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Suisse: l’admission provisoire de 3200 Erythréens menacée

manifestation
Manifestation à Lausanne en 2015 contre les renvois Dublin des requerants d'asile. Keystone

Les réfugiés érythréens admis à titre provisoire pourraient perdre leur statut. Ils ont reçu un courrier de la Confédération stipulant que leur permis est réexaminé, suite à un jugement du Tribunal administratif fédéral. Les ressortissants éthiopiens sans statut de réfugié pourraient également être renvoyés.

La cour avait conclu en 2017 que les ressortissants érythréens déboutés qui avaient effectué leur service obligatoire dans leur pays ne devaient pas s’attendre à être reconvoqués par l’armée ou punis à leur retour. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) estimait donc qu’un retour en Erythrée «ne peut pas être considéré d’une manière générale comme inexigible.»

Suite à ce jugement, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEMLien externe) est en train d’examiner les dossiers de 3200 des 9400 réfugiés érythréens admis à titre provisoire. «Le SEM a ainsi l’intention de lever l’admission provisoire et d’ordonner l’exécution du renvoi», stipulent les lettres envoyées aux concernés.

Actuellement, la Suisse ne peut imposer le renvoi des Érythréens dans leur pays d’origine. Le gouvernement érythréen ne montre pas de volonté à accueillir ses ressortissants qui ont fui. Et il n’existe pas d’accord de réadmission.

Le porte-parole du SEM Martin Reichlin précise que chaque cas est traité individuellement. Ses explications à la RTSLien externe :

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Incompréhension de la société civile

L’organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSARLien externe) a fait part jeudi de son incompréhension face à cette décision. Elle demande à la ministre de la justice Simonetta Sommaruga de renoncer immédiatement à l’examen des dossiers des réfugiés érythréens admis provisoirement. Les personnes concernées resteraient malgré tout en Suisse et seraient simplement poussées vers l’aide d’urgence, ajoute l’OSAR.

Pour le conseil suisse de la paix, la Suisse soutient ainsi directement la dictature en Érythrée. En réexaminant le cas de plus de 3200 réfugiés érythréens, la Confédération pratique une politique purement symbolique sur le dos des plus faibles de la société. Le conseil suisse de la paix demande au SEM d’arrêter immédiatement le réexamen des dossiers.

Amnesty InternationalLien externe prie aussi le SEM de ne pas supprimer le statut de ces personnes. Pour l’organisation, la mesure n’est qu’une réaction à la pression politique intérieure.

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Les Ethiopiens en ligne de mire

De son coté, l’Ethiopie voisine s’est déclarée prête à reprendre ses ressortissants dont la demande d’asile a été rejetée par la Suisse. Cette décision est liée à un accord passé entre l’UE et l’Ethiopie, qui vaut aussi pour la Suisse en tant que pays membre de l’espace Schengen.

Lors d’un “dialogue politique” en mars, la Suisse et l’Ethiopie ont convenu que l’accord de “réadmission des ressortissants éthiopiens sans droit de séjour ou en séjour illégal” sera aussi valable pour la Suisse, a indiqué jeudi à l’ats le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM).

Pour pouvoir être réadmises, les personnes doivent être reconnues comme citoyennes par les autorités éthiopiennes. Si elles ne disposent pas de documents d’identité ou de voyage valables, elles devront “tout d’abord être identifiées par les autorités éthiopiennes”.

Pour identifier ses ressortissants, l’Ethiopie a mandaté ses services secrets, le National Intelligence and Security Service (NISS). La Suisse ne leur fournira que les données nécessaires pour établir l’identité de la personne et qui peuvent être légalement transmises, précise le SEM.

Pour Amnesty International, cette collaboration avec le NISS est “hautement problématique”. L’Ethiopie est connue pour ses méthodes de surveillance et le NISS dispose de pouvoirs étendus dans le pays. Il faut partir du principe que la diaspora en Suisse est déjà surveillée actuellement. Avec cette coopération, la situation va empirer pour les opposants au régime.

Selon le SEM, environ 300 ressortissants éthiopiens ayant fait l’objet d’une décision de renvoi séjournent actuellement en Suisse. 

Parmi eux figure l’ex-iman radical de la mosquée An’Nur de Winterthour (ZH), condamné en novembre dernier à 18 mois de prison avec sursis notamment pour incitation au crime ou à la violence. L’homme de 25 ans avait disparu après son procès. Il a entre-temps été arrêté en Allemagne. Il sera ramené en Suisse puis renvoyé en Ethiopie.

 

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