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Elections législatives: Un dimanche triomphal pour les écologistes suisses

La présidente des Verts, Regula Rytz (à droite), se réjouit du résultat des élections fédérales de dimanche. Keystone / Peter Schneider

Plus féminin, plus jeune, plus à gauche (même si la droite conserve une majorité) et surtout plus vert, beaucoup plus vert que prévu: le Parlement suisse a connu ce dimanche son plus grand bouleversement depuis l’introduction de la proportionnelle en 1919. Parallèlement, les quatre partis gouvernementaux perdent des plumes, surtout l’UDC.

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  • Les chiffres définitifs confirment le bond historique des Verts au Conseil national. C’est aujourd’hui la quatrième force politique à la Chambre du peuple. Leur députation passe de 11 à 28 sièges (+17).
  • L’autre formation gagnante de ces élections fédérales de dimanche est celle des Vert’libéraux (centre). C’est la sixième force politique au National, avec 16 sièges (+9).
  • L’autre seul parti qui progresse, bien que très légèrement, est le petit Parti évangélique (centre). Il obtient 3 sièges (+1).

Défaite de l’establishment

  • Si elle reste largement le premier parti du Conseil national, l’UDC (droite conservatrice) voit son groupe passer de 65 à 53 sièges (-12).
  • Le Parti socialiste conserve sa deuxième position, avec 39 sièges (-4).
  • La troisième place revient toujours au PLR (droite libérale) avec 29 sièges (-4).
  • Le Parti démocrate-chrétien cède lui définitivement sa quatrième place aux Verts à la Chambre du peuple, avec 25 sièges (-3).
  • Le Parti bourgeois démocratique (PBD) est en septième position. Il n’occupera désormais plus que 3 sièges (-4).
  • À gauche de la gauche, le Parti du Travail maintient son unique siège et Ensemble à gauche en gagne un.
  • À droite de la droite, le Mouvement citoyen genevois (MCG) perd son siège, tandis que la Lega au Tessin perd un de ses deux sièges et l’UDF (droite conservatrice chrétienne) en gagne un.
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Une sensation verte à Glaris

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La journée de dimanche avait débuté par un résultat annonciateur de cette poussée écologiste: en remportant un siège au Conseil des Etats (Chambre haute) à Glaris au détriment de l’UDC, les Verts avaient créé une petite sensation. C’est la première fois qu’un Vert est élu à la Chambre haute du Parlement à Glaris, et seulement la troisième fois de l’histoire en Suisse après le Vaudois Luc Recordon et le Genevois Robert Cramer. 

A Neuchâtel, les Verts ont également créé une énorme surprise en décrochant un des deux sièges au Conseil des Etats. Céline Vara occupera le fauteuil qui était jusqu’alors aux mains du Parti socialiste et siégera à Berne en compagnie du libéral-radical Philippe Bauer. Dans les cantons de Vaud, Genève et Berne, les Verts peuvent également espérer placer un des leurs au Conseil des Etats à l’occasion du deuxième tour qui aura lieu au mois de novembre. 

Au Conseil national, Verts et Verts libéraux réalisent une progression spectaculaire dans plusieurs cantons. A Zurich, par exemple, ils s’adjugent chacun trois sièges supplémentaires. La vague verte atteint également des cantons jusque-là plutôt réfractaires à la cause écologiste. C’est le cas notamment en Valais, à Fribourg et au Tessin, qui envoient pour la première fois un député vert à Berne. Pour la petite histoire, la nouvelle députée tessinoise se nomme… Greta Gysin.  

Un équilibre tout helvétique

Malgré la progression des Verts et des Verts libéraux, il est toutefois peu probable que l’équilibre global des forces soit profondément modifié. Le Parlement suisse est traditionnellement dominé par les quatre grands partis du spectre politique. Le PDC et le PLR détiennent une majorité claire au Conseil des États. Dans le système parlementaire suisse, les deux Chambres jouissent de pouvoirs égaux.

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L’élection du gouvernement se fera le 11 décembre, lors de la première session du Parlement qui est sorti des urnes ce dimanche. Dans l’écrasante majorité des cas, les parlementaires se contentent de confirmer les ministres à leur poste pour une nouvelle législature de quatre ans.

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Reste que la poussée verte de ce dimanche, plus importante que prévue par les sondages, donne des ailes au Parti écologiste. Sa présidente, Regula Rytz, estime que le gouvernement, dans sa composition actuelle, ne correspond plus aux majorités actuelles et n’exclut pas d’attaquer un siège du PLR. C’est le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, le plus contesté à gauche, qui devrait subir les attaques les plus virulentes le 11 décembre. 

