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La présence de soldats suisses au Kosovo fait débat

Un démineur suisse en action au Kosovo. Tomas Wüthrich

Les militaires de la Swisscoy devraient rester au Kosovo jusqu’en 2014 et le gouvernement pourra compléter le contingent de 220 hommes par 80 membres supplémentaires pendant douze mois. Ainsi en a décidé le Parlement. Pourtant, la mission subit des critiques.

Le mandat du plus vaste engagement de promotion de la paix jamais assumé par la Suisse obtient donc une prolongation de trois ans. Son interruption peut intervenir en tout temps mais devra recevoir l’aval du législatif comme de l’exécutif.

Au Parlement, le débat a bien eu lieu ce début de semaine. Il a porté sur la sempiternelle question de la neutralité suisse, sur les justifications de la mission et la meilleure manière de traiter avec le Kosovo, dont la Suisse a reconnu très tôt l’indépendance en 2008.

Ministre de la Défense, Ueli Maurer l’a dit tout net: la présence d’une force internationale de maintien de la paix est essentielle pour la stabilité politique dans la région – un soutien à la Swisscoy qui entre en contradiction avec la position officielle de son parti, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).

En termes strictement militaires, la Suisse y a sans doute gagné à participer à la KFOR sous conduite de l’OTAN. Cet engagement a offert à l’armée suisse un surcroît d’expérience et de visibilité.

Mais au prix de 37,5 millions de francs par an, la mission en vaut-elle la chandelle? Deux des cinq principaux partis suisses – l’UDC et les Verts – pensent que non, notamment parce que ce déploiement violerait la neutralité suisse.

«La Swisscoy est une mission sans terme ni résultat et doit être stoppée le 31 décembre. Elle n’a rien fait pour freiner l’immigration kosovare», a aussi jugé l’UDC Ulrich Schlüer lors du débat mené lundi à la Chambre basse du Parlement.

La question de son utilité

Pour d’autres observateurs, la mission a fait son temps. La présence des militaires suisses est problématique puisqu’ils ne jouent guère de rôle dans la protection de la minorité serbe, affirme par exemple à swissinfo.ch l’expert militaire de l’Université de Zurich Albert Stahel.

«Au départ, en 1999, il était évidemment utile pour l’OTAN de disposer de forces au Kosovo vu la menace de la Serbie encore existante à cette époque. Mais la situation a changé et les soldats sont maintenant engagés dans des opérations de sécurité interne et de protection de la minorité serbe en particulier.»

A cette nuance que de population serbe, il n’y en a quasiment pas dans la zone où le contingent suisse est stationné, note Albert Stahel. Le camp Casablanca et ses quelque 140 soldats suisses est situé près de Suva Reka, dans le Sud du Kosovo.

Autrement dit, que font aujourd’hui les volontaires de l’armée suisse au Kosovo? Ils remplissent une foule de tâches, répond Walter Frik, porte-parole de Swissint, l’organe national de commandement des engagements à l’étranger. Parmi ces tâches, deux équipes de liaison travaillent sur le terrain à proximité de la frontière serbe, dans le Nord.

«L’idée principale est d’aider la KFOR à assurer un contexte sécurisé pour les civils et de remplir les tâche que la KFOR lui confie. Il s’agit surtout de tâches logistiques mais quatre équipes LMT [Liaison Monitoring Teams] vivent aussi proches de la population et interviennent en tant que système d’alerte précoce pour détecter les problèmes que peut rencontrer la KFOR», explique Walter Frik.

La sécurité en tête de liste

Dans le Nord du Kossovo, la situation reste volatile, assure Walter Frik. «Le principal souci de la KFOR est de maintenir le calme dans cette zone. Si on en parle peu dans les médias, la raison en est simple: il est difficile pour eux de bouger librement et de travailler là-bas.» 

Hormis cette instabilité, un autre problème se pose. La présence du crime organisé dans les hautes sphères de l’administration kosovare, constate Albert Stahel.

«Le rapport de renseignement de l’OTAN [récemment divulgué] énonce clairement que le crime organisé est profondément ancré au Kosovo. Il existe un lien très fort entre des personnes agissant comme criminels en Suisse et les leaders au Kosovo», poursuit l’expert.

Dans ce contexte, la présence de la Swisscoy au Kosovo n’est pas dans l’intérêt de la Suisse, juge Albert Stahel. «Plutôt que de protéger les civils, ils soutiennent le crime organisé.»

Assurer un contexte sécurisé pour permettre à la population de vivre normalement au Kosovo est dans l’intérêt de la Suisse, rétorque Walter Frik. Selon lui, la mission civile Eulex et ses 3000 intervenants qui visent à la promotion de l’Etat de droit au Kosovo travaille avec les autorités locales, la justice et la police. La criminalité fait partie de ses attributions.

«Or, quand Eulex rencontre des difficultés à se déplacer, la KFOR protège ses véhicules, élimine les obstacles routiers, etc», relève le porte-parole. 

Après douze ans de Swisscoy au Kosovo, Walter Frik se dit fier de la contribution suisse à la paix au Kosovo. «Nous pourrons dire que nous aurons aussi participé, nous n’aurons pas seulement envoyé de l’argent et laissé les autres faire le travail. Nos hommes servent là-bas de manière volontaire».

Kosovo a vécu sous protectorat de l’ONU entre la fin de la guerre du Kosovo et 2008, moment de sa déclaration d’indépendance vis-à-vis de la Serbie.

La Swisscoy fait partie de la force multinationale KFOR depuis 1999. Environ 4200 soldats suisses ont participé à la mission jusqu’ici.

Les soldats suisses y sont armés pour assurer leur propre protection mais ne participent pas aux opérations armées d’imposition de la paix.

Une importante communauté d’Albanais du Kosovo vit en Suisse depuis les années nonante.

Les forces armées suisses participent à des missions de promotion de la paix depuis 1953.

Actuellement, 273 hommes et femmes – du simple soldat au divisionnaire – sont engagés dans quinze pays sur trois continents. La majorité d’entre eux font partie de la milice.

Durant et après l’éclatement de la Yougoslavie, les conflits ethniques et régionaux se sont multipliés, pour culminer avec la guerre du Kosovo en 1998-99.

Des escarmouches entre l’Armée de libération du Kosovo et les forces yougoslaves ont engendré un déplacement massif de population au Kosovo.

En mars 1999, les forces de l’OTAN ont bombardé la Yougoslavie pour contraindre les forces yougoslaves à quitter le Kosovo, entraînant, au final, la capitulation du président Slobodan Milosevic.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a entériné une résolution, la résolution 1244, qui plaçait le Kosovo sous l’administration transitoire de l’ONU (Unmilk) et autorisait la force de maintien de la paix baptisée KFOR (Kosovo Force), conduite par l’OTAN.

(Traduit de l’anglais par Pierre-François Besson)

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