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Les deux Suisses en Libye de retour à l’ambassade

Après presque deux mois de détention, les otages sont de retour à l'ambassade. eda.admin.ch

Les deux hommes d'affaires suisses retenus en Libye ont été remis lundi par les autorités libyennes à l'ambassade de Suisse à Tripoli.

Selon l’ambassade, ils «se portent bien, eu égard aux circonstances», a annoncé lundi le Département fédéral (ministère) des Affaires étrangères (DFAE).

La partie libyenne n’a donné aucun motif à cette mesure, précise le DFAE dans son communiqué. «Aucune indication supplémentraire ne peut être fournie pour l’instant», conclut le texte.

Le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz s’est dit «soulagé» de la décision de Tripoli, mais n’a pas voulu en dire plus, le dossier était dans les mains du DFAE, a indiqué son porte-parole Roland Meier.

Convoqués fin septembre hors de l’ambassade de Suisse sous prétexte d’un contrôle médical, les deux Suisses avaient été placés dans un lieu «sûr», avait indiqué Tripoli. Une décision qualifiée d’«inacceptable» par le DFAE, qui dans son communiqué de ce lundi parle d’«enlèvement».

Mercredi dernier, le Conseil fédéral (gouvernement) avait annoncé la suspension de l’accord signé avec la Libye le 20 août, face au refus des autorités libyennes de coopérer concernant le sort des deux Suisses retenus en otage.

Les relations entre la Suisse et la Libye se sont dégradées depuis l’arrestation de Hannibal Kadhafi, fils du leader libyen, et de sa femme en juillet 2008 à Genève. Le couple avait fait l’objet d’une plainte pour maltraitance de deux de leurs domestiques. Hannibal avait passé deux nuits en prison.

Inattendu

Ce retour inattendu intervient alors que la Suisse n’a pas rempli les conditions exprimées dimanche par Tripoli pour laisser les deux hommes rentrer à l’ambassade.

Dans l’hebdomadaire dominical alémanique NZZ am Sonntag, le vice-ministre libyen des affaires étrangères Khaled Kaim déclarait que la balle était dans le camp du Conseil fédéral pour libérer les deux Suisses du lieu inconnu où ils étaient détenus et les faire revenir «dans leur domicile normal».

Pour ce faire, Berne devait signer une déclaration officielle condamnant à la fois les propos du député qui avait demandé une libération par des moyens militaires et les articles des médias selon lesquels l’un des deux otages pouvait entrer et sortir de Libye avec son passeport tunisien.

«Rien n’a été entrepris à ce sujet», a confirmé Adrian Sollberger, porte-parole du DFAE, se refusant à tout autre commentaire.

De son côté, le groupe ABB, qui emploie l’un des deux hommes, a réagi «avec soulagement» à cette annonce. Mais l’entreprise ne sera vraiment contente que lorsque son collaborateur sera de retour en Suisse, a dit son porte-parole Wolfram Eberhardt.

«Berne a eu raison de hausser le ton»

Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) ce retour des deux Suisses à l’ambassade est une conséquence directe du changement de ton et de stratégie du Conseil fédéral.

«Les Libyens se sont rendu compte que c’était une erreur de garder les deux Suisses dans un lieu secret et que cette mesure était contre-productive», déclare le directeur du CERMAM.

C’est aussi une conséquence directe de la décision du Conseil fédéral, annoncée mercredi dernier, de suspendre l’accord signé avec la Libye le 20 août et d’appliquer une politique de visas restrictive. Selon Hasni Abidi, «la première décision courageuse du Conseil fédéral a entraîné une réaction de Tripoli».

La mobilisation de l’opinion publique et d’Amnesty International a aussi porté ses fruits, pense le directeur du CERMAM.

«Mais le gouvernement libyen est imprévisible», répond Hasni Abidi interrogé sur un possible retour en Suisse des deux hommes. Il a besoin d’une sortie de crise honorable, raison pour laquelle ce nouveau développement est un «retour à la case départ» et ne signifie pas la «fin du calvaire».

swissinfo.ch et les agences

Les deux Suisses n’ont pas été maltraités. Ils sont soulagés, en bonne santé et en train de récupérer, a indiqué lundi devant les médias la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, qui a pu leur parler. Elle a assuré que la Suisse n’avait fait aucune concession.

«C’est une bonne nouvelle sur le plan humanitaire», a déclaré la cheffe de la diplomatie, qui s’est toutefois refusée à tout commentaire sur la tournure qui prendront désormais les évènements.A la question de savoir si l’on pouvait voir dans les derniers évènements un signe encourageant ou le début de la fin des problèmes avec la Libye, elle a seulement lâché: «c’est une autre affaire».

La commission de politique extérieure du Sénat, devant laquelle la ministre venait de s’exprimer, a pris connaissance avec satisfaction des dernières nouvelles, a relevé son président Dick Marty. Pour le reste, elle continue de soutenir la stratégie du Conseil fédéral, qui «doit se dérouler dans un climat de discrétion».

Comme aux échecs, on n’annonce pas ses coups à l’avance. «Il est important de laisser travailler la diplomatie», a poursuivi le sénateur, refusant de commenter toutes les hypothèses «imaginables ou possibles» qui fleurissent dans les médias.

Amnesty International salue le retour à l’ambassade de Suisse à Tripoli des deux otages. L’organisation de défense des droits de l’homme, qui a récemment écrit au gouvernement libyen, demande que les deux Helvètes retrouvent leur liberté de mouvement et puissent rentrer en Suisse.

L’ONG précise qu’elle n’a pas encore reçu de réponse à sa lettre envoyée lundi dernier aux autorités libyennes. «Nous ne savons donc pas si notre intervention a contribué d’une manière ou d’une autre à cette libération, mais toutes les interventions auprès des autorités libyennes ces dernières semaines ont certainement contribué à cette décision de libérer les deux otages».

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