Taux de participation à la peine

La campagne électorale a cette fois été relativement discrète, même selon des critères suisses. Cela s’explique notamment par le fait que l’UDC n’a pas réussi à attiser les passions, comme lors des élections précédentes, en monopolisant le débat avec son programme anti-immigration et anti-européen.

Une campagne plutôt terne qui se reflète dans le taux de participation: il se monte à 45,1%, contre 48,5% il y a quatre ans.  

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C’est plutôt la question du changement climatique qui a donné le ton de la campagne tout au long de l’année. Les nombreuses manifestations de rue à travers le pays ont sans aucun doute politisé la jeune génération des zones urbaines.

Un Parlement plus féminin 

Une autre manifestation de masse, la Grève nationale des femmes du 14 juin, a eu une influence sur les élections 2019. Une des revendications était l’augmentation de la représentation des femmes dans les institutions politiques du pays. 

Objectif atteint, puisque 84 femmes ont été élues à la Chambre basse du Parlement. Les élues y occupent donc 42% des sièges, soit 20 mandats de plus qu’en 2015. Ce bon est inédit depuis l’arrivée des premières élues sous la Coupole en 1971.

Les femmes devraient également être plus nombreuses à siéger à la Chambre haute du Parlement lors de la prochaine législature. Cinq d’entre elles ont été élues dès le premier tour de l’élection au Conseil des Etats, alors qu’elles n’étaient que six sur 46 à y être représentées jusqu’à présent. 

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Les Suisses de l’étranger encore plus écolos

La Cinquième Suisse a eu moins de succès qu’il y a quatre ans; elle n’a réussi à faire élire aucun de ses 73 candidats. En 2015, l’ancien ambassadeur Tim Guldimann, résidant à Berlin, était devenu le premier Suisse de l’étranger à siéger à Berne. Le député socialiste avait toutefois mis fin à son mandat en février 2018. «Il est difficile de vivre quelque part et de faire de la politique ailleurs», avait-il expliqué dans un communiquéLien externe.

Cette année, Christina Bürgi Dellsperger, une autre diplomate, semblait avoir les meilleures chances. La socialiste établie à Paris avait annoncé au quotidien NZZ qu’en cas d’élection, elle déménagerait à Zoug.

Contrairement aux élections de 2015, aucun Suisse de l’étranger n’a pu recourir au vote électronique, la Confédération ayant suspendu les essais en cours, pour des motifs de sécurité. L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) a ainsi constaté une baisse de la participation au scrutin chez les électeurs de la diaspora, notamment dans les cantons qui proposaient auparavant un système de e-voting. Dans le canton de Genève, la participation a par exemple diminué de 32 à 21%.

Les résultats montrent aussi que les Suisses de l’étranger ont voté encore davantage pour les Verts que les citoyens de l’intérieur et encore moins en faveur de l’UDC, comme le montre le graphique ci-dessous.

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“Historique”: le mot est souvent galvaudé. Pourtant, cette élection 2019 l’est à plus d’un titre, comme le relève notre chroniqueur, le politologue Claude Longchamp.

  • Jamais un parti n’avait gagné 17 sièges supplémentaires en une seule élection, comme les Verts viennent de le faire. Le record jusqu’ici était de 15 sièges, gagnés par l’UDC en 1999.
  • Jamais un parti n’avait perdu 12 sièges d’un seul coup, comme vient de la faire l’UDC. C’est la défaite la plus cinglante de l’histoire des élections en Suisse.
  • On n’avait jamais vu 58 sièges changer de parti en un jour, comme cela a été le cas dimanche. En 2015 par exemple, il n’y en avait eu que 30. Après les manifestations pour le climat et la Grève des femmes, le paysage politique suisse est devenu plus changeant que jamais.
  • Les 84 femmes élues au Conseil national représentent également une première historique. La Chambre du peuple est désormais féminine à 42%, ce qui place la Suisse au 12e rang mondial. En Europe, elle se hisse à la 2e place ex-aequo avec la Finlande, derrière la Suède.  
  • Le paysage politique se voit renouvelé. Le PS et le PDC sont plus faibles qu’ils ne l’ont jamais été auparavant. Et le PLR n’est que un pour mille au-dessus de son plus bas niveau historique de 2011.
  • A l’inverse, les Verts et les Verts libéraux, avec leurs respectivement 28 et 16 sièges, n’avaient jamais été aussi forts. Ensemble, les deux partis écologistes ont convaincu 21% des électrices et électeurs. Pour comparaison, aux dernières élections européennes de 2019, les Verts allemands avaient réalisé un score de 20,5%.

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