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La Palestine à l’ONU, une chance pour la paix?

L’Israélien Jossi Beilin (à g.) et son collègue palestinien Jassir Abed Rabbo, secrétaire général de l’OLP, lors de la signature des Accords de Genève en 2003. Keystone

L’Autorité palestinienne demande à l’ONU la reconnaissance d’un Etat palestinien et son adhésion en tant que membre de l’organisation, ce qui suscite un tollé américano-israélien. Pourtant l’Israélien Jossi Beilin et le Palestinien Jassir Abed Rabbo ont un regard positif sur la démarche.

Israël parle de provocation. Les Etats-Unis menacent d’utiliser leur droit de veto. Mais en marge de la levée de boucliers suscitée par la demande palestinienne, deux personnalités politiques favorables à la paix, l’Israélien Jossi Beilin et le Palestinien Jassir Abed Rabbo, voient une véritable chance dans cette volonté palestinienne d’être admis à l’ONU.

Et l’Initiative de Genève de 2003 pourrait jouer un rôle majeur pour parvenir à un accord de paix, ont expliqué vendredi à New York deux des architectes de cette initiative issue de la société civile.

Au cours des 18 dernières années, Jossi Beilin et Jassir Abed Rabbo ont joué un rôle-clef dans les principales négociations de paix. Ils ont tous deux une connaissance profonde des défis au Proche-Orient.

L’Initiative de Genève montre de manière pragmatique et concrète à quoi pourrait ressembler une solution à deux Etats. Toutes les questions fondamentales, comme la démarcation de frontières, les réfugiés, le statut de Jérusalem ou le droit de l’eau, ont été discutées et des solutions ébauchées. Depuis son lancement en 2003, l’Initiative de Genève est devenue un point de référence, affirment les deux hommes à l’unisson.

Soutien suisse

L’ancien ministre israélien de la Justice Jossi Beilin et son collègue palestinien Jassir Abed Rabbo, secrétaire général de l’OLP et conseiller du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, participaient vendredi à une rencontre organisée par l’Institut international pour la paix et la mission suisse auprès de l’ONU. L’Initiative de Genève avait en effet vu le jour grâce au soutien de Berne.

Lors de l’ouverture de cette rencontre, qui a suscité un vif intérêt, l’ambassadeur de Suisse auprès de l’ONU, Paul Seger, a déclaré que les détails de la demande palestinienne n’étaient pas encore connus. L’annonce de l’Autorité palestinienne demandant une reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967 et une adhésion à l’ONU n’avait en effet été faite que quelques heures avant le début de la rencontre.

L’ambassadeur a cependant estimé que le temps pressait pour parvenir à une solution pacifique à deux Etats. Cette rencontre avait donc pour but de donner une voix à la confiance et au dialogue.

Une situation bloquée

Sur la question de savoir s’il était encore possible de parvenir à un compromis, Jassir Abed Rabbo a expliqué que cette annonce n’était pas la solution privilégiée des Palestiniens, mais une dernière option pour débloquer la situation.

Selon lui, sur le terrain, le gouvernement israélien rend impossible une paix à long terme en développant les colonies. «Nous ne voyons plus d’autre option que de sauver la solution à deux Etats», a-t-il déclaré.

Jossi Beilin a quant à lui indiqué que la demande au Conseil de sécurité était «en fait une tragédie qui ne satisfait personne». Ni les Palestiniens, ni Israël, ni les Etats-Unis et encore moins l’Europe, qu’il voit divisée. Même si la Palestine était acceptée à l’ONU, cela ne changerait rien sur le terrain. Le politicien israélien préférerait pour sa part une demande à l’Assemblée générale.

Les deux hommes sont cependant d’avis que, même si les difficultés sont grandes, il demeure des espoirs. Dans les conditions actuelles, une solution à deux Etats ne peut être atteinte qu’avec une forte implication de la communauté internationale. Israël et la Palestine ne peuvent pas atteindre le but seuls.

Pas d’illusions

Mais s’ils ont encore des espoirs, ils ne se font pas pour autant d’illusions. Devant la presse, Jassir Abed Rabbo a déclaré être naturellement déçu qu’un processus de paix si long n’ait débouché sur aucun résultat sérieux. Tant du côté israélien que palestinien, il existe aujourd’hui des forces extrémistes puissantes qui sont opposées à toute solution. «Ces forces doivent voir que le monde entier dit clairement que ‘le jeu est terminé’», a expliqué Jassir Abed Rabbo.

