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Peter Maurer ne voit pas de «déclin américain»

En juillet, Peter Maurer quittera le Département des Affaires étrangères pour prendre la tête du CICR. Keystone

Numéro deux de la diplomatie helvétique, le Secrétaire d’État était à Washington pour les réunions annuelles du Groupe de travail conjoint Etats-Unis-Suisse. Peter Maurer, qui ne croit pas au déclin américain dont il est souvent question, réaffirme l’importance des liens entre les deux pays.

En juillet, Peter Maurer quittera le Département des Affaires étrangères pour prendre la tête du CICR.

Vingt-cinq rendez-vous étaient au programme du Secrétaire d’État, la plupart organisés dans le cadre des réunions annuelles du Groupe de Travail Conjoint Etats-Unis-Suisse, un forum pour officiels de haut rang lancé en 2006. Peter Maurer était à la tête d’une délégation de dix personnes qui a conduit avec des membres de l’administration Obama des discussions qualifiées d’«approfondies».

Le numéro deux du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) a ainsi eu des entretiens avec certains des conseillers les plus en vue du président Barack Obama et de la ministre des Affaires étrangères Hillary Clinton. Peter Maurer a notamment rencontré son homologue américain Bill Burns. 

«Une occasion pour les deux parties de faire le point, d’envisager les prochaines étapes et de voir où se situent les divergences», indique Peter Maurer à swissinfo.ch.

Querelle fiscale

Car des divergences, il y en a. Et aucune ne semble aussi «délicate», – pour reprendre un terme du Secrétaire d’État -, que l’affaire d’évasion fiscale qui complique les relations bilatérales depuis trois ans. «C’est vraiment un problème pour la plupart de mes interlocuteurs au Département d’État et à la Maison Blanche», déclare Peter Maurer.

Le secrétaire d’État refuse d’entrer dans les détails des négociations en cours entre les deux gouvernements en vue d’un accord global dans ce dossier. Il exprime toutefois l’espoir que l’implication du Département d’État américain dans les négociations, aux côtés du Service des Impôts et du ministère de la Justice, «pondère» la position américaine en soulignant ce que Peter Maurer appelle «l’importance des relations des Etats-Unis avec la Suisse».

À cet égard, l’autorité donnée par les Etats-Unis à la Suisse pour représenter leurs intérêts en Iran et à Cuba joue un rôle crucial dans la relation entre les deux pays. Peter Maurer note que «l’Iran est un intérêt national essentiel dans le débat politique à Washington et le dossier qui intéresse le plus, et de loin, mes interlocuteurs américains».

Coopération

Berne et Washington collaborent toutefois sur bien d’autres fronts. Du Kosovo à la Libye en passant par la e-diplomatie, un volet du dialogue international qui utilise les réseaux sociaux sur le web, et sur lequel Peter Maurer dit travailler «de manière extrêmement étroite» avec le Monsieur Internet d’Hillary Clinton, Alec Ross.

«La Suisse et les Etats-Unis ont toujours eu beaucoup de liens économiques et financiers, mais il y a aussi de plus en plus d’échanges et de coopération politiques», observe Peter Maurer.

Et de citer le récent accord négocié par la Suisse qui assure l’entrée de la Russie à l’Organisation Mondiale du Commerce en levant l’objection de la Géorgie. Autre exemple: à la demande des deux parties, la Suisse accueille et «facilite» désormais des pourparlers de haut niveau entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Peter Maurer n’en parlera toutefois pas, Berne s’étant engagée à la discrétion sur le sujet.

À l’évidence, le Secrétaire d’État espère que l’Administration Obama ne perdra pas de vue l’importance de cette collaboration politique quand il s’agira de résoudre le problème fiscal soulevé par les scandales chez UBS et Credit Suisse, les deux grandes banques helvétiques.

Pour sa part, le ministère américain des Affaires étrangères affirme se réjouir à l’idée de «la poursuite de la coopération étroite avec le ministère suisse dans toute une série de dossiers et de la collaboration visant à traiter conjointement des défis mondiaux».

Guantanamo

La visite de Peter Maurer à Washington pourrait cependant être sa dernière en tant que numéro deux du DFAE. En juillet en effet, il doit prendre la tête du Comité international de la Croix Rouge (CICR), un poste pour lquel il ne souhaite pas encore parler de ses objectifs.

Et la prison de Guantanamo? A la question de savoir s’il a soulevé le problème auprès de ses interlocuteurs américains, le secrétaire d’État répond que c’est là «une des facettes des droits humains dont nous avons parlé, mais pas un thème-clé».

Aujourd’hui, la prison controversée semble avoir sombré dans l’oubli diplomatique. Confronté à cette remarque, Peter Maurer maintient que Guantanamo «n’est pas oubliée». «Nous savons où se situent les limites par rapport à ce que l’on peut accomplir dans ce dossier, donc oui, c’est une question qui est constamment au menu des discussions, mais il n’y a pas de signes indiquant des progrès», ajoute-t-il.

Le déclin de l’empire?

Pour le reste, Peter Maurer ne croit guère au déclin supposé de l’Amérique en tant que seule superpuissance mondiale, que de nombreuses voix annoncent, dans le pays comme à l’extérieur, notamment dans la foulée d’une crise économique qui se prolonge et de deux longues guerres en Irak et en Afghanistan.

Dans ces conditions, le gouvernement suisse n’a-t-il pas fait une erreur en 2005 en posant le développement des relations avec les Etats-Unis en tête de ses priorités de politique étrangère? Pas du tout, répond Peter Maurer, le gouvernement «a mis en plein dans le mille».

«Les Etats-Unis restent un pays qui a des intérêts et quelque chose à dire pratiquement dans tous les dossiers et dans tous les recoins du monde, plaide le Secrétaire d’État. Quand je vois la capacité qu’ils ont d’innover et de surmonter les problèmes, je me dis qu’ils continuent d’être un modèle de société très intéressant et cela va rester le cas pendant longtemps».

Né le 20 novembre 1956, entré au service diplomatique en 1987, il a été ambassadeur de la Suisse auprès de l’ONU à New York de 2004 à 2010. Depuis mars 2010, il est Secrétaire d’État, soit numéro deux du Département fédéral (ministère) des Affaires étrangères. En juillet 2012, il prendra ses nouvelles fonctions en tant que président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Peter Maurer a séjourné à Washington du 15 au 18 novembre. Le secrétaire d’État y conduisait une délégation suisse de 10 personnes aux réunions annuelles du Groupe de travail conjoint Etats-Unis-Suisse, un forum créé en 2006. Il a eu une série d’entretiens bilatéraux avec de hauts responsables de l’administration Obama

Au Département d’État américain, il a rencontré William Burns, ministre adjoint des Affaires étrangères, Maria Otero, sous-secrétaire d’État aux Affaires mondiales et Alec Ross, conseiller spécial pour l’Innovation

Au Conseil national pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, il s’est entretenu avec Samantha Power, assistante spéciale du président Obama et directeur des questions multilatérales, Dennis Ross, assistant spécial du président et directeur pour la région centrale, et Elizabeth Sherwood-Ran, assistante spéciale du président et directeur des affaires européennes.

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