli.

Fraudes et opposition malmenée

Par ailleurs, les observateurs relèvent que Russie unie a bénéficié d’un appareil administratif au service du régime de M. Poutine, organisant des fraudes et des pressions contre les ONG et médias indépendants.

Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont annoncé lundi de «fréquentes violations» lors du décompte des voix et notamment du «bourrage des urnes».

Par ailleurs, des cyber-attaques ont paralysé les sites de Golos, ONG financée par des fonds occidentaux. Sa présidente a notamment été retenue samedi pendant 12 heures à l’aéroport de Moscou et s’est vu confisquer son ordinateur. Des médias indépendants comme le journal Kommersant ou la radio Echo de Moscou, ont également été bloqués.

«Le weekend a offert un petit avant-goût de ce qui attend les milieux opposants d’ici l’élection présidentielle de mars 2012, qui vont au-devant de jours difficile», a noté Peter Gysling.

Eric Hoesli, lui, estime que les ONG ne bénéficient que d’un soutien très minoritaire au sein de la population, qui les considère comme trop pro-occidentales.

«L’opposition est plutôt dans la réaction au sein de l’élite intellectuelle et la bourgeoisie naissante des grandes villes sur la manière du pouvoir d’organiser le switch entre Poutine et Medvedev à la tête de l’exécutif et du législatif. Le tandem a fait un mauvais calcul, car les gens ont été fâchés par cette démonstration de cynisme et de suffisance», explique le journaliste, actuel directeur éditorial des publications d’Edipresse.

Nervosité du pouvoir

«Poutine a imaginé que sa propre entrée en campagne pour la présidence allait soutenir son parti aux législatives, mais les résultats montrent que cela n’a pas eu d’effet majeur et même que certaines personnes contestent sa légitimité. Russie unie a fait de mauvais score dans diverses élections régionales et le régime peut craindre que sa baisse régulière de popularité ne lui donne du fil à retordre dans les prochaines années. Ce qui explique aussi sa grande nervosité dans les derniers jours de la campagne.»

Enfin, Eric Hoesli estime que c’est Dmitri Medvedev qui devrait payer le prix fort: «Il était chef de la campagne électorale des législatives, campagne qui échoue. Cela ne va donc pas faciliter sa position, déjà affaiblie par son passage préprogrammé de président à Premier ministre qui fâche de plus en plus de gens.»

Hégémonique à la Douma depuis sa création en 2003, ce mouvement est présidé par Vladimir Poutine, bien qu’il n’en a jamais été membre. Obtient 238 sièges (315 en 2007) sur 450 à la Douma, soit près de 50% des suffrages.

Mais il a essuyé de sérieux revers dans plusieurs régions:

 46% à Moscou, 33% à Saint-Pétersbourg, 33,4% à Vladivostok (Extrême-Orient), 37% dans l’enclave occidentale de Kaliningrad, 32% à Arkhangelsk, (Grand Nord), et 29%, le pire résultat, à Iaroslavl (300 km au nord de Moscou).

Russie unie a même été dépassée par le Parti communiste en Sibérie centrale (Tomsk, Novossibirsk et Irkoutsk).

Dans le Caucase, la république du Daguestan a de son côté donné 91% au parti et la Tchétchénie voisine 99,5%.

Le retour de Vladimir Poutine à la présidence ne fait guère de doute et il devrait être élu pour un 3e mandat en mars 2012, après ceux accomplis entre 2000 et 2008. Il avait alors cédé la place à Dimitri Medvedev faute de pouvoir enchaîner plus de deux mandats consécutifs.

Parti communiste de la fédération de Russie: successeur du Parti communiste de l’URSS, il est dirigé depuis 1993 par Guennadi Ziouganov. Après une érosion dans les années 2000, son score est remonté dimanche à 92 députés (57 précédemment).

Russie Juste: fondé en 2006, ce parti était vu comme un mouvement orchestré par le Kremlin pour recueillir les voix du centre-gauche. Son chef, Sergueï Mironov, s’était présenté en 2004 à la présidentielle, tout en soutenant la candidature de Vladimir Poutine. Remporte 64 sièges (38 en 2007).

Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR): mouvement nationaliste dirigé par Vladimir Jirinovski qui suit généralement les politiques de Vladimir Poutine. Obtient 56 députés (40 en 2007).

(Source: AFP)

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