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Suisse-Europe: l’Union ressort l’artillerie lourde

L'ambassade de l'UE à Berne a du travail en perspective. Keystone

Les relations entre la Suisse et l’Union européenne ne sont pas encore apaisées… Dans un projet de conclusions, l’UE multiplie les coups de boutoir contre Berne – peu lui importe, visiblement, que la Suisse soit entrée en campagne électorale.

La voie bilatérale qu’a empruntée la Suisse pour se rapprocher de l’Union européenne? Elle a «clairement atteint ses limites». Le fonctionnement de certains accords que les deux partenaires ont conclus? Il ne laisse de «préoccuper» à Bruxelles, en même temps que les distorsions de concurrence engendrées par certains régimes fiscaux helvétiques.

Le texte du projet a été rédigé par la présidence belge de l’Union, dans le cadre d’un exercice de réévaluation des relations entre le club communautaire d’un côté, trois pays de l’Association européenne de libre-échange (la Suisse, la Norvège et le Liechtenstein) de l’autre. Il a été présenté le 4 novembre aux experts du «groupe AELE» de l’UE, qui en débattront le 10 novembre.

Il subira certainement des modifications avant d’être soumis, le 13 décembre, à l’approbation des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept (la diplomatie suisse s’évertuera sans aucun doute à adoucir certains passages), mais n’en demeure pas moins révélateur de l’irritation croissante que provoque la Suisse à Bruxelles.

Bonnes relations: oui, mais…

L’UE commence par se féliciter de certains progrès accomplis depuis décembre 2008, lorsqu’elle avait établi un premier bilan, critique, de ses relations avec Berne: la Suisse a adhéré à Schengen, elle a creusé le tunnel du Gothard, elle a débloqué des fonds afin d’aider la Roumanie et la Bulgarie à rattraper leur retard socio-économique sur leurs partenaires – les Vingt-Sept comptent d’ailleurs sur la Suisse pour continuer à faire preuve d’une «forte solidarité», alors que les pays des Balkans occidentaux se pressent à leur portillon…

Les «bonnes, intenses et vastes» relations qu’entretiennent la Suisse et l’Union, au travers de quelque 120 accords sectoriels, doivent toutefois être revues de fond en comble, constatent les Vingt-Sept. «Le défi clé, pour les années à venir, sera d’aller au-delà du bilatéralisme, qui a clairement atteint ses limites.»

Pourquoi? La gestion de ces nombreux accords est devenue «extrêmement complexe», en raison de «l’absence d’arrangements institutionnels horizontaux», souligne le texte, qui dénonce la surcharge administrative et l’incertitude juridique qu’engendre la politique actuelle d’intégration européenne de la Suisse.

Pour l’Union, il est nécessaire – et urgent, peu importe que pointent à l’horizon l’échéance des élections fédérales suisses d’octobre 2011, qui rend le dossier encore plus sensible – d’instaurer des mécanismes permettant d’adapter rapidement les accords existants aux évolutions du droit communautaire, de surveiller et de garantir leur bonne application ainsi que de résoudre les inévitables différends qui émaillent les relations entre Berne et Bruxelles.

Il s’agit d’une condition indispensable au développement de ces relations, soulignent le projet de conclusions, en rappelant qu’en 2008 déjà, les Vingt-Sept avaient insisté sur la nécessité d’assurer «une application et une interprétation homogène de l’acquis (ndlr: la législation et la jurisprudence de l’UE) en constante évolution» en Suisse et dans l’UE, afin de préserver l’intégrité du marché unique européen dans lequel la Suisse est fortement intégrée.

On est toujours loin du compte, déplore l’Union, qui se dit une fois encore «très préoccupée» par l’introduction en Suisse de certaines «mesures législatives et pratiques» incompatibles avec le bon fonctionnement des accords de libre-échange et sur la libre circulation des personnes qui ont été conclus.

La fiscalité en cause

Le texte accorde une importance particulière aux problèmes fiscaux. L’Union «regrette» notamment que se poursuive le conflit sur la fiscalité cantonale des holdings – elle omet cependant d’en attribuer une part de responsabilité à l’Italie. En outre, elle critique ouvertement la mise en œuvre de la Nouvelle politique régionale suisse, dont certaines dispositions relatives à la fiscalité des entreprises «pourraient provoquer des distorsions de concurrence» de part et d’autre de la frontière helvétique.

D’autres thèmes fiscaux occuperont beaucoup les négociateurs suisses et européens dans le futur, confirme par ailleurs le projet de conclusions.

Ainsi, l’UE «invite la Suisse à ouvrir un dialogue» avec elle en vue d’appliquer sur son territoire le code de (bonne) conduite que les Vingt-Sept ont adopté en 1997 dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Elle appelle également Berne à entrer en négociations afin de conclure un accord sur l’échange d’informations fiscales qui permettrait d’étendre à la fiscalité directe l’accord sur la lutte contre la fraude qui les lie déjà.

1961: Sept pays, dont la Suisse, signent le traité instaurant l’Association européenne de libre-échange (AELE).

1963: La Suisse rejoint le Conseil de l’Europe.

1992: Le gouvernement demande l’ouverture de négociations pour adhérer à l’Union européenne. La candidature suisse est toujours en suspens.

2006: Le rapport du Conseil fédéral sur l’intégration européenne explique clairement que la politique européenne de la Suisse est basée sur les relations bilatérales.

Depuis 1972, la Suisse et l’Union européenne ont signé près de 120 accords.

1992: Rejet par 50,3% des Suisses du Traité demandant l’adhésion à l’Espace économique européen (EEE).

1997: Les citoyens suisses refusent à 74% de se prononcer sur l’adhésion à l’Union européenne, comme le souhaitaient les partis de la droite conservatrice et nationaliste.

2000: Le premier paquet des accords bilatéraux (libre circulation des personnes, obstacles techniques au commerce, marchés publics, agriculture, transport aériens et terrestres, participation de la Suisse aux programmes de recherche de l’UE) est approuvé par 67,2% des votants.

2005: Le second paquet des accords bilatéraux (sécurité intérieure, asile, environnement ou culture) est également accepté à une large majorité. L’extension de la libre-circulation des travailleurs aux dix nouveaux Etats-membres de l’UE passe également le cap des urnes.

2006: Le peuple accepte (53,4%) de soutenir financièrement la transition politique et économique des nouveaux Etats-membres de l’Union européenne.

2009: L’électorat accepte de reconduire l’accord de libre-circulation et de l’étendre à la Roumanie et à la Bulgarie. Il approuve le versement d’un milliard de francs «de cohésion» à la Roumanie et à la Bulgarie.

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