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La Suisse… faiseuse de paix en Afrique

Les guerres civiles et leur lot de réfugiés jetés sur les routes. Ici des Rwandais à la frontière tanzanienne. Reuters

Des politiciens et praticiens africains travaillent ensemble à la réconciliation après des conflits fratricides, dans un atelier à Yaoundé soutenu par la Suisse. Les cas du Rwanda ou du Burundi font école pour surmonter les blessures douloureuses du passé.

«Guérir les blessures profondes d’un génocide est différent que de traiter la réconciliation au Niger suite au putsch du 18 février 2010.

L’expérience des uns peut néanmoins donner des idées aux autres», précise Carol Mottet du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à l’issue de l’atelier qui s’est tenu en novembre 2010 à Yaoundé, au Cameroun.

Elle cite pour exemple le Rwanda, qui a puisé dans les traditions ancestrales pour régler ses conflits sociaux, ou l’engagement de la société civile au Burundi dans le travail de mémoire et de réconciliation. «Ces exemples ne peuvent pas être reproduits sans autre, mais inspirer la recherche de solutions en Afrique de l’Ouest.»

Savoir-faire africain

«L’objectif de l’atelier était de mettre en commun le savoir-faire africain», explique la conseillère pour la consolidation de la paix en Afrique de l’Ouest du DFAE. L’idée était de réunir des politiciens et officiels de haut rang avec des représentants de la société civile et des universitaires. Tous sont actifs dans les processus de réconciliation dans leurs pays respectifs.

Les débats se font à huis clos pour instaurer un climat de confiance et éviter la langue de bois. Cette «approche novatrice» a été développée par la Suisse.

La Suisse est très engagée dans la réconciliation et le maintien de la paix sur le plan international et notamment en Afrique francophone. «Lors de notre travail sur le terrain, nous avons constaté que les questions du passé sont extrêmement présentes. Or l’accès aux outils de traitement du passé et de consolidation de la paix n’est pas acquis», constate Mme Mottet.

De fait, il existe une littérature abondante en anglais et en espagnol, issue des expériences faites en Amérique latine et en Afrique du Sud, mais très peu est disponible en français. Ce constat ressort de la première conférence organisée sur le sujet en Afrique francophone en 2006 à Yaoundé, où les organisateurs ont dû faire appel à des experts sud-américains pour présenter leurs expériences, telles que les commissions de réconciliation et de vérité.

Solutions adaptées

La Suisse s’engage activement à combler ce vide et à élaborer des solutions adaptées aux besoins et contextes spécifiques à Afrique de l’Ouest et centrale, en collaboration avec la France, qui soutient également les ateliers de Yaoundé. Le partenaire africain est l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC). L’institut fait office de plateforme de formation et de renforcement des capacités sous-régionales.

Depuis 2006, des personnes ressources de divers pays africains, qui sont actives dans les processus de réconciliation dans leurs pays, ont été identifiées. «Nous travaillons à deux vitesses pour faire monter à bord les pays d’Afrique de l’Ouest, afin qu’ils bénéficient de l’expérience récente des pays des Grands Lacs (Burundi, Rwanda, Congo, Centreafrique)», précise la conseillère pour la paix du DFAE. «Les participants à l’atelier ont été sélectionnés dans le cadre des activités de réseautage que la Suisse mène sur le terrain depuis six ans.»

Aqmi et trafic de drogues

La nature des problèmes varie. Les pays des Grands Lacs ont connu des conflits violents armés et des génocides massifs, alors qu’en Afrique de l’Ouest, les conflits sont larvés et récurrents. Toutefois, ils ont en commun le besoin fondamental des victimes de reconnaissance et le droit de savoir.

A la question si la cette démarche peut aider les pays sahéliens dans leur lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Carol Mottet répond que les failles du passé qui divisent toujours les sociétés maliennes et nigériennes affaiblissent la cohésion nationale, ce qui contribue à laisser le champ libre à l’émergence d’Aqmi et du trafic de drogues.

«Si ce travail de réconciliation ne se fait pas dans ces Etats encore récents et fragilisés, Aqmi et les trafics de tout genre trouveront un terreau fertile dans la zone sahélo-saharienne», constate pour conclure Carol Mottet.

Des conseillers pour la consolidation de la paix sont en charge de la mise en œuvre des programmes sur le terrain. Trois conseillers sont basés en Afrique : au Mali, au Burundi et dès janvier 2011 au Tchad.

Les trois pays prioritaires du programme de politique de paix en Afrique de l’Ouest et centrale de la Division politique IV (sécurité humaine) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sont le Mali, le Niger et le Tchad.

Le budget annuel du programme est de 1,45 millions de francs suisses, dont une partie est consacrée à des projets visant à renforcer les capacités des acteurs de paix africains.

Les axes stratégiques d’intervention sont : la médiation et le dialogue politique; la lutte contre l’impunité et le traitement du passé; la sécurité et les armes légères; les droits humains.

Basée au Mali depuis octobre 2009 en qualité de conseillère pour la politique de paix en Afrique de l’Ouest, Carol Mottet a rejoint la Division politique IV (sécurité humaine) du ministère suisse des affaires étrangères en juillet 2004. De 2006 à 2009, elle a développé et dirigé le programme de politique de paix en Afrique de l’Ouest et centrale, et décide alors d’aller le mettre en œuvre sur le terrain.

Fribourgeoise. Spécialisée en droit international public, droit humanitaire et droits de l’homme, la Fribourgeoise focalise sa carrière professionnelle sur les affaires internationales et les droits humains.

Dialogue. A l’Office fédéral de la statistique suisse (de 1998 à 2004), Mme Mottet a notamment codirigé le processus de Montreux, un projet international initié par la Suisse sur le rôle de la statistique au service du dialogue démocratique, des droits de l’homme et du développement humain.

Torture. Elle a aussi conduit de nombreuses enquêtes de terrain sur les conditions de détention en Europe, en tant que responsable des programmes pour l’Europe au sein de l’Association pour la prévention de la torture (de 1992 à 1998).

L’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) fêtera ses 40 ans en 2011. Il a été fondé avec le soutien actif de l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève (IHEID, ex-HEI).

L’IRIC est l’un des leaders africains dans la formation et la recherche dans le domaine de la diplomatie : 60% des diplomates africains sortent de l’IRIC. Un réseau que l’institut n’hésite pas à activer pour ses recherches et formations continues.

A l’image du Cameroun, cette haute-école dispense un enseignement bilingue français-anglais.

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