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Le bilatéralisme reste au coeur de la politique européenne

Les ministres de l'économie Joseph Deiss et des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey devant la presse, pour un rapport très attendu. Keystone

Le gouvernement veut poursuivre avec l'UE sur la voie des accords bilatéraux, considérés comme le meilleur moyen de défendre les intérêts diplomatiques et économiques de la Suisse à moyen terme.

Approuvé mercredi par le Conseil fédéral, le rapport «Europe 2006» suscite la critique des partisans de l’adhésion comme des milieux isolationnistes.

«Notre relation à l’Union européenne (UE) ne doit pas être jugée selon le schéma trop stéréotypé du type adhérer/ne pas adhérer», déclare Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères.

En clair, la Suisse doit se contenter pour l’heure d’assurer la mise en oeuvre des accords bilatéraux existants et d’approfondir des rapprochements dans des secteurs comme la santé, l’agriculture ou l’électricité.

Le gouvernement ne se voit pas changer de stratégie pour l’instant, car les conditions sont bonnes. Mais si elles devaient évoluer, des alternatives pourraient être envisagées. Une seule possibilité est exclue, précise Micheline Calmy-Rey. Celle de la fermeture.

Précision: l’adhésion à l’UE, gelée à Bruxelles depuis 1992, ne sera pas retirée. Le gouvernement, qui a longtemps considéré l’adhésion comme un but stratégique, l’avait toutefois déclassée au rang d’option à long terme en octobre dernier.

Ce rapport analyse les effets de chaque approche – bilatérale, union douanière, adhésion à l’Espace économique européen (EEE), à l’Union européenne (UE). Et ce, sur une vingtaine de thèmes-clés comme la démocratie directe, le marché du travail et la fiscalité.

Le meilleur chemin

Le Conseil fédéral manque de courage, réagit le Parti socialiste à la lecture du rapport. L’union démocratique du centre (UDC / droite dure) regrette au contraire que le gouvernement continue de tendre vers une adhésion. Entre deux, les autres forces politiques saluent le maintien du cap sur la voie bilatérale.

Cette voie est la meilleure façon de défendre les intérêts de la Suisse face à l’Europe, estiment les radicaux (droite) et les démocrates-chrétiens (PDC / centre droit). Les premiers regrettent seulement que le gouvernement ne dise pas comment il entend protéger la voie bilatérale à l’interne, attaquée tous les six mois par l’UDC.

Un choix provisoire

Pour le Nouveau mouvement européen suisse (NOMES), c’est l’évaluation de la situation politique de la Suisse qui manque le plus cruellement. Le rapport est davantage un catalogue d’options que la définition d’une politique européenne, regrette ce mouvement favorable à l’adhésion.

Le syndicat Travail.Suisse considère, lui, que les bilatérales ne sont qu’un «modus vivendi» provisoire. Le bilatéralisme a montré ses limites et doit être une étape vers une intégration plus poussée.

Une voie erronée

«Bien que les inconvénients politiques et économiques graves d’une adhésion de notre pays à l’UE soient un fait incontestable, le Conseil fédéral n’a ni la volonté ni la force de se distancer de cette voie erronée», critique pour sa part l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).

Côté européen, la Commission prendra position dans les jours à venir après avoir analysé le rapport. Mais selon les premiers commentaires glanés auprès de sources proches de l’exécutif européen, le rapport est plutôt vu d’un bon oeil. Tout ce qui contribue le plus objectivement possible au débat sur le rapport de la Suisse à l’UE serait positif.

Un débat fondé

Dans ce rapport, on apprend qu’une adhésion à l’UE pourrait coûter quelque 3,4 milliards de francs par an à la Suisse. La TVA passerait à 15% et les droits populaires subiraient quelques restrictions.

La voie bilatérale n’est pas gratuite non plus. La participation suisse aux agences et différents programmes européens est estimée à plus de 440 millions par an pour la période 2007-2013.

S’y ajoute la contribution d’un milliard de francs sur cinq ans pour la cohésion de l’UE, menacée par un référendum sur le plan intérieur. «Je n’ose pas imaginer ce qu’il adviendrait de nos relations avec Bruxelles en cas de refus de ce soutien», s’inquiète la ministre des Affaires étrangères.

Le rapport présenté mercredi sera examiné par les Chambres fédérales. Il doit servir de base pour un débat fondé et une discussion objective sur les relations entre la Suisse et l’UE, espère Micheline Calmy-Rey.

swissinfo et les agences

Exportations suisses vers l’UE: plus de 80 milliards de francs par an (60% du volume total).
Importations de l’UE: près de 110 milliards (80% du volume total).
Les entreprises suisses implantées dans l’UE occupent 850’000 personnes.
Près de 60% de la population étrangère en Suisse est originaire de l’UE, soit plus de 900’000 personnes.
60% des expatriés vivent dans les pays de l’UE, soit plus de 380’000 Suisses.

– Après le refus des Suisses d’entrer dans l’Espace économique européen (EEE) en 1992, Berne a adopté la voie bilatérale avec l’UE.

– Un 1er paquet d’accords sur 7 domaines, dont la libre circulation des personnes, entre en vigueur en 2002.

– Un 2e paquet, signé en 2004, comporte la participation suisse à l’espace Schengen-Dublin dans la lutte contre la criminalité et le contrôle des flux de réfugiés. Attaqué par référendum, il a été accepté par le peuple en juin 2005.

– La prochaine étape des bilatérales concerne le marché de l’électricité et la participation au système de navigation par satellite Galileo.

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