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Les Verts mûrs pour l’exercice du pouvoir?

Le 26 avril 2007, les Verts ont élu Ueli Leuenberger à la présidence du parti, Franziska Teuscher (à g.) et Aline Trede à la vice-présidence. Keystone

Né le 28 mai 1983 comme mouvement visionnaire, alors que l'environnement n'était pas prioritaire pour tout le monde, le Parti écologiste suisse s'est imposé sur la scène politique nationale comme la seule force émergente de la seconde moitié du 20e siècle.

«Je ne crois pas que nous ayons tellement changé en vingt-cinq ans. Nous nourrissons les mêmes préoccupations, comme le changement climatique ou la pénurie alimentaire, qui sont de plus en plus actuelles. Et nous nous battons pour un développement durable et harmonieux pour l’environnement, pour la société et l’économie», déclare Ueli Leuenberger, président nouvellement élu du Parti écologiste suisse.

«Peut-être que ce qui a le plus changé, c’est le contexte qui nous entoure. Aujourd’hui, beaucoup des problèmes soulevés par les Verts sont partagés par une bonne partie de l’opinion publique et sont reconnus de manière quasi unanime par la communauté scientifique internationale.»

Il est vrai que les Verts ne sont plus considérés comme des visionnaires. Beaucoup de leurs représentants ont su gagner respect et crédibilité par leur travail au sein du Parlement fédéral, des gouvernements cantonaux et des conseils communaux. Et nombre de leurs objectifs ont été intégrés jusque dans les programmes des autres formations politiques.

Un poids politique national

Cette évolution se mesure dans les résultats des dernières élections fédérales: les Verts ont récolté près de 10% des suffrages à la Chambre du peuple et ont également réussi à mettre les pieds pour la première fois dans la Chambre des cantons. Parmi les partis nés durant la seconde moitié du 20e siècle en Suisse, ils sont les seuls à avoir conquis un véritable poids politique au niveau national.

Mais avant d’en arriver là, les écologistes ont connu des hauts et des bas. Comme dans d’autres pays européens, leur avènement a coïncidé avec l’aggravation des problèmes d’environnement dans les années 70: pollution atmosphérique, pluies acides, mort des forêts, rétrécissement des lacs, sans oublier la catastrophe de Tchernobyl qui a contribué à créer un climat favorable à la cause écologiste.

Mais les Verts ont mis du temps à bénéficier de la sensibilité croissante aux questions d’environnement. Leurs premiers pas sur la scène politique se sont caractérisés par un certain manque de discipline et de cohésion, typique des mouvements de protestation né dans le sillage de 68. Dans certains cantons, ils se sont même retrouvés divisés en trois minuscules forces politiques.

Transformation interne

Puis, dans les années 90, ils ont payé le prix de la récession économique, qui a relégué au deuxième plan les questions environnementales. Mais aussi de leurs contradictions politiques: eurosceptiques au départ, ils sont par exemple devenus l’un des rares partis politiques à soutenir ouvertement l’intégration européenne. C’est ainsi que, pendant une bonne décennie, les Verts ont fait du surplace, sans dépasser 5% des suffrages.

L’envol des deux derniers rendez-vous électoraux, qui a permis au parti de doubler la mise, a certainement été favorisé par la résurgence du débat sur l’environnement, et par le contexte particulier de la menace du changement climatique. Mais il a aussi coïncidé avec une transformation opérée à l’intérieur du parti.

«Depuis la fin des années 90, en conséquence notamment de l’intégration de certains partis cantonaux plus radicaux, le Parti écologiste s’est positionné plus à gauche. Aujourd’hui, au niveau national, il se retrouve plus à gauche que le Parti socialiste dans plusieurs domaines, ce qui fait qu’il est considéré comme une force alternative dans la composition du gouvernement», explique le politologue Andreas Ladner, co-auteur d’un livre sur l’histoire des Verts qui vient de paraître.

«Ces dernières années, le Parti écologiste a notamment réussi à dépasser son positionnement sur l’environnement et à se profiler aussi dans d’autres domaines, comme les questions sociales.»

Mûrs pour le gouvernement

Mais ce glissement à gauche des Verts a créé une nouvelle fissure à l’intérieur du mouvement écologiste, qui s’est concrétisée l’année dernière par la création des Verts libéraux. Lors des dernières élections, ce nouveau parti a réussi à conquérir quatre sièges au parlement.

«Il est encore difficile de dire si ce parti sera en mesure de se renforcer ces prochaines années au point de concurrencer sérieusement le Part écologiste. Actuellement, il semble menacer plutôt les socialistes, qui se retrouvent pris en tenaille entre les écologistes à gauche et les Verts libéraux à droite», analyse Andreas Ladner.

En surfant sur la vague environnementaliste, qui pourrait bien prendre encore de l’ampleur, le parti a bon espoir de poursuivre sa croissance ces prochaines années. Les écologistes ont pour objectif de dépasser la barre des 10% aux prochaines élections. Et ils rêvent de plus en plus de conquérir eux aussi un siège au gouvernement.

«Nous avons démontré que nous sommes capables d’assumer nos responsabilités dans plusieurs gouvernements cantonaux et communaux. J’en conclus donc que les Verts sont mûrs désormais pour faire leur entrée au Conseil fédéral, avec l’objectif de donner un nouvel élan à la politique nationale et d’amener la Suisse à effectuer un véritable virage en matière écologique», affirme Ueli Leuenberger.

swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

Le Mouvement populaire pour l’environnement a été créé en 1971 dans le canton de Neuchâtel pour lutter contre un projet d’autoroute.

Deux ans plus tard naissait le Mouvement populaire vaudois pour l’environnement, qui a réussi à faire entrer son premier représentant au Parlement fédéral (Daniel Brélaz) en 1979.

Des formations politiques analogues sont également apparues en Suisse allemande et italienne à la fin des années 70.

Ce n’est qu’en 1983 que les divers partis cantonaux des Verts se sont regroupés au sein de la Fédération des partis écologistes de Suisse (aujourd’hui Parti écologiste suisse).

Aux élections fédérales de 2007, le parti a conquis 20 sièges au Conseil national et 2 au Conseil des Etats. Les Verts libéraux ont gagné respectivement 3 et un sièges.

Représentation des Verts au Conseil national

1983: 2,6%
1987: 5,2%
1991: 6,5%
1995: 5,0%
1999: 5,0%
2003: 7,6%
2007: 9,6%

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