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Les Suisses ne voteront pas sur les accords fiscaux

Les opposants aux accords dits Rubik n'ont pas réussi à récolter les 50'000 signatures nécessaires. Keystone

Le peuple suisse ne se prononcera pas sur les accords fiscaux signés avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Autriche. Les référendaires n’ont pas obtenu les 50'000 signatures nécessaires. Côté suisse, ces accords sont donc sous toit. La balle est désormais dans le camp allemand.

La nouvelle, communiquée mardi par la Chancellerie fédérale, sonne comme un échec cinglant pour l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), la Jeunesse socialiste et les Jeunes UDC qui s’étaient lancés dans la bataille référendaire contre les accords fiscaux. Ils n’ont pas réussi à réunir dans les délais (jeudi dernier minuit) assez de paraphes.

Les comités ont déposé 48’533 signatures contre le traité avec Berlin. Après double dépouillement et contrôle effectués par la Chancellerie, il manque donc environ 1500 signatures valables. Pis encore pour les accords avec Londres (47’554 paraphes, manquent 2500) et avec Vienne (46’848, manque plus de 3000), selon les chiffres transmis par la chancelière Corina Casanova.

La faute à une récolte qui a dû être menée durant les vacances d’été, se plaint l’ASIN dans un communiqué. Et d’affirmer que quelque 14’700 paraphes sont restés bloqués dans les communes (4974 pour l’Allemagne, 4722 pour la Grande-Bretagne et 5033 pour l’Autriche).

Recours possible

Formellement, les référendaires pourraient encore faire recours. Les décisions de la Chancellerie seront transmises aux comités qui auront au moins une semaine pour demander à être entendus. Puis le non-aboutissement sera publié dans la «Feuille fédérale», avec délai de recours de 30 jours au Tribunal fédéral.

A noter que, vu les résultats serrés, le référendum contre l’accord avec l’Allemagne fera encore l’objet d’un contrôle interdépartemental supplémentaire. Mais pour la Chancellerie fédérale, l’affaire est close.

Les 50’000 signatures nécessaires n’ont pas été déposées contre les trois accords et la loi sur l’imposition internationale à la source, qui en précise l’application, n’a pas été combattue. Les Suisses ne voteront donc que sur la loi sur les épizooties le 25 novembre.

Si l’échec des référendums enlève une épine du pied du Conseil fédéral et en particulier de la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf, il ne marque pas pour autant la fin de la partie. Les trois traités sont prévus pour entrer en vigueur le 1er janvier.

Outre l’aval des Chambres fédérales, déjà acquis, ils doivent recevoir celui des parlements des pays concernés. Et, en Allemagne, l’opposition de la gauche, majoritaire à la Chambre des Länder, risque bien d’être fatale à l’accord (voir ci-contre).

Préserver le secret bancaire

Les accords fiscaux passés avec l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Autriche reposent sur les mêmes bases. Le Conseil fédéral mise sur cette démarche pour conserver le secret bancaire et contrer l’échange automatique de données prôné par l’Union européenne (UE).

Le gouvernement aimerait ainsi en signer avec d’autres pays et négocie actuellement avec la Grèce. Les trois traités donnent au contribuable étranger le choix entre une déclaration de ses avoirs au fisc de son pays et une imposition anonyme.

Dans ce dernier cas, la taxe est prélevée par les banques suisses en vue d’être reversée à l’Etat concerné. Celui qui refuse de régulariser ses comptes et dépôts sera tenu de les fermer. Comme les accords doivent entrer en vigueur en janvier, certains contribuables auront encore le temps de retirer auparavant leurs avoirs de Suisse. Berne s’est toutefois engagé face aux trois pays concernés à indiquer les dix Etats vers lesquels la grande majorité des avoirs auront été transférés et combien de personnes auront recouru à cette démarche.

Taux variés

Les traités se distinguent par les taux prévus. Celui appliqué à la taxe unique de régularisation variera de 21 à 41% pour l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Pour l’Autriche, la fourchette est de 15 à 38%. Les banques suisses devront s’acquitter à l’avance d’un forfait auprès des fiscs allemand (2 milliards de francs) et britannique (500 millions). Un tel acompte n’est pas demandé par Vienne.

Concernant la taxation des futurs rendements du capital, le taux prévu par l’accord avec l’Allemagne est de 26,375% et celui avec l’Autriche de 25%; pour le Royaume-Uni, il s’échelonne entre 27 et 48%. Seuls les traités avec Berlin et Londres s’appliquent aussi aux successions, avec une imposition de respectivement 50 et 40%.

Vienne n’a pas non plus réclamé d’entraide administrative élargie pour déceler des fraudeurs éventuels. Le fisc allemand devrait en revanche pouvoir contrôler les données d’un contribuable en demandant à Berne si ce dernier détient ou détenait, au cours de la période de taxation, un compte en Suisse. Il ne sera pas nécessaire d’indiquer le nom de la banque.

Ces demandes devront se fonder sur des faits plausibles et leur nombre sera limité à 1300 sur deux ans dans un premier temps. Une pêche aux informations («fishing expedition») reste exclue. Même concept pour le fisc britannique mais avec un plafond à 500 requêtes par an dans un premier temps.

Candidat du Parti social-démocrate (SPD) face à la chancelière allemande Angela Merkel aux élections législatives de 2013, Peer Steinbrück a une nouvelle fois formulé de vives critiques lundi. Sous sa forme actuelle, l’accord n’est pas acceptable, a-t-il déclaré suite à sa nomination officielle par la direction du parti en tant que candidat social-démocrate.

La Suisse doit s’engager davantage pour combattre la fraude fiscale. L’Allemagne doit rendre ses citoyens plus honnêtes envers le fisc, il en va de la justice sociale, a-t-il déclaré. Et d’ajouter que pour le SPD, la fraude fiscale n’est pas un problème anecdotique.  

En dépit de l’opposition des Länder dirigés par le SPD et les Verts, le ministère des Finances estime que l’accord fiscal avec la Suisse a encore une chance d’être ratifié par le Bundesrat (Chambre des Länder). Lorsque le marché des CD volés sera épuisé, les Länder auront en effet besoin d’un autre moyen pour récupérer les avoirs déposés illégalement en Suisse par leurs administrés, estime le ministère des Finances.  

S’il était ratifié, l’accord fiscal entre la Suisse et l’Allemagne devrait rapporter près de 10 milliards d’euros au fisc allemand. Le ministère des Finances estime qu’environ 280 milliards d’euros de capital allemand est actuellement administré par des banques suisses.

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