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La fiscalité divise toujours la Suisse et l’UE

La Suisse et l'Union européenne restent encore et toujours divisées en matière de fiscalité. Keystone

Une réunion tenue vendredi n'a pas permis de convergence de vue entre Berne et Bruxelles sur les privilèges fiscaux que certains cantons accordent aux entreprises.

Ces avantages sont vus comme une concurrence déloyale par l’Union européenne (UE), ce que la Suisse conteste. Le dossier litigieux passe aux 25 commissaires de l’UE.

Ni les heures de discussions entre experts ni la rencontre vendredi à Bruxelles du Comité mixte de l’accord de libre-échange de 1972 n’ont débouché sur un rapprochement. Bernhard Marfurt, chef de la mission suisse auprès de l’UE, a néanmoins parlé d’une ambiance «cordiale et constructive».

Les parties campent sur leur position

«Nous avons eu un bon et intense échange de vues, a-t-il déclaré à swissinfo. Nous avons donné à l’UE toutes les informations nécessaires pour comprendre notre système d’imposition. Evidemment, nous regrettons n’avoir pas pu convaincre totalement la Commission.»

Les faits restent donc les mêmes: depuis l’automne dernier, Bruxelles répète que ces avantages fiscaux peuvent pousser les Etats à dispenser une aide financière illicite et ainsi encourager la concurrence déloyale. Le fonctionnement de l’accord de libre-échange s’en trouve ainsi altéré.

Berne rétorque que ces privilèges n’ont aucun lien avec l’accord bilatéral. Comme ce dernier ne prévoit pas de tribunal arbitral, l’évolution des choses reste ouverte. Il apparaît seulement que le litige ne sera pas réglé de sitôt.

La Suisse doit faire un geste

Aucune autre rencontre Suisse-UE n’a été agendée et la manière de régler le conflit n’a pas été abordée non plus, a ajouté l’ambassadeur Bernhard Marfurt. Du point de vue helvétique, il ne semble guère y avoir de marge de manœuvre.

«Pour nous, il est clair qu’il n’est pas possible de discuter de pratiques fiscales dans le cadre des accords de libre-échange, a-t-il ajouté. Il n’y a pas non plus de volonté politique de le faire avec l’UE.»

«Nous sommes en train de parler de quelque chose qui touche au cœur du système politique de la Suisse, martèle le chef de la mission suisse. Nous tenons donc tout particulièrement au maintien de la souveraineté de la Suisse en matière de fiscalité.»

Les représentants de la Commission européenne lui ont déclaré qu’ils allaient soumettre le sujet à cette dernière. Et selon un avis exprimé à Bruxelles, il appartient à la Suisse de faire un geste.

Il est inacceptable de traiter de manière inégale devant le fisc les activités nationales ou étrangères des entreprises.

Il ne reste donc rien d’autre à la Commission que de constater l’incompatibilité entre les accords de libre-échange et les avantages fiscaux accordés par certains cantons aux entreprises.

Pas de sanctions en vue

En dernier recours, approuvé par une majorité qualifiée des membres de l’UE, des sanctions pourraient être décidées contre la Suisse en cas de litige commercial. «Mais je suis quasiment certain que cette évolution ne se profile pas à l’horizon», a précisé Bernhard Marfurt.

«La Suisse est le deuxième client de l’Union européenne, rappelle-t-il. Les deux parties ont intérêt à éviter les problèmes pour maintenir un partenariat mutuellement bénéfique. C’est pourquoi je crois que des sanctions n’interviendraient que toute dernière extrémité.»

Selon son «interprétation logique» des accords de libre-échange, des clauses de protection ne peuvent être invoquées que s’il est prouvé que certaines pratiques posent des difficultés. Et deuxièmement, il faut prouver que ces difficultés sont sérieuses.

Bruxelles nie cependant cette obligation de fournir des preuves. Mais jusqu’ici, les menaces de sanctions n’ont toujours été que très retenues.

swissinfo et les agences

– L’Union européenne (UE) remet en question les régimes fiscaux de certains cantons suisses, en dénonçant les privilèges fiscaux qu’ils accordent.

– Elle juge déloyale et contraire à l’Accord de libre-échange de 1972 l’imposition des sociétés étrangères à Zoug, Schwyz et Obwald, entre autres.

– La Suisse estime que cette question n’est pas liée à l’Accord de 1972 et que la concurrence fiscale existant entre les cantons est loyale et saine.

– En mars, la mission suisse a remis un document d’explications juridiques détaillé à la Commission européenne pour étayer la position helvétique.

L’accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et l’UE est l’un des piliers fondamentaux des relations économiques entre Berne et Bruxelles.
Adopté en décembre 1972, il est le sous-produit du passage du Royaume-Uni et du Danemark de l’Association européenne de libre-échange (AELE) à la Communauté économique européenne (ancêtre de l’UE).
Son champ d’application couvre uniquement les industriels (une partie d’entre eux plutôt).

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