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Ce que Donald Trump a changé chez les républicains – et ce qui se retrouve aussi à l’UDC

Christoph Blocher, leader récemment retraité de l'UDC et Donald Trump, président des Etats-Unis. Deux champions du dénigrement des élites et des minorités. Mais en Suisse, le démantèlement des droits est allé moins loin. Keystone

Où sévit le populisme? Où les convenances se perdent-elles? Une nouvelle étude de l’Université de Göteborg l’évalue dans le monde entier. Les États-Unis de Donald Trump connaissent de sérieux accès. Et la Suisse se manifeste également.

L’indignation était grande: la mondialisation est remise en question. Des politiciens antidémocratiques arrivent au pouvoir. En 2016, la Grande-Bretagne disait non à l’Union européenne. Et peu après les États-Unis élisaient Donald J. Trump à la présidence.

Un excès de volonté populaire nuit à la démocratie représentative, a-t-on dit par la suite.

A-t-on noirci le tableau ou s’agissait-il d’un pressentiment légitime?

Vaste comparaison mondiale

Précisément alors que s’achève le premier mandat de Donald J. Trump, les expertes et les experts en démocratie de Varities of DemocracyLien externe, le plus large projet au monde de recherche en la matière, ont examiné 3489 partis politiques, réunissant et analysant plus d’un million de données.

Deux questions figuraient au premier plan:

  1. Dans quelle mesure la rhétorique populiste s’est-elle renforcée?

La thématisation de la distinction entre corruption des élites et pureté du peuple constitue ici un des critères de réponse et de mesure.

  1. Quelle est l’ampleur des positions et attitudes antidémocratiques?

Ici, le critère est le manque de respect à l’égard des adversaires politiques.

Le grand avantage du projet développé en Suède: il se base sur des observations et des mesures qui permettent non seulement de réaliser des comparaisons internationales, mais aussi de saisir les développements au cours des cinquante dernières années.

États-Unis: le populisme et l’illibéralisme des républicains

Aux États-Unis, les républicains au pouvoir depuis quatre ans se distinguent. Les indicateurs du taux de populisme ont fortement progressé.

Principale raison: sous la présidence de Donald Trump, les critiques contre les élites dirigeantes mondiales sont devenues quotidiennes. En outre, la politique gouvernementale contre l’immigration a changé et s’est renforcée.

Chez les démocrates, le phénomène est presque inexistant. Il n’y en a pas trace sur l’immigration, et à peine dans la critique des élites.

L’abandon des normes démocratiques se manifeste en outre chez les républicains par une perte de respect. Les agressions directes contre les opposants au président se sont multipliées. Et finalement, les droits des minorités ne sont respectés que de manière sélective.

En établissant des comparaisons dans la durée, la nouvelle étude parvient également à montrer que cette tendance s’est amorcée autour de 2008. C’est l’époque où les démocrates ont gagné les élections sous la conduite de Barack Obama et où a émergé le mouvement Tea Party avec ses critiques contre l’administration Obama, en particulier la réforme prévue du système de santé.

Le mandat qu’achève Donald Trump montre que le populisme et l’illibéralisme n’ont certainement pas reculé avec l’alternance de 2016. Ils ont au contraire progressé pour atteindre des taux record.

Les résultats de l’étude mettent cependant également en évidence les différences avec les régimes autocratiques classiques tels que ceux que connaissent la Hongrie et la Pologne. Parce qu’aux États-Unis, un système de freins et de contrepoids préserve le pluralisme des partis.

Suisse: davantage de populisme mais moins d’illibéralisme à l’UDC

Pour la Suisse, les données analysées pour la première fois dans cette étude montrent trois choses:

  1. L’UDC est indubitablement touchée par les développements en question.
  2. Ici, le populisme s’est manifesté plus tôt et généralement plus fortement.
  3. Les tendances antidémocratiques de l’UDC sont moins marquées que celles des républicains américains.

La mutation en Suisse s’est produite au début des années 1990 lorsque le Conseil fédéral a proposé d’adhérer à l’EEE (Espace économique européen). Cette question a ouvert les vannes du populisme de droite tel qu’on le connaît aujourd’hui et a donné naissance à la nouvelle UDC.

Mais les symptômes que les expertes et les experts suédois constatent à l’UDC sont un peu différents de ceux des républicains. Les «appels au peuple» sont plus fréquents, parallèlement à la critique des élites, en particulier le Conseil fédéral et l’administration. Mais comme chez les républicains, les attaques verbales contre les opposants politiques ont augmenté et on est moins prêt à laisser les minorités s’exprimer.

Le populisme reste en revanche faible au PDC, au PLR et chez les Vert’libéraux. Les taux sont un peu plus élevés au PS, chez les Verts et au PBD, mais n’ont rien de comparable avec ceux de l’UDC.

Les valeurs les plus élevées ont été enregistrées au début des années 2010 après que l’UDC a quitté le Conseil fédéral suite à la non-réélection de Christoph Blocher. Le parti a ensuite mené une politique d’opposition manifeste, également contre le système. Elle s’est un peu tempérée à partir de 2015, même sans changement essentiel. Depuis, les forces modératrices ont regagné une certaine influence dans la culture politique.

Une rhétorique comparable

Une des autrices de l’étude, Anna LührmannLien externe, écrit qu’il est aujourd’hui incontestable que cette évolution touche les formations politiques de droite du monde entier, y compris dans les démocraties bien établies. Aux États-Unis, elle affecte les républicains qui se sont rapprochés des partis illibéraux et populistes de droite tels que le Fidesz en Hongrie ou le PiS («Droit et justice») en Pologne. La chercheuse donne ainsi raison aux critiques de Donald Trump sur les points essentiels.

On peut ajouter qu’en Suisse cela concerne essentiellement l’UDC. Sa rhétorique politique est certainement comparable à celle des républicains actuels. Toutefois, les positions antidémocratiques sont plus rares. En outre, contrairement aux États-Unis, cette tendance semble déjà avoir atteint son point culminant.

Et maintenant?

Si Donald Trump perd l’élection présidentielle, on sera tenté de dire que la page est tournée. Mais s’il gagne, tout indique que les tendances antidémocratiques et la rhétorique populiste pourront poursuivre sans entrave leur marche conquérante.

Les protagonistes de l’UDC voient la situation de manière inverse: le conseiller national Roger Köppel, éditeur de l’hebdomadaire Die Weltwoche, compare Donald Trump à une chimiothérapie contre le cancer: effroyable mais nécessaire. Et il tweete lui aussi, comme son modèle:

«Si Trump perd, la gauche radicale ne va pas seulement s’imposer aux États-Unis. Nous subirons aussi en Europe et en Suisse encore plus de politiquement correct, moins de liberté d’expression, encore plus d’État, de Fake News et de paternalisme.»

(Traduction de l’allemand: Olivier Huether)

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