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Mühleberg: la sécurité avant le rendement

La centrale de Mühleberg ne répond plus aux normes de sécurité post-Fukushima, ont estimé les juges fédéraux. Reuters

Une victoire des anti-nucléaires, même s’ils n’ont peut-être fait que gagner du temps. Pour la presse suisse, la décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) d’arrêter la centrale de Mühleberg dès 2013 est aussi un désaveu des autorités politiques et de surveillance.

Les anti-nucléaires ont sabré le champagne hier soir devant le siège des Forces motrices bernoises (FMB), propriétaires de la centrale. Au vu des fissures dans le manteau du réacteur, des risques en cas de tremblement de terre et de l’absence de moyens de refroidissement indépendants de la rivière Aar, le TAF leur a donné raison et ordonné l’arrêt de Mühleberg pour juin 2013.

Si elles veulent continuer à l’exploiter malgré tout, les FMB devraient déposer auprès du ministère de l’Energie une demande assortie d’un concept d’entretien complet. Elles devraient y détailler comment et à quel prix elles entendent remédier aux défauts.

Le Bund rappelle que cette décision «étonnamment claire du TAF ne signifie pas encore la fin de la centrale de Mühleberg» mais qu’elle constitue tout de même «un grand pas vers sa mise hors service». Et quoi qu’il en soit, les FMB, qui jusqu’ici «ont tablé entièrement sur le maintien de la centrale, devront revoir leur stratégie et feraient bien de se préparer dès maintenant à un avenir sans Mühleberg», avertit le quotidien bernois.

A Fribourg, La Liberté se demande s’il vaut la peine «d’investir des millions à la pelle pour retaper Mühleberg. La question taraude les FMB. La centrale couvre tout de même 30% de la production électrique de la société». Car il faudra notamment «trouver un autre moyen que l’Aar pour refroidir la centrale en cas de problème. Ventilateur géant ou prise d’eau dans la Sarine, la mesure reviendrait à une bonne centaine de millions, montant avoué du bout des lèvres par les dirigeants des FMB».

«Alors que le renouvelable ne représente qu’une part négligeable de sa production, ne serait-il pas temps pour la société bernoise d’investir cet argent ailleurs?», demande le quotidien.

Pouvoir des juges, pouvoir du peuple

Pour le Blick, cette décision «illustre une fois de plus l’importance d’une justice indépendante et incorruptible».

«Ce qui est alarmant, c’est qu’il faille un tribunal pour tirer le frein d’urgence à Mühleberg. Le fait est que la majorité du monde politique est sous l’influence et sous la pression du lobby atomique et de ses experts et que les intérêts économiques pèsent plus lourd que la sécurité de la population. C’est cynique et après Fukushima, nous savons comment cela peut finir», écrit le tabloïde.

Le jugement d’hier montre très clairement que «la catastrophe de Fukushima a conduit au fait qu’aujourd’hui les juges ne laissent plus à l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) et au ministère de l’Energie la décision de laisser tourner une centrale nucléaire», note la Berner Zeitung.

Mais pour le quotidien bernois, «le pouvoir de décision dans des questions de ce genre ne doit pas revenir aux juges. C’est le peuple qui est la bonne instance pour décider si le risque est supportable ou non». C’est pourquoi les Bernois devraient pouvoir voter rapidement sur l’initiative populaire qui demande l’arrêt de Mühleberg, à moins, «ce qui n’est pas exclu, que la direction des FMB, énervée, ne décide d’appuyer soudain sur le bouton d’arrêt».

La Neue Zürcher Zeitung souligne pour sa part que le jugement du TAF est surtout sévère pour l’ancien ministre de l’Energie Moritz Leuenberger, «parce qu’il avait donné à la centrale une autorisation d’exploitation illimité et laissé à la seule IFSN la compétence de décider sur les questions de sécurité».

Et maintenant?

«Il ne fait aucun doute que ce gros coup de semonce va modifier le calendrier de sortie du nucléaire que la Suisse s’était fixé», écrit 24 heures. D’autant que les mêmes plaignants à qui le TAF vient de donner raison ont dans le viseur Beznau, la plus ancienne centrale en activité du monde. Du coup, la décision d’arrêter progressivement les centrales entre 2019 et 2034 risque de ne plus tenir et «il va falloir penser et réagir beaucoup plus vite», avertit le quotidien vaudois.

«Soyons réalistes», exhorte quant à elle La Tribune de Genève. «La page de l’atome suisse n’est pas encore tournée. On argumente que le Japon a réussi à survivre du jour au lendemain à l’arrêt de ses centrales nucléaires. C’est vrai, mais les réalités du rationnement (ascenseurs hors service, air conditionné débranché en pleine canicule ou travail le week-end pour certaines industries) risquent de ne pas avoir la cote».

«Et faute de pouvoir développer les alternatives vertes en quelques mois seulement, l’achat de courant étranger dans l’urgence aurait un effet direct sur les factures», avertit le quotidien, pour qui «plus les sacrifices nécessaires à une sortie du nucléaire seront proches et plus les bonnes résolutions risquent de fondre».

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