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Entre la Suisse et l’Allemagne, une polémique sans limites

Une caricature parue le 20 mars dernier dans le journal «Berliner Zeitung».

Les relations entre la Suisse et l'Allemagne se sont rafraîchies dans le contexte des questions fiscales. La rhétorique du ministre des finances Peer Steinbrück a brusqué les Helvètes, qui rétorquent. Le point de vue d'une Suissesse de Berlin.

Les Suisses, surtout alémaniques, en tremblent encore d’indignation: selon Peer Steinbrück, les Confédérés sont comme des Indiens qui ont peur lorsque la cavalerie arrive. Ils les avaient déjà menacés de devoir utiliser le fouet.

Le socialiste allemand est devenu l’ennemi public numéro 1. Des comparaisons avec les nazis sont proférées en Suisse. Pas évident pour les quelque 225’000 Allemands établis dans le pays.

De leur côté, comment les Suisses d’Allemagne vivent-ils la polémique? Les réponses de Paola Carega, correspondante de swissinfo à Berlin.

swissinfo: Les affaires de fraude fiscale et de secret bancaire ont-elles entaché l’image de la Suisse en Allemagne? En tant que Suissesse, êtes-vous touchée dans vos contacts avec les Allemands?

Paola Carega: Heureusement non. La Suisse jouit encore et toujours d’un fort taux de sympathie en Allemagne, cela ne change pas si vite. Entre journalistes, on sent même une certaine compréhension pour la difficulté de la Suisse à affaiblir le secret bancaire.

Mais les hésitations et la lenteur de la Suisse suscitent peu de compréhension. Cela nuit à la bonne réputation du pays. J’ai déjà été abordée sur cette question. Mais je n’ai pas eu à me justifier d’être Suissesse.

swissinfo: De très nombreux Suisses sont indignés par les déclarations de Peer Steinbrück. Est-ce que cette indignation est connue, en Allemagne?

P.C.: Cela ne passe pas inaperçu en tout cas. Vendredi, j’ai vu une caricature dans au moins trois quotidiens, montrant le ministre et les Suisses avec l’allusion aux Indiens. L’ironie est perçue, mais sans inquiétude. Les Allemands ne se sont pas non plus formalisés des comparaisons du démocrate-chrétien st-gallois Thomas Müller, qui a évoqué les nazis. Je n’en ai vu aucun écho nulle part.

swissinfo: Excepté les médias, les Allemands s’intéressent-ils à la polémique?

P.C.: Je répondrai plutôt par la négative. Ou alors les gens en sont étonnés. Peer Steinbrück est un des politiciens les plus populaires d’Allemagne, ce qui explique que ses affirmations à l’égard des Suisses n’aient pas fait l’objet de grandes discussions. L’opposition en profite en revanche pour l’attaquer, puisque les élections ont lieu en automne prochain.

swissinfo: Peer Steinbrück lui-même ne profite-t-il pas de la Suisse pour sa campagne électorale? Ou la lutte contre la fraude fiscale est-elle vraiment très importante?

P.C.: Je pense que c’est un combat important pour lui, et cela depuis des années. Il sait que le moment est opportun, puisque le sommet du G-20 a lieu le 2 avril. Il chauffe les esprits. Qu’il augmente maintenant la pression et s’exprime comme il le fait n’est certainement pas une tactique électorale.

swissinfo: Le ministre a quand même reçu quelques volées de bois de vert de la part de certains collègues politiciens. S’en prennent-ils à son style cowboy ou au contenu?

P.C.: Ils critiquent surtout le style. Les membres du parti FDP par exemple sont d’accord avec lui. Même si leur président Wersterwelle a critiqué Peer Steinbrück, le parti estime aussi que la Suisse devrait assouplir le secret bancaire et collaborer avec les autorités allemandes.

swissinfo: Environ 225’000 Allemands vivent en Suisse. Selon les dernières statistiques, environ 3000 d’entre eux viennent s’installer chaque mois. Peer Steinbrück ne leur nuit-il pas?


P.C.: J’espère que ce ne sera pas le cas. Les Suisses doivent être capables de faire la différence entre les mots marqués d’un politicien et leur contenu.

J’ai lu le témoignage d’une scientifique allemande vivant en Suisse, qui affirme ne remarquer aucun changement récent. Elle rappelle que les relations entre Alémaniques et Allemands sont difficiles en général. Le vieux ressentiment est toujours là.

swissinfo: Vous diriez donc que les Allemands prennent les choses plus à la légère que les Suisses?

P.C.: Absolument. On le constate partout, dans les médias et les conversations. Les Allemands jettent plutôt un regard amusé sur les Suisses et leur petit pays. Pour les Allemands, en ce moment, Opel, entre autres, est un sujet bien plus important…

Interview swissinfo: Jean-Michel Berthoud
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)

Répit. Après les garanties fournies par l’Autriche et le Luxembourg, plus aucun pays de l’UE ne doit craindre d’être placé sur une liste noire, a assuré le chef du gouvernement tchèque Mirek Topolanek, dont le pays assure la présidence de l’UE, lors du sommet de Bruxelles.

Tous. Peer Steinbrück, ministre allemand des finances, a cependant précisé que son pays ne se contenterait pas d’échanges d’informations dans des cas de fraude fiscale, mais qu’il exigeait la pareille dans les cas de soustraction fiscale.

Se voir. nistre allemand se disait prêt à rencontrer son homologue suisse, le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz. Celui-ci a précisé dans la presse dominicale qu’aucune rencontre n’était prévue.

A fin août 2008, 1,6 million d’étrangers vivaient en Suisse, soit 21% de la population.

Environ 225’000 résidents (14% des étrangers) sont Allemands. Les Allemands qui ont fait de la Suisse leur pays d’émigration favori ces dernières années.

Les émigrés allemands sont souvent des travailleurs hautement qualifiés.

La Suisse est le neuvième partenaire commercial de l’Allemagne et son sixième investisseur direct, tandis que l’Allemagne est le plus important partenaire commercial de la Suisse.

Quelque 75’500 Suisses vivent en Allemagne.

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