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Les pourparlers de paix sur la Syrie en 7 questions

Au total, le conflit affecte aujourd'hui 8,4 millions d'enfants syriens, soit plus de 80% d'entre eux, qu'ils soient en Syrie ou exilés, selon l'Unicef. Keystone

Ajournées en février, des négociations indirectes entre le régime syrien et son opposition sous l’égide de l’ONU ont repris ce lundi à Genève. Ces pourparlers visent à mettre fin à une guerre qui entre dans sa sixième année. Petit guide sur les tenants et aboutissants de ces pourparlers intra-syriens, baptisés Genève 3.

Qui est à Genève pour les négociations?

Les représentants du gouvernement syrien et la délégation du Haut comité des négociations (HCN), rassemblant les groupes clés de l’opposition. L’envoyé spécial de l’ONULien externe en Syrie Staffan de Mistura est l’intermédiaire de ces pourparlers indirects (sur Twitter #SyriaTalks; #Syrie).

La Russie avait demandé que les Kurdes syriens y prennent part. Staffan de Mistura a déclaré au quotidien Le Temps qu’il fallait leur donner une chance d’exprimer leur point de vue, même s’ils ne participent pas.

De quoi parlent-ils?

Staffan de Mistura l’a souligné lundi. Un ordre du jour a été établi, sur la base de la résolution 2254Lien externe du Conseil de sécurité de l’ONU. Sur cette base, le médiateur de l’ONU compte mettre l’accent sur la formation d’un nouveau gouvernement de transition, son mode de gouvernance, la rédaction d’une nouvelle constitution et la tenue dans les 18 mois d’élections présidentielles et législatives supervisées par l’ONU. Une des idées que les grandes puissances proches des pourparlers envisageraient sérieusement est celle d’une possible division fédérale de la Syrie.

Des groupes de travail distincts se pencheront sur la cessation effective des hostilités instaurée le 27 février dernier et les difficultés de l’acheminement de l’aide humanitaire.

Quel est le calendrier?

Les discussions sur la Syrie doivent se tenir en trois sessions. La première, qui a débuté lundi, est prévue jusqu’au 24 mars avant une pause d’une semaine à dix jours. La seconde partie est prévue sur deux semaines, avant une nouvelle interruption et la tenue d’une troisième session.

Mistura mercredi à Berne

Staffan de Mistura veut remercier la Suisse pour “sa remarquable contribution” en facilitant l’organisation à Genève des pourparlers indirects sur la Syrie. L’émissaire de l’ONU a dit lundi qu’il rencontrerait mercredi le Conseil fédéral et des parlementaires à Berne.

M. de Mistura doit également participer également à une table ronde vendredi à Winterthour (ZH), lors de la Journée annuelle de l’aide humanitaire.

ATS

L’ engagement de la Suisse auprès des victimes de la crise syrienneLien externe (DFAE)

Ces pourparlers sont indirects, chaque partie étant réunie dans des lieux séparés avec le médiateur de l’ONU faisant la navette entre elles.

Quelles sont les enjeux?

«Nous sommes à un moment de vérité, a déclaré lundi Staffan de Mistura. La mère de toutes les questions est la transition politique.» Une allusion au point de désaccord majeur entre le régime de Damas et l’opposition qui exige le départ du président Bachar al-Assad avant la mise en place d’un «organe de transition».

Toutes les parties acceptent le principe d’une transition politique. Mais à la veille de la reprise de ces pourparlers, les deux parties se sont fortement opposées sur l’avenir du président Assad. L’opposition syrienne, représentée par le Haut comité des négociations (HCN) qui regroupe une myriade de groupes différents, exige que le départ du président soit réglé dans les 6 mois qui viennent, avec la mise en place d’un «organe de transition» doté de tous les pouvoirs. Des élections législatives et présidentielle doivent ensuite être organisées dans les 12 mois suivants, mais en excluant les représentants du régime actuel, selon le HCN.

