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Mission délicate pour Doris Leuthard à Bruxelles

Doris Leuthard aura fort à faire face à ses partenaires swissinfo.ch

C’est dans une atmosphère de drôle de guerre que la présidente de la Confédération suisse, Doris Leuthard, effectue lundi 19 juillet une visite à Bruxelles. La Suisse et l’UE affûtent leurs armes en vue d’un reparamétrage de leurs relations. Avec à terme des «bilatérales III»?

Doris Leuthard rencontrera le président du Conseil européen – l’enceinte des chefs d’Etat des Vingt-Sept – Herman Van Rompuy, celui de la Commission – l’exécutif communautaire –, José Manuel Durão Barroso, et le commissaire chargé du marché intérieur, Michel Barnier. Elle va également rencontrer Algridas Semeta, le commissaire européen à la fiscalité.

Après avoir conclu deux cycles de négociations bilatérales, en 1999 et 2004, la Suisse et l’Union européenne (UE) ont remis l’ouvrage sur le métier. Elles ont engagé tantôt des pourparlers, tantôt des «discussions exploratoires», tantôt un «dialogue» en vue de conclure de nouveaux accords dans différents domaines: le transit et l’accès au marché de l’électricité, la libéralisation des échanges de produits agricoles, la santé publique et la protection des consommateurs, la sécurité et la commercialisation des produits chimiques (Reach).

D’autres dossiers, fiscaux, vont s’ajouter à la liste, dès que l’Union aura clarifié sa propre position; ils porteront sur l’amélioration de la lutte contre la fraude dans le domaine de la fiscalité directe, sur l’extension du champ d’application de la réglementation européenne sur la fiscalité de l’épargne ainsi que sur l’application, en Suisse, du code de conduite que les Vingt-Sept ont adopté dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

Des dossier si sensibles qu’ils justifieront en partie la présence du secrétaire d’Etat suisse aux affaires financières et fiscales internationales, Michael Ambühl, aux côtés de Doris Leuthard.

Un troisième grand marchandage

Tous les ingrédients semblent donc réunis pour un troisième grand marchandage, les «bilatérales III». Mais certains paramètres fondamentaux des relations entre la Suisse et l’UE devront être modifiés avant qu’il puisse débuter.

En 2008, les Vingt-Sept on adopté une nouvelle doctrine à l’égard de la Suisse, à laquelle la présidence belge de l’UE a décidé de se tenir.

Elle insiste notamment sur la nécessité d’atteindre un «équilibre des intérêts» dans tous les domaines de coopération (en prenant également soin de résoudre d’anciens contentieux, sur la fiscalité cantonale des entreprises et la libre circulation des personnes) et «d’appliquer de manière homogène et au fur et à mesure les éléments de l’acquis (la législation et la jurisprudence de l’UE) en constante évolution».

Bref, il n’est plus question pour l’Union de confectionner des accords sur mesure pour Berne, désormais priée de s’aligner sur la réglementation communautaire.

La Commission critique

Aucune de ces conditions n’est remplie dans les négociations en cours, soulignent divers rapports communautaires.

D’une part, Bruxelles juge disproportionnées certaines exigences spécifiques de Berne. La Suisse, par exemple, souhaite pouvoir continuer à exporter vers le Moyen- et l’Extrême-Orient des cigarettes fabriquées sur son territoire, dont la teneur en goudrons et nicotine dépasse toutes les normes admises dans l’UE.

D’autre part, et surtout, la Commission soulève des «problèmes horizontaux» dans tous les secteurs. La Suisse rechigne à appliquer la réglementation européenne en matière de concurrence dans le domaine de l’électricité, refuse de s’adapter sa législation aux développements de la réglementation européenne dans le domaine de la santé, ne veut pas se soumettre à la surveillance de la Commission et à la juridiction de la Cour de justice de l’UE dans les secteurs de l’agriculture et de la mise sur le marché de produits chimiques, etc.

Bref, Bruxelles n’est «pas très optimiste» sur l’issue des négociations, le prix que devrait payer l’UE pour conclure des accords étant selon lui trop élevé.

Pour un accord cadre

José Barroso le rappellera sans doute lundi à Doris Leuthard: à défaut de trouver une solution au casse-tête institutionnel qui se pose – l’UE préconise à cette fin la conclusion d’un accord cadre – , la voie du «bilatéralisme sectoriel» qu’a empruntée la Suisse pour se rapprocher de l’UE ne mènera bientôt plus nulle part.

Le 18 août, le gouvernement helvétique publiera un rapport sur la politique d’intégration européenne du pays qui n’esquivera pas cette question. Mais sera-t-il assez ambitieux, alors que se profilent à l’horizon les élections fédérales de 2011?

Si ce n’est pas le cas, l’Union, excédée, finira par imposer sa propre discipline à la Suisse, sans discussion possible. Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept réexamineront l’ensemble des relations entre l’UE et Berne en décembre, a déjà décidé la présidence belge du club communautaire.

Tanguy Verhoosel, Bruxelles, swissinfo.ch

La Suisse entretient des relations avec l’Europe sous forme bilatérale.

Les Accords bilatéraux I (1999) portent essentiellement sur l’ouverture réciproque des marchés.

Ils concernent sept domaines: libre circulation des personnes, obstacles techniques au commerce, marchés publics, agriculture, transport aériens et terrestres, participation de la Suisse aux programmes de recherche de l’UE.

Les Accords bilatéraux II (2004) couvrent de nouveaux intérêts économiques et étendent la coopération à d’autres domaines politiques (sécurité intérieure, asile, environnement ou culture).

Ils touchent les dossiers suivants: Schengen/Dublin, fiscalité de l’épargne, produits agricoles transformés, accord MEDIA, environnement, statistique, lutte contre la fraude, pensions, éducation et formation professionnelle.

Des négociations visant à actualiser certains accords existants (produits agricoles transformés, libre circulation des personnes, transport aérien, obstacles techniques au commerce, marchés publics) sont en cours. L’adaptation des accords sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre la fraude est annoncée.

En outre, de nouvelles discussions ou négociations ont été lancées dans différents autres domaines depuis 2007: électricité, agriculture, santé, protection des consommateurs, sécurité de la chaîne alimentaire et sécurité des produits, sécurité en matières de produits chimiques, fiscalité des entreprises, etc.

La liste devrait s’étendre à de nombreux autres sujets: navigation par satellite, coopération sur l’application du droit de la concurrence, supervision des marchés financiers, accès au marché des intermédiaires financiers, accord cadre.

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