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Fiscalité: le difficile dialogue entre Berne et Bruxelles

En octobre, José Manuel Barroso avait demandé des résultats à la la présidente Micheline Calmy-Rey. Keystone

Les tractations entre la Suisse et l'Union européenne (UE) à propos du différend fiscal s'ouvrent lundi à Berne. Les attentes des deux parties sont diamétralement opposées.

Bruxelles veut savoir quand Berne va éliminer les régimes fiscaux de certains cantons mais la Suisse considère qu’il s’agit d’un simple échange de vues.

La Commission européenne a fait une concession à la Suisse sur un point au cours des derniers mois. Bruxelles a renoncé à exiger des «négociations» sur les privilèges fiscaux accordés par certains cantons sur les gains de sociétés étrangères.

Ce que les partenaires européens de la Confédération considèrent comme une atteinte à l’accord de libre-échange signé en 1972 entre la Suisse et l’UE.

Un dialogue, pas une négociation

En conséquence, c’est un «dialogue» qui débute lundi. Pour le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz, la différence est de taille. Lorsque l’on négocie, c’est que l’on veut, à la fin, «parvenir à une décision», a-t-il expliqué la semaine dernière.

«Une négociation signifierait que l’UE nous fixe un objectif et une échéance. Cela n’entre pas en ligne de compte», a précisé M. Merz.

De son côté, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a clairement signalé qu’il attendait que ces discussions débouchent sur des résultats. «Il y en aura sans doute», avait-il promis début octobre, lors de la visite à Bruxelles de la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey.

Dans la perspective de cette rencontre entre experts suisses et européens, Hans-Rudolf Merz a présenté mercredi une étude censée répond aux reproches de Bruxelles en matière fiscale.

A la demande du Parlement, cette étude fait le point sur la situation des aides au sein de l’UE. Elle estime le volume total des subventions et exonérations fiscales à environ 75 à 80 milliards de francs par an.

Réserve requise

A Bruxelles, on ne se montre guère impressionné. On dit en coulisse qu’on ne parle pas avec la Suisse d’aides en général, mais bien du régime fiscal de trois cantons. Si Berne découvre des régimes analogues dans les Etats de l’UE, merci de les signaler afin que la Commission de l’UE puisse y mettre fin.

Ironie mise à part, on laisse entendre à Bruxelles que Berne devrait se garder de noircir des Etats-membres de l’UE si elle ne veut pas fâcher ses derniers amis potentiels.

Concrètement, l’UE continue de demander que les cantons en question appliquent les mêmes tarifs fiscaux aux entreprises étrangères qu’aux entreprises nationales. Soit les holdings, les sociétés mixtes et les sociétés de gestion.

Questions ouvertes

Alexander Karrer, responsable du dossier au ministère des Finances, a récemment rectifié le tir. «Contrairement à l’opinion de la Commission européenne, les holdings étrangères et suisses sont soumises au même régime fiscal.» Si ce point pouvait être établi lundi, le chef de la délégation suisse estime qu’un obstacle important serait surmonté.

De toutes façon, Hans-Rudolf Merz avait annoncé en avril qu’il entendait procéder à des réformes fiscales dans le but «de défendre la compétitivité de la Suisse».

Une telle réforme pourrait bien sûr aussi satisfaire l’UE. Mais elle aurait d’abord d’importantes conséquences sur les finances des cantons comme sur la péréquation financière entre cantons.

Elle ne peut donc être réalisée du jour au lendemain. En outre, il faut attendre la votation fédérale sur la réforme de l’imposition des entreprises qui aura lieu le 24 février prochain.

swissinfo, Simon Thönen, Bruxelles
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

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Septembre 2005: la Commission de l’UE proteste auprès de Berne à propos des pratiques fiscales des cantons de Zoug et Schwyz.

Juillet 2006: le président de la Commission José Manuel Barroso durcit le ton.

Novembre 2006: après l’approbation par les Suisses du milliard de cohésion pour les nouveaux membres de l’UE, le directeur général des relations extérieures de l’UE menace de faire envoyer à tous les membres de l’Union un document exigeant que la Suisse applique les règles de l’UE.

Fin avril 2007: le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz propose une réforme fiscale diminuant l’impôts sur les bénéfices.

14 mai: les ministres des Affaires étrangères de l’UE accordent un mandat de négociation à la Commission.

16 mai: Berne se dit prête à dialoguer, mais pas à négocier.

12 novembre: passée l’échéance des élections fédérales, ce dialogue s’ouvre à Berne.

Plus de 13’000 holdings ont leur siège en Suisse.

Les cantons les plus prisés sont Zoug (6000), le Tessin (2200), Fribourg (2000), Glaris (1000), Genève (675) et Zurich (550)

D’autres pays européens comme l’Espagne, le Luxembourg et la Grande-Bretagne, offrent des privilèges fiscaux à des sociétés «boîtes aux lettres».

Chaque année, les impôts des holdings rapportent 3 milliards de francs (Confédération et cantons compris).

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