Le signal donné avec cette demande de reconnaissance d’un Etat palestinien s’adresse aussi à ces forces. C’est un signe qu’il n’existe pas d’autre moyen qu’une solution à deux Etats.

«Je ne crois pas que l’actuel gouvernement israélien soit prêt à une solution durable, a déclaré quant à lui Jossi Beilin. Mais des solutions transitoires seraient envisageables.» Il a cependant encore des espoirs en ce qui concerne la formulation d’une résolution à l’Assemblée générale et compte sur des signaux adressés à l’opinion publique israélienne, signaux qui pourraient renforcer le camp de la paix. Par exemple, si ce n’était pas seulement Jérusalem-Est qui était proclamée capitale de l’Etat palestinien, mais aussi, en même temps, Jérusalem-Ouest capitale d’Israël. «Ce pourrait alors être une résolution importante pour les deux côtés», juge-t-il.

Jassir Abed Rabbo a souligné quant à lui qu’il n’y avait plus de temps à perdre, car la sécurité de la Palestine et d’Israël est menacée. Selon lui, plus la solution à deux Etats est repoussée, plus une guerre devient probable.

Initiative incontournable

Les deux hommes sont d’accord sur un point: s’il existe une volonté de parvenir à un accord de paix dans le monde, en Israël et en Palestine, l’Initiative de Genève doit être sur la table. «Cette initiative est devenue un point de référence», a estimé Jossi Beilin.

Pour son collègue palestinien également, le document est «crédible, pragmatique et détaillé, qui aborde toutes les questions-clefs». Il ne manque plus que ce document devienne enfin une réalité politique.

Même si les Palestiniens, comme attendu, déposent cette semaine une demande de reconnaissance et d’adhésion de leur Etat à l’ONU, il ne faut pas compter avec une décision rapide.

La demande doit d’abord être examinée par le Secrétaire-général de l’ONU Ban Ki-Moon. Lequel doit ensuite la transmettre, avec sa recommandation, au Conseil de sécurité qui décidera. Les Etats-Unis ont déjà averti qu’ils feraient usage de leur droit de veto.

Autre option: un Etat demande à l’Assemblée générale que la Palestine soit admise comme membre avec le statut d’observateur permanent, comme c’était le cas pour la Suisse jusqu’à son adhésion en 2002. Ce statut permettrait notamment à la Palestine de collaborer avec les différentes organisations onusiennes et de pouvoir déposer des plaintes auprès de la Cour de justice internationale de La Haye.

Les Palestiniens peuvent compter sur une claire majorité parmi les 194 Etats membres de l’Assemblée générale. Cependant, les résolutions de l’Assemblée générale ne sont pas juridiquement contraignantes. Les conséquences d’une telle décision ne sont donc pas claires. Par ailleurs, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s’est déjà prononcé contre cette solution.

 

Jusqu’à présent, la Suisse n’a pas publiquement dévoilé quelle serait sa position au sein de l’Assemblée générale.

1947: L’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution 181 sur le partage de la Palestine et la création de deux Etats, l’un juif et l’autre arabe, Jérusalem ayant un statut international. Il est rejeté par les pays arabes.

1964: Création de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP).

 

1974: L’Assemblée générale de l’ONU reconnaît le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à l’indépendance et accorde un statut d’observateur à l’OLP.

1988: Proclamation à Alger par l’OLP en exil d’un Etat palestinien indépendant. Plus d’une centaine d’Etats le reconnaissent.

1994:Suite aux accords d’Oslo, Yasser Arafat forme à Gaza l’Autorité palestinienne, dont il sera élu président en janvier 1996.

2002: Résolution 1397 du Conseil de sécurité mentionnant pour la première fois l’Etat palestinien.

2010: Le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas expose lors d’une réunion arabe à Syrte (Libye) une série d’alternatives aux négociations de paix bloquées, parmi lesquelles la demande d’adhésion à l’ONU d’un Etat de Palestine sur les lignes de 1967.

26 juin 2011: Mahmoud Abbas annonce la décision de demander en septembre à l’ONU le statut de membre à part entière pour l’Etat de Palestine.

(Source : AFP)

Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard

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