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Un raid israélien qui suscite de vives critiques

Au moins dix militants pro-palestiniens ont perdu la vie durant l'assaut des forces israéliennes contre la flottile internationale qui tentait de contourner le blocus de Gaza. Keystone

L'assaut meurtrier mené par l'armée israélienne contre la flottille de militants pro-palestiniens qui tentaient de forcer le blocus de Gaza a provoqué les réactions indignées de la communauté internationale. La Suisse demande l'ouverture d'une enquête internationale.

Six bateaux avec à leur bord des centaines de militants et de sympathisants pro-palestiniens ont appareillé dimanche après-midi à destination de Gaza. Ils voulaient y acheminer de l’aide et contourner le blocus imposé au territoire sous contrôle du Hamas.

La marine israélienne avait annoncé son intention d’empêcher la flottille, de force si nécessaire, de s’approcher des côtes de la bande de Gaza, soumise par Israël à un blocus strict – sauf pour les produits de première nécessité – depuis la prise de contrôle du territoire par le mouvement islamiste Hamas en juin 2007.

La menace a été mise à exécution lundi matin à l’aube dans les eaux internationales au large d’Israël. Le cargo turc Mavi Marmara a été pris d’assaut par des commandos de l’armée israélienne. L’armée a indiqué que les violences s’étaient limitées au bateau turc et qu’aucun incident ne s’était produit dans les cinq autres bateaux.

Des images du bateau turc, diffusées par les télévisions internationales et sur internet, montrent des commandos israéliens en noir descendant d’hélicoptère en rappel. S’ensuivent des affrontements avec des militants pro-palestiniens. On y voit également des blessés gisant sur le pont et une femme voilée emmenée sur un brancard.

Affrontements sanglants

Lundi après-midi, il régnait encore une grande confusion quant au nombre de victimes. Selon l’armée israélienne, neuf passagers ont été tués et sept soldats blessés, dont deux grièvement. Une ONG turque à Gaza, qui a participé au convoi, a parlé d’au moins 15 morts, pour la plupart des Turcs.

Selon la télévision israélienne, les membres du commando de la marine israélienne ont ouvert le feu après avoir été attaqués à coups de hache et de couteaux par certains des passagers de la flottille. Mais ces derniers ont accusé les soldats d’avoir ouvert le feu sans justification.

«Durant l’opération, des soldats israéliens ont été confrontés à de dures violences physiques. Certains des passagers ont utilisé des armes blanches et des armes de poing et on a tenté aussi d’arracher l’arme d’un des soldats. Face à la nécessité de défendre leur vie, les soldats ont employé des moyens anti-émeute et ont ouvert le feu», a précisé un communiqué de l’armée.

Vives réactions

Les réactions indignées du monde entier n’ont pas tardé à se faire entendre. Des manifestations ont notamment eu lieu au Liban, en Turquie et en Jordanie. La Turquie a prévenu Israël de «conséquences irréparables» sur les relations bilatérales en condamnant «fortement ces pratiques inhumaines d’Israël». Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé Israël d’avoir commis un acte de «terrorisme d’Etat».

A Gaza, le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle l’enclave palestinienne, a appelé les Arabes et les musulmans à un «soulèvement» devant les ambassades d’Israël.

De son côté, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a condamné le «massacre» et décrété trois jours de deuil dans les territoires palestiniens. Au Caire, la Ligue arabe a qualifié de «crime contre une mission humanitaire» le raid contre la flottille internationale.

La Suisse veut une enquête

L’ONU s’est dite «choquée», tandis que l’Union européenne a demandé une «enquête complète» des autorités israéliennes sur les circonstances du raid. De nombreux gouvernements ont convoqué les ambassadeurs israéliens présents sur leur territoire pour exiger des explications.

La Suisse a également fait part de sa «très vive préoccupation» et demandé qu’une enquête internationale soit conduite sur les circonstances du drame. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a «invité» l’ambassadeur d’Israël pour lui faire part de sa préoccupation.

Dans un communiqué, le DFAE rappelle à Israël son obligation d’assurer le ravitaillement de la population de Gaza. La Suisse a «proposé à plusieurs reprises la mise en place d’un mécanisme international permettant un accès régulier à la Bande de Gaza», écrivent les services de Micheline Calmy-Rey.

Des députés à bord

Plusieurs députés se trouvaient, à titre individuel, à bord de la flottille qui acheminait près de 700 sympathisants palestiniens en provenance de 15 pays et de l’aide pour Gaza. Le député vaudois Josef Zisyadis (POP / extrême-gauche), qui avait prévu d’être du voyage mais qui a dû y renoncer en raison de la session des Chambres fédérales qui débute ce lundi, s’est dit «horrifié» par les événements.

«Cet acte de piraterie de la part d’un Etat voyou est tout simplement innommable», s’est indigné Josef Zisyadis au micro de swissinfo.ch. Selon lui, l’Etat hébreu a voulu «faire un exemple pour empêcher toute possibilité d’action humanitaire de la société civile».

Le député estime que la Suisse doit condamner avec la plus grande fermeté cette attaque et «rappeler immédiatement» son ambassadeur à Tel-Aviv.

«Des exécutions sommaires»

Président du groupe parlementaire Suisse-Palestine, dont Josef Zisyadis est membre, le député socialiste Andrea Hämmerle a qualifié l’assaut de «fou, épouvantable et dramatique». Des manifestations en soutien au peuple palestinien sont prévues lundi soir dans plusieurs villes de Suisse, notamment devant le Palais des Nations à Genève.

Du côté des organisations non gouvernementales, l’indignation est également à son comble. «Nulle part dans le monde, il n’est possible de justifier l’attaque d’un convoi humanitaire», a affirmé Adrien-Claude Zoller, directeur de l’ONG ‘Genève pour les Droits de l’Homme’ à swissinfo.ch.

Pour Adrien-Claude Zoller, Israël a procédé à des «exécutions sommaires» d’humanitaires non-armés. «La communauté internationale doit condamner fermement cette attaque inacceptable», affirme-t-il. «Ce n’est pas une question de politique, mais de droits de l’homme.»

Autre son de cloche

Le député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) Theophil Pfister, président du groupe parlementaire Suisse-Israël, a de son côté mis en cause les organisateurs de la flottille pour Gaza.

«Israël avait très certainement mis en garde, les capitaines des bateaux engagés dans la flottille ont agi de manière irresponsable», a-t-il estimé. «Les activistes pro-palestiniens doivent aussi assumer les conséquences de ce qui s’est passé», a-t-il ajouté.

Dans une prise de position, la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) a déploré le refus des responsables du convoi de la proposition israélienne de transporter cette aide pour Gaza dans un port israélien afin d’être contrôlée. Ceci afin d’éviter tout trafic d’armes.

swissinfo.ch et les agences (avec la collaboration de Mohammed Cherif à Genève)

Le Conseil de sécurité de l’ONU a agendé lundi une réunion d’urgence sur le Proche-Orient après l’assaut meurtrier contre la flottille humanitaire. Un débat public y sera organisé.

Le Rapporteur spécial de l’ONU pour les territoire palestiniens, Richard Falk, a pour sa part appelé la communauté internationale à traîner en justice «les responsables du meurtre» de civils désarmés.

Benjamin Netanyahu a quant à lui décidé d’écourter son séjour au Canada et d’annuler son voyage aux Etats-Unis afin de revenir en Israël. Selon son programme initial, le Premier ministre israélien devait rencontrer mardi à la Maison Blanche le président américain Barack Obama.

Dans un communiqué, la Maison Blanche a fait savoir que «les Etats-Unis regrettent profondément les pertes en vies humaines et les blessés et travaillent à éclaircir les circonstances entourant cette tragédie».

Régime: démocratie parlementaire, siège à Ramallah

Territoire: 5’860 km2 (Cisjordanie) et 360 km2 (Bande de Gaza).

Démographie: environ 2,71 millions d’habitants en Cisjordanie et 1,42 million dans la Bande de Gaza.

Population: Arabes palestiniens 83%, Juifs 17% (Cisjordanie), Arabes palestiniens 99.4% (Bande de Gaza).

Religion: musulmans 75% (en majorité des sunnites), juifs 17%, chrétiens 8% (Cisjordanie), musulmans 98.7% (en majorité des sunnites), chrétiens 0.7% (Gaza).

source: DFAE

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