Pour Damas, dont les positions militaires sur le terrain ont été considérablement renforcées grâce à l’intervention de l’aviation russe, il est hors de question de parler du sort du président Assad.

Les Occidentaux et les pays du Golfe estiment que Bachar al-Assad doit rester jusqu’à la fin d’une période de transition. Les partisans du régime, la Russie et l’Iran, affirme que les Syriens eux-mêmes doivent voter s’ils veulent reconduire ou non Bachar al-Assad à son poste de président.

Ce qui a poussé Staffan de Mistura à lancer un avertissement: «Si durant ces discussions et les prochaines séries nous ne voyons aucune volonté de négocier, nous renverrons la question à ceux qui ont de l’influence, c’est-à-dire la Fédération de Russie, les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l’ONU.»

Quelle est la genèse de Genève 3?

Ces pourparlers ont été suspendus le 3 février 2016, après deux jours de discussions. En cause, l’offensive des forces gouvernementales appuyées par des frappes aériennes russes sur les zones contrôlées par l’opposition autour de la ville d’Alep.

Staffan de Mistura avait appelé à une «pause» en demandant l’intervention du Groupe international d’appui pour la Syrie (GIAS) soit 18 pays et organisations (Allemagne, Arabie saoudite, Chine, Égypte, Émirats arabes unis, États-Unis, France, Iran, Irak, Italie, Jordanie, Ligue arabe, Liban, Nations unies, Oman, Qatar, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne). Sous cette appellation, le GIAS s’est réuni à VienneLien externe le 14 novembre 2015 pour débattre des moyens d’accélérer les efforts visant à mettre un terme au conflit syrien.

Quelles chances pour Genève 3, après les échecs de Genève 1 et 2?

Genève 1 n’a duré qu’un seul jour (30 juin 2012). Ces pourparlers ont été initiés par l’ONU et l’envoyé spécial de la Ligue arabe Kofi Annan, assistés par le secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, un représentant de la Chine et le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague.

Ces négociations ont débouché sur un «communiqué de Genève» qui définit les étapes nécessaires pour mettre fin aux combats et ouvrir la voie à une transition politique, tout en laissant de côté le sort du président Bachar al-Assad.

Kofi Annan a démissionné après six mois de tentatives pour négocier un cessez-le-feu.

Le médiateur de l’ONU et de la Ligue arabe Lakhdar Brahimi a poussé les parties à reprendre les discussions en février 2014. Mais ces pourparlers (Genève 2) ont pris fin après un désaccord persistant sur l’ordre du jour des discussions.

Damas voulait une mise au point sur la lutte contre le terrorisme – le terme utilisé pour désigner la rébellion -, alors que l’opposition voulait des pourparlers sur le gouvernement de transition. Lakhdar Brahimi a démissionné en mai 2014, frustré par l’impasse des pourparlers.

Les discussions ouvertes lundi à Genève se tiennent dans un contexte différent en raison d’une trêve sur le terrain entre les rebelles et le régime.

Initié par les Etats-Unis et la Russie et entré en vigueur le 27 février, ce cessez-le-feu tient malgré des violations, et l’ONU avec ses partenaires ont pu apporter de l’aide à près de 250’000 personnes vivant dans des zones assiégées, une assistance réclamée par l’opposition.

Quelle est la situation sur le terrain en Syrie?

Jan Egeland, conseiller de Staffan de Mistura sur l’aide humanitaire, a déclaré que depuis la cessation des hostilités, l’ONU et ses partenaires ont réussi à apporter de l’aide à 10 zones assiégées, mais que 6 autres dont Daraya et Douma, n’ont pas été atteintes.

La guerre en Syrie, qui a débuté en mars 2011 après la répression sanglante par le régime de manifestations pacifiques réclamant démocratie et liberté, s’est transformée en un conflit complexe impliquant une multitude d’acteurs locaux et internationaux. Elle a fait plus de 270’000 morts, poussé plus de la moitié de la population à quitter son foyer et provoqué par ricochet une importante crise des réfugiés au Proche-Orient et en Europe.